lundi 17 septembre 2018

Lettre N°35, de septembre 2018


Chères amies, chers amis,

Bonjour d’une Rome chaude et ensoleillée dont le charme ne se départit pas.
J’imagine que pour la plupart d’entre vous, la rentrée est terminée, à part pour les étudiants. J’espère que vous allez bien ainsi que tous celles et ceux qui vous tiennent à cœur.

Rome attristée
Pour nous, à Rome, la rentrée est évidemment marquée par les « affaires » qui ébranlent et pour certains décrédibilisent de plus en plus l’Église catholique. Les événements se succèdent par vagues, un cardinal américain dénoncé, un État américain qui fait le point sur les abus sexuels sur une durée de 70 ans, un ancien nonce américain tête de pont d’une offensive des conservateurs réactionnaires contre un Pape qui ne cesse de les déranger parce qu’il vit l’Évangile, un rapport accablant aujourd’hui concernant L’Église en Allemagne sur une période qui remonte aux années quarante… Et ceci ne semble que le début d’un long déballage mondial. En effet, la Pennsylvanie n’est qu’un état sur 50 aux États-Unis. Le Pape lui-même en est profondément affecté, comme on peut le lire dans sa récente Lettre au peuple de Dieu. Pour moi, un point positif, c’est qu’enfin on s’attaque au cléricalisme qui est un cancer pour L’Église et que je dénonce personnellement depuis longtemps. Ici je renvoie à mon blog dont vous avez la référence ci-dessous. Le cléricalisme est lié entre autres à une conception perverse de la solidarité fraternelle entre clercs. Il y a aussi cette arrogance de tant de clercs, cette impunité de trop de consacrés, de prêtres et d’évêques, le silence apparemment complice de certains nonces censés être en lien avec les conférences épiscopales, la culture du secret et du déni. Quand se dévoileront les abus sur les femmes et particulièrement sur les religieuses en Afrique, cela fera encore beaucoup de bruit. Des producteurs de documentaires s’y préparent et cherchent des témoignages sur le comportement indescriptible d’une partie du clergé. Or, les diocèses d’Afrique n’ont pas les moyens de dédommager toutes ces victimes qui un jour se lèveront et réclameront leur droit.

C’est quoi être pasteur ?
Ce qui me scandalise et me fait honte, c’est que cela concerne des personnes en responsabilité pastorale qui devraient être, non des gens parfaits, mais des références pour le peuple qui leur est confié. C’est une question de cohérence. Pour tant de catholiques, particulièrement dans l’hémisphère sud, le prêtre est un homme de Dieu. Il est donc censé être une icône de la tendresse du Père et un guide sage pour tous ceux et celles qui les approchent, y compris les couples et les religieuses. Pour ce faire, en plus d’un sérieux équilibre humain, seules la contemplation du Christ dans la prière et une lecture assidue des évangiles leur permettent d’essayer de répondre à de si grandes attentes qui les dépassent toujours. Je ne peux pas croire que quelqu’un qui a une vraie vie de prière personnelle quotidienne, pour qui les Écritures sont la source de sa vie et son enseignement, peut vivre dans une telle incohérence. Et cela touche autant l’argent que le sexe. Comment puis-je prêcher, préparer des couples au mariage, m’engager pour la justice, si je méprise la parole de Dieu quand elle me parle du respect des petits, si j’ai un comportement sexuel à l’opposé de mon enseignement aux jeunes, et dénie les droits humains dans mes relations, surtout concernant les plus exposés, comme les femmes et les enfants. Que reste-t-il de mon « être » sacerdotal, de l’appel auquel j’ai répondu quand je me suis engagé ? Où est mon trésor aujourd’hui ? puisque c’est là qu’est mon cœur, dit le Seigneur ? Une telle incohérence de la part de mes frères prêtres me blesse profondément même si moi aussi je suis pécheur.

La hiérarchie et la formation en question…
Et à fortiori quand il s’agit de membres de la hiérarchie qui trouvent si normal d’être vénérés par son peuple. Certes, il ne faut pas généraliser, et je ne veux pas faire d’amalgame. Mais avec la progression des statistiques scandaleuses qui deviennent mondiales, j’estime que cela postule une refonte complète de l’ecclésiologie (place et rôle des ministres ordonnés et des laïcs, hommes et femmes) et de la formation du clergé et des consacrés. Le problème est structurel, il n’est plus seulement événementiel. Il faut l’affronter en face car il concerne l’entretien du cléricalisme. Je suis toujours gêné quand j’assiste à une ordination qui dure 4 à 5 heures, coûte une fortune et où le jeune ordonné est installé et loué comme un chef traditionnel ou un grand bourgeois de la cité. Quel message ce cérémonial donne-t-il au peuple de Dieu à propos de ce jeune frère qui vient d’être consacré à Dieu pour les servir en donnant sa vie « jusqu’au bout » ?
Tout ce tapage médiatique aujourd’hui, en partie nécessaire, me donne de la tristesse et de la colère, même si je garde l’espérance et que je crois que comme le dit Saint Paul, « pour qui aime Dieu, celui-ci fait tout tourner à son bien ». Un temps de crise est un temps de choix et de purification, donc une nouvelle chance si on sait la saisir.
Il faut reconnaître que depuis les débuts des années 2000, il n’y a plus de nouveaux cas sérieux signalés. Que les formations que donnent le Centre pour la Protection de l’Enfant dépendant de l’Université Pontificale Grégorienne (jésuite) auquel je collabore continue à être demandées et appréciées. Nous formons des prêtres comme délégués à la protection des mineurs et des personnes vulnérables pour les congrégations ou les diocèses.
Par ailleurs, le Pape convoque pour fin février 2019 une réunion des présidents des Conférences épiscopales du monde entier. Espérons que ceux qui continuent à être dans le déni ou pratiquent l’omerta finiront par se mouiller, surtout dans l’hémisphère Sud. Je crois que ce sera une nouvelle étape sur un chemin de vérité… qui sera encore douloureux mais nécessaire.
Tout cela peut être une grâce pour l’Église, à travers une traversée du désert. Par ailleurs, le jour où les institutions qui s’occupent de mineurs dans la société civile oseront faire la même démarche de vérité (comme avec #metoo), ce ne sera pas moins scandaleux, mais peut-être moins médiatisé.

Le réseau Talitha Kum
N’oublions pas les bonnes nouvelles ! Il s’agit d’un réseau lancé par les congrégations religieuses féminines dans le monde entier (UISG) pour contrer les réseaux de trafic humain. Il collabore avec l’Office International des migrations (OIM). Ce trafic est le second, après la drogue, en termes de profit financier. L’Afrique est particulièrement concernée quand on considère les réseaux maffieux qui exploitent particulièrement des femmes venues du Ghana et du Nigeria. J’ai évoqué dans mon blog ce réseau en Italie. L’objectif de Talitha Kum, défini en 2008 lors du Congrès des Religieuses en Réseau contre la Traite des personnes est multiple. Dénoncer la traite comme un crime auprès des gouvernements et des conférences épiscopales. Il s’agit aussi de travailler en réseau entre les congrégations et toutes les autres organisations sociales, religieuses et politiques, engagées sur ce terrain, renforcer et optimiser les actions et initiatives existantes, optimiser les ressources pour la prévention, l’assistance et la protection, la sensibilisation et la dénonciation de la traite des personnes, développer des programmes éducatifs pour réveiller les consciences. L’accent est aussi mis sur la formation des religieuses et autres engagés. Il existe un excellent manuel de formation que j’utilise dans certaines formations. Depuis 2009, l’accent a été mis également sur le partage des informations, des recherches et des expériences comme des bonnes pratiques ainsi que sur la communication. En outre, on poursuit la formation et les prises de position publiques pour devenir les voix des sans voix.
Évidemment, notre réseau Germes d’Espérance est concerné puisqu’il prend en charge des jeunes femmes victimes de réseaux de prostitution ou d’enlèvement pour devenir esclaves sexuelles ainsi que des enfants esclaves dans les mines de la RDC.

MERCI ENCORE POUR VOTRE SOUTIEN ! 
Bernard

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