vendredi 5 janvier 2024

NOUVELLE LETTRE DE LA SAVANE N°56 de janvier 2024


Cher(es) ami(e)s,

Je vous souhaite une année 2024 …. qu’ajouter ? …où vous trouverez la paix du cœur et l’espérance à travers tout… et que sera ce tout…. ? choisissons la confiance. Le pire n’est pas le plus sûr, et cela dépend aussi de nous.

J’ai attendu le début de cette année et la publication des résultats des élections en RDC le 31 décembre pour vous écrire. Germes d’Espérance n’a jamais autant mérité ce nom dans un monde où l’espoir de paix semble s’amenuiser sans cesse. Que ce soit l’invasion de l’Ukraine, le massacre injustifiable du peuple palestinien à la suite des attaques tout aussi injustifiables du Hamas contre Israël, (les deux communautés ont droit à la sécurité), la destruction du Soudan par deux chefs de guerre en compétition dont la soif de pouvoir a entraîné le déplacement de neuf millions de réfugiés, ou la situation de guerre en RDC qui a provoqué ces dernières années le déplacement de sept millions de personnes entassées dans des camps ou des villages dans des conditions indescriptibles…, etc. Regarder les informations télévisées devient une épreuve affective et psychologique. Pourtant, si nous arrivons à dépasser la partialité de la plupart des médias, nous savons qu’il y a sur notre planète – et particulièrement là où il y a de grandes souffrances – beaucoup plus de gestes d’amour et de solidarité que de haine et de rejet. Et cela je le vis au quotidien au milieu des populations démunies que je croise chaque jour. Avec l’inflation galopante actuelle, qui précarise nos projets, des familles entières ne mangent qu’une fois tous les deux, trois jours. La solidarité fait des merveilles mais ne remplace pas l’absence d’un État efficace.

Quelques bonnes nouvelles de cette année

La libération de notre confrère allemand Ha-Jo Lohr enlevé par les djihadistes au Mal, il y a plus d’un an, et qui a pu rejoindre sa famille sain et sauf. Deux autres confrères avaient été enlevés au Nigéria et libérés après quelques semaines. Avec la percée des islamistes en Afrique Noire l’enlèvement de religieux est de plus en plus fréquent.

La construction d’un atelier de 6 m sur 10  pour l’école de menuiserie de Kamituga grâce à l’aide de l’association toulousaine Garonne Animation et d’autres personnes, que nous remercions de tout cœur. Nous commençons ce mois-ci. Y  sont formés chaque année trente jeunes issus des mines d’or où ils étaient exploités. Cet atelier sera équipé de machines à bois électriques. Celles-ci amélioreront le niveau de compétence de nos élèves et donc leurs chances d’être embauchés dans les menuiseries locales. Il nous faut encore trouver l’argent pour les machines à bois.

Remise du brevet et du kit de réinsertion à un finaliste de l’école de Kamituga.

Le centre Nyota accueille cette année deux cents soixante filles vulnérables (pour une durée de trois à cinq ans) dont un certain nombre ont été victimes de traumatismes sérieux.  La rentrée s’est bien passée et la proclamation des résultats trimestriels a été agrémentée de différentes productions culturelles présentées par chaque classe : danses, mise en scène de l’annonciation, de la visitation et de la nativité, chants, récitations, etc. L’esprit reste très bon. A la demande des formateurs et des jeunes, nous avons acheté 5 PC pour commencer une initiation à l’informatique en vue de former à l’e-commerce. A l’occasion de fêtes comme celle de Noël, elles sont nombreuses à présenter des danses rythmées sur des musiques contemporaines.


Les voir se trémousser ainsi dans la joie et la détente est pour nous un signe émouvant de leur résilience et de la réappropriation de leur féminité après tout ce qu’elles ont souvent subi. Nous continuons à fournir de la bouillie protéinée à une soixantaine de filles les plus sous-alimentées. Cependant, nous recevons cette année des victimes de la guerre qui sévit dans la province d’à côté qui est en état de siège (Nord-Kivu) et est en partie occupée par des groupes rebelles soutenus par l’étranger. Les formateurs ont constaté qu’une cinquantaine de nos filles sont particulièrement fragiles. Certaines passent par des moments de décompensation avec évanouissement en classe en lien avec les souvenirs traumatiques qui les habitent. Elles demandent un suivi particulier avec un thérapeute professionnel que nous devons financer en plus de l’équipe actuelle.

Le rejet de la déclaration récente du pape François à propos de la bénédiction des couples en situation irrégulière.

L’épiscopat de Zambie, parmi de nombreux autres, rejette le décret du pape François

Le décret Fiducia supplicans qui concerne les couples en situation irrégulière a provoqué une levée de boucliers généralisée dans l’ensemble des Eglises d’Afrique. Pour des raisons en grande partie culturelles, les homosexuels sont perçus comme des êtres pervers qui ont choisi librement le vice pour s’y vautrer de façon honteuse. De nombreux Etats africains criminalisent l’homosexualité. Du coup, l’idée de bénir des couples de ce genre devient insupportable même à des prélats et des professeurs de théologie et de philosophie, parfois formés en Europe. Le rejet est continental. Sur les médias sociaux, ce fut une véritable curée. Je soupçonne certains hauts responsables de ne pas avoir lu sérieusement ou compris ce document de 10 pages, nuancé, mais bradé à partir de comptes-rendus médiatiques tendancieux. La réaction a été tellement émotionnelle et rapide qu’il n’y avait pas la place suffisante pour l’étude et le discernement à mon avis. Et les prises de position musclées se sont envolées… Il faut cependant reconnaître le manque de pédagogie du Vatican qui n’a pas préparé le terrain pour l’accueil d’un document qui risquait d’être controversé et l’absence de prise en compte des différences culturelles selon les continents. La culture vaticane ne représente pas la grande variété culturelle de notre planète, tant s’en faut.

Des efforts de pédagogie

Nous essayons d’expliquer à nos étudiants et à nos paroissiens le sens profond de ce document : il n’est pas question de mariage, et une bénédiction n’est pas une approbation d’un état quelconque mais un soutien spirituel à des couples en situation difficile. Cela m’a rappelé le scandale provoqué par la publication en 1968 d’Humanae Vitae chez beaucoup de catholiques convaincus. À cette occasion de nombreuses conférences épiscopales ont dû expliquer la position du pape Paul VI concernant l’interdiction de la contraception et fournir un « mode d’emploi » qui faisait appel à la conscience personnelle et au discernement. Il faut savoir qu’en Afrique la contraception est toujours interdite dans l’Eglise catholique.

Après seulement 100 à 150 années passées depuis le début de la première évangélisation, il faut comprendre que l’inculturation du christianisme n’est qu’à ses débuts sur ce continent et qu’il faut longuement patienter.

Les élections en RDC

Un engouement louable malgré une logistique déficiente et peu d’illusion sur l’issue des votes

Nous venons de vivre une période électorale agitée. Ces élections étaient attendues depuis longtemps et concernaient la présidence de la république, les chambres et les municipalités. Beaucoup sont allés voter mais un certain nombre n’ont pas réussi. L’élection du Président se faisant à un seul tour alors qu’il y avait plus de 20 opposants qui n’ont pas été capables de se mettre d’accord entre eux pour un candidat commun, on ne doit pas s’étonner des résultats. C’est le Président sortant qui est réélu. Cependant, la crédibilité des résultats reste questionnée à cause de témoignages de désordres et d’irrégularités qui circulent. Les grandes Eglises, la société civile, des organismes étrangers ont observé le déroulement des élections et ont reconnu des limites dans l’organisation. Un système de dépouillement parallèle à celui de la Commission Nationale électorale (CENI) rendra compte des éventuelles divergences qui seront signalées et de la validité de recours.

Notre communauté de formation Missionnaires d’Afrique.

Nous sommes organisés en 4 équipes de formation : voici les joyeux lurons de la mienne.

Cette année nous battons les records d’affluence dans notre maison de formation où quatre formateurs se consacrent à la formation de 38 jeunes de 10 nationalités différentes dont une demi-douzaine d’une autre congrégation. Ils suivent les cours de philosophie dans un consortium intercongrégationnel missionnaire, où j’enseigne également. En revenant il y a 2 ans dans ce centre de formation dont j’ai été cofondateur en 1981, je suis contraint de me replonger dans l’enseignement de la philosophie ce qui me demande d’abord de me recycler moi-même, après 40 ans. À mon âge et avec les engagements caritatifs et humanitaires que j’assume aujourd’hui, ce genre de cours me demande un certain détachement tant l’abstraction me paraît loin du combat des gens qui sont autour de nous. Pourtant, il est bien nécessaire de former sérieusement les séminaristes à l’esprit critique. La preuve en est le dérapage émotionnel d’une grande partie du clergé africain face à la proposition d’une petite bénédiction privée pour des couples en situation irrégulière…  Beaucoup de bruit pour peu de choses.

La formation permanente continue pour moi

J’ai beaucoup réduit mon engagement dans ce domaine mais cela ne m’empêche pas de répondre à certaines demandes de formation principalement dans la région des Grands Lacs. Par exemple, 3 jours d’initiation à l’interculturalité - comment vivre les différences culturelles comme une richesse et non comme une menace – pour les jeunes confrères en première année de formation à Goma, provenant du Rwanda, du Burundi et de RDC.

Je participe aussi à la formation des formateurs au centre Amani des jésuites. J’aime beaucoup donner les quatre jours d’initiation à « vivre en communauté fraternelle » à l’internoviciat qui regroupe un certain nombre de novices provenant des 25 congrégations féminines de Bukavu. S’y ajoutent des week-ends pour les jeunes religieuses qui viennent de faire profession et pour celles de profession solennelle.

Cette année je me suis aussi lancé dans la formation des choristes liturgiques avec plaisir. Je chante dans une chorale depuis l’âge de 8 ans. J’ai enfin initié nos jeunes confrères philosophes à l’importance de leur engagement dans la protection des mineurs et des personnes vulnérables dans leur engagement pastoral.

Oui, la vie continue. Merci encore pour votre soutien !


Chapelle de la maison de formation des Missionnaires d’Afrique à Bukavu. Avec Gabriel Ducroquet en visite chez nous.


Menace de la RDC de se retirer de la Francophonie : une décision secouant la Communauté Internationale.

  Le gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) a récemment fait part de son intention de se retirer de l’Organisation Intern...