À l’occasion de l’ouverture de l’année préparatoire au bicentenaire de la naissance du cardinal Lavigerie nous voulons évoquer sa personnalité. Nos supérieurs généraux nous ont proposé comme thème pour cette année jubilaire : pour un engagement passionné et renouvelé auprès des peuples africains. Cela reflète ce qu’a été notre fondateur durant toute sa vie. Nos supérieurs poursuivent : « nous percevons dans notre fondateur un défenseur dévoué de la justice sociale, nous nous rappelons son engagement infatigable dans les efforts humanitaires et son travail de pionnier dans la promotion de la dignité humaine ».
Son témoignage est
donc encore très actuel pour nous aujourd’hui.
Qui était le cardinal
Lavigerie ?
Il y a plusieurs
façons de répondre à cette question complexe. La première façon, qui est la
plus facile, c’est d’évoquer son parcours ecclésiastique. Une autre façon est de
présenter sa personnalité et sa vocation humaine, spirituelle et apostolique.
Commençons par la
première partie. Son parcours dans l’Eglise.
Il est né le 31
octobre 1825, l’année prochaine cela fera donc 200 ans. Il était d’une famille
du sud-ouest de la France qui n’était pas catholique pratiquante. Ce sont les
servantes de la maison qui l’ont initié à la connaissance de Jésus. Il a pu
cependant entrer au petit séminaire, puis il est allé à Paris poursuivre sa
formation dans deux séminaires bien connus, celui de Saint-Sulpice et l’école
des Carmes. Il est ordonné prêtre à 24 ans, il a eu un doctorat es Lettres à 25
ans, un autre en théologie à 26 ans, il
est devenu professeur à la Sorbonne (Paris, France) à 27 ans. Il enseigna
pendant 9 ans. Il avait un esprit très ouvert et s’intéressait beaucoup à tout
ce qu’il y avait de nouveau, de prometteur autour de lui dans un monde en
grande transformation.
Comment s’est-il
intéressé alors à la mission ? D’abord, quand il était séminariste, il a écouté
un évêque missionnaire en Chine parler de son expérience et cela l’a touché
profondément. Ensuite, c’est le plus important, alors qu’il enseignait à Paris,
il a été sollicité comme directeur des Œuvres des Ecoles d’Orient. Celles-ci
avaient pour mission de soutenir les écoles catholiques dans les pays du
Proche-Orient. Il devait chercher de l’argent pour financer ces écoles.
Cependant, un jour il y a eu un massacre des chrétiens en Syrie et au Liban. Il est alors allé sur place pour apporter les
fruits d’une quête spéciale. Cela a été, a-t-il raconté, son chemin de Damas
(comme pour Saint-Paul). Il a découvert les cultures du Proche-Orient, les Eglises
orientales (orthodoxes), l’islam et les
musulmans, et la beauté de cette région du monde, qu’il comparera plus tard à
l’Afrique du Nord.
Après un bref passage
à Rome, il fut nommé évêque de Nancy à l’est de la France. Il avait 38 ans.
Quelques années après, alors qu’il pensait qu’il ferait toute sa carrière en
France, on lui a proposé de devenir archevêque d’Alger, la capitale de
l’Algérie en Afrique du Nord. Ce fut pour lui un sacrifice de quitter la France,
mais il a accepté aussitôt à cause de son expérience au Proche-Orient. Il
s’intéressait à l’Afrique du Nord, à la rencontre avec l’islam mais aussi, pour
lui, Alger était la porte d’entrée vers tout le continent africain où il y
avait, disait-il, 200 millions d’Africains au sud du Sahara qui ne
connaissaient pas le Christ et vivaient dans des conditions très difficiles.
C’est pour cela qu’il a rapidement fondé deux congrégations missionnaires de Pères,
de Frères et de Sœurs qu’on a appelés à l’époque les Pères Blancs et les Sœurs Blanches.
Il est ensuite nommé
délégué apostolique pour l’Afrique de l’Est, puis administrateur de la Tunisie
et enfin il fut créé cardinal.
À la fin de sa vie, bouleversé
par la gravité de l’esclavage en Afrique noire, il a proposé au pape Léon XIII
de lancer une campagne contre l’esclavagisme. Celui-ci l’a chargé de cette importante
mission. Il a accepté malgré sa mauvaise santé.
Epuisé par cette campagne
et ses autres problèmes de santé, il décéda le 26 novembre 1892 à Alger et fut enterré à Carthage.
Cette première partie
nous montre déjà la personnalité forte et la générosité du cardinal Lavigerie.
Considérons
maintenant brièvement sa personnalité
Il était un homme
d’un grand cœur et d’une grande intelligence, grand organisateur. Il devinait quels seraient les grands défis de
son temps, c’est pourquoi on a dit qu’il était un visionnaire, il avait une
vision sur l’avenir de l’Eglise et de l’Afrique. On dirait aujourd’hui qu’il
savait scruter les signes des temps.
Le cardinal Lavigerie
demandait à ses missionnaires d’être des apôtres, et rien d’autre, dans la tradition
de la spiritualité et de la mission de Saint-Paul.
Notre fondateur était
également un homme passionné par tout ce qu’il entreprenait, il avait quatre
grandes passions : la passion de Dieu, la passion de l’être humain, la passion
de l’Eglise et la passion de l’Afrique.
Sa passion de Dieu
: c’était la source de toute sa vie, il était un homme de prière, qui se levait
tous les matins à 4 heures pour prendre un long temps d’oraison avant ses
nombreuses activités. C’est là qu’il puisait sa force et son zèle. Il écrivait à
ses missionnaires : « Un seul sentiment doit vous inspirer, l’amour, l’amour de
Dieu et celui de tous ces pauvres qui leur sont confiés. Aimer les comme une
mère aime ses fils ». Il disait aussi à la fin de sa vie : « Soyez
fous de Jésus-Christ comme je le suis moi-même » . C’était donc son amour
pour le Christ qui nourrissait son engagement et qui le poussait à le faire
connaître au plus grand nombre : c’est cela être missionnaire.
Sa 2e
passion, c’est la passion de l’être humain. Il a particulièrement eu le
souci des êtres humains qui n’ont pas eu l’occasion de rencontrer le Christ
mais aussi de toutes les personnes en situation de fragilité. Pour lui la
mission concernait l’homme dans sa totalité. Arrivé à Alger, il a été très vite
confronté à une épidémie qui a entraîné une grave famine, la mort de beaucoup
de personnes et de nombreux orphelins. Il a tout fait pour les prendre en
charge, par centaines. Ensuite, quand il a découvert par ses lectures et ses
contacts, les horreurs provoquées par l’esclavage en Afrique Noire il s’est
épuisé à lutter contre ce fléau. Il a demandé à ses missionnaires de s’engager
dans ce sens, quels que soient les risques. Il avait également un grand souci
des malades et demandait à ses missionnaires de commencer par prendre soin de
ceux-ci avant même d’annoncer la Bonne nouvelle. Il a formé aussi des
catéchistes médecins. Il affirmait : « Je suis homme, l’inustice envers
d’autres hommes révolte mon cœur ».
Sa passion pour l’Eglise
s’est exprimée dans une grande fidélité au pape et dans l’acceptation de toutes
les nominations qu’il avait reçues. On peut penser qu’il cherchait les honneurs
ecclésiastiques, mais s’il a parfois visé des fonctions importantes, c’était
pour que celles-ci lui donnent l’autorité et les moyens de réaliser son projet
missionnaire.
Enfin sa passion pour
l’Afrique. Il aimait dire : « J’ai tout aimé
dans notre Afrique ». Dès qu’il est arrivé en Afrique du Nord il fut pris
d’amour pour ce continent, et pas seulement le Nord mais aussi toute l’Afrique au
sud du Sahara. Son souci était de donner aux Africains accès là la connaissance
du Christ et de l’Évangile et d’arriver à leur libération de l’esclavage. Il
s’est attaché à toutes ces populations, il a respecté la sensibilité des
musulmans et a demandé à ses missionnaires de se donner corps et âme au peuple
où ils étaient envoyés : Il a repris ces mots de Saint-Paul : « Je me suis fait
tout à tous afin d’en gagner quelques-uns ».
Bonne préparation du
bicentenaire,
Bernard Ugeux M.Afr.