Chères
amies, chers amis,
Bonjour
d’une Rome chaude et ensoleillée dont le charme ne se départit
pas.
J’imagine
que pour la plupart d’entre vous, la rentrée est terminée, à
part pour les étudiants. J’espère que vous allez bien ainsi que
tous celles et ceux qui vous tiennent à cœur.
Rome
attristée
Pour
nous, à Rome, la rentrée est évidemment marquée par les
« affaires » qui ébranlent et pour certains
décrédibilisent de plus en plus l’Église catholique. Les
événements se succèdent par vagues, un cardinal américain
dénoncé, un État américain qui fait le point sur les abus sexuels
sur une durée de 70 ans, un ancien nonce américain tête de pont
d’une offensive des conservateurs réactionnaires contre un Pape
qui ne cesse de les déranger parce qu’il vit l’Évangile, un
rapport accablant aujourd’hui concernant L’Église en Allemagne
sur une période qui remonte aux années quarante… Et ceci ne
semble que le début d’un long déballage mondial. En effet, la
Pennsylvanie n’est qu’un état sur 50 aux États-Unis. Le Pape
lui-même en est profondément affecté, comme on peut le lire dans
sa récente Lettre au peuple de Dieu. Pour moi, un point positif,
c’est qu’enfin on s’attaque au cléricalisme qui est un cancer
pour L’Église et que je dénonce personnellement depuis longtemps.
Ici je renvoie à mon blog dont vous avez la référence ci-dessous.
Le
cléricalisme est lié entre autres à une conception perverse de la
solidarité fraternelle entre clercs.
Il y a aussi cette arrogance de tant de clercs, cette impunité de
trop de consacrés, de prêtres et d’évêques, le silence
apparemment complice de certains nonces censés être en lien avec
les conférences épiscopales, la culture du secret et du déni.
Quand se dévoileront les abus sur les femmes et particulièrement
sur les religieuses en Afrique, cela fera encore beaucoup de bruit.
Des producteurs de documentaires s’y préparent et cherchent des
témoignages sur le comportement indescriptible d’une partie du
clergé. Or, les diocèses d’Afrique n’ont pas les moyens de
dédommager toutes ces victimes qui un jour se lèveront et
réclameront leur droit.
C’est
quoi être pasteur ?
Ce
qui me scandalise et me fait honte, c’est que cela concerne des
personnes en responsabilité pastorale qui devraient être, non des
gens parfaits, mais des références pour le peuple qui leur est
confié. C’est une question de cohérence. Pour tant de
catholiques, particulièrement dans l’hémisphère sud, le prêtre
est un homme de Dieu. Il est donc censé être une icône de la
tendresse du Père et un guide sage pour tous ceux et celles qui les
approchent, y compris les couples et les religieuses. Pour ce faire,
en plus d’un sérieux équilibre humain, seules la contemplation du
Christ dans la prière et une lecture assidue des évangiles leur
permettent d’essayer de répondre à de si grandes attentes qui les
dépassent toujours. Je ne peux pas croire que quelqu’un qui a une
vraie vie de prière personnelle quotidienne, pour qui les Écritures
sont la source de sa vie et son enseignement, peut vivre dans une
telle incohérence. Et cela touche autant l’argent que le sexe.
Comment
puis-je prêcher, préparer des couples au mariage, m’engager pour
la justice, si je méprise la parole de Dieu
quand elle me parle du respect des petits, si j’ai un comportement
sexuel à l’opposé de mon enseignement aux jeunes, et dénie les
droits humains dans mes relations, surtout concernant les plus
exposés, comme les femmes et les enfants. Que reste-t-il de mon
« être » sacerdotal, de l’appel auquel j’ai répondu
quand je me suis engagé ? Où est mon trésor aujourd’hui ?
puisque c’est là qu’est mon cœur, dit le Seigneur ? Une
telle incohérence de la part de mes frères prêtres me blesse
profondément même si moi aussi je suis pécheur.
La
hiérarchie et la formation en question…
Et
à fortiori quand il s’agit de membres de la hiérarchie qui
trouvent si normal d’être vénérés par son peuple. Certes, il
ne faut pas généraliser, et je ne veux pas faire d’amalgame. Mais
avec la progression des statistiques scandaleuses qui deviennent
mondiales, j’estime que cela postule une refonte complète de
l’ecclésiologie (place et rôle des ministres ordonnés et des
laïcs, hommes et femmes) et de la formation du clergé et des
consacrés. Le
problème est structurel,
il n’est plus seulement événementiel. Il faut l’affronter en
face car il concerne l’entretien du cléricalisme. Je suis toujours
gêné quand j’assiste à une ordination qui dure 4 à 5 heures,
coûte une fortune et où le jeune ordonné est installé et loué
comme un chef traditionnel ou un grand bourgeois de la cité. Quel
message ce cérémonial donne-t-il au peuple de Dieu à propos de ce
jeune frère qui vient d’être consacré à Dieu pour les servir en
donnant sa vie « jusqu’au bout » ?
Tout
ce tapage médiatique aujourd’hui, en partie nécessaire, me donne
de la tristesse et de la colère, même si je garde l’espérance et
que je crois que comme le dit Saint Paul, « pour qui aime Dieu,
celui-ci fait tout tourner à son bien ». Un temps de crise est
un temps de choix et de purification, donc une nouvelle chance si on
sait la saisir.
Il
faut reconnaître que depuis les débuts des années 2000, il n’y a
plus de nouveaux cas sérieux signalés. Que les formations que
donnent le Centre pour la Protection de l’Enfant dépendant de
l’Université Pontificale Grégorienne (jésuite) auquel je
collabore continue à être demandées et appréciées. Nous formons
des prêtres comme délégués à la protection des mineurs et des
personnes vulnérables pour les congrégations ou les diocèses.
Par
ailleurs, le Pape convoque pour fin février 2019 une réunion des
présidents des Conférences épiscopales du monde entier. Espérons
que ceux qui continuent à être dans le déni ou pratiquent l’omerta
finiront par se mouiller, surtout dans l’hémisphère Sud. Je crois
que ce sera une nouvelle étape sur un chemin de vérité… qui sera
encore douloureux mais nécessaire.
Tout
cela peut être une grâce pour l’Église, à travers une traversée
du désert. Par ailleurs, le jour où les institutions qui s’occupent
de mineurs dans la société civile oseront faire la même démarche
de vérité (comme avec #metoo),
ce ne sera pas moins scandaleux, mais peut-être moins médiatisé.
Le
réseau Talitha Kum
N’oublions
pas les bonnes nouvelles ! Il s’agit d’un réseau lancé par
les congrégations religieuses féminines dans le monde entier (UISG)
pour contrer les réseaux de trafic humain. Il collabore avec
l’Office International des migrations (OIM). Ce trafic est le
second, après la drogue, en termes de profit financier. L’Afrique
est particulièrement concernée quand on considère les réseaux
maffieux qui exploitent particulièrement des femmes venues du Ghana
et du Nigeria. J’ai évoqué dans mon blog ce réseau en Italie.
L’objectif de Talitha Kum, défini en 2008 lors du Congrès
des Religieuses en Réseau contre la Traite des personnes est
multiple. Dénoncer la traite comme un crime auprès des
gouvernements et des conférences épiscopales. Il s’agit aussi de
travailler en réseau entre les congrégations et toutes les autres
organisations sociales, religieuses et politiques, engagées sur ce
terrain, renforcer et optimiser les actions et initiatives
existantes, optimiser
les ressources pour la prévention, l’assistance et la protection,
la sensibilisation et la dénonciation de la traite des personnes,
développer des programmes éducatifs pour réveiller les
consciences.
L’accent est aussi mis sur la formation des religieuses et autres
engagés. Il existe un excellent manuel de formation que j’utilise
dans certaines formations. Depuis 2009, l’accent a été mis
également sur le partage des informations, des recherches et des
expériences comme des bonnes pratiques ainsi que sur la
communication. En outre, on poursuit la formation et les prises de
position publiques pour devenir les voix des sans voix.
Évidemment,
notre
réseau Germes d’Espérance est concerné
puisqu’il prend en charge des jeunes femmes victimes de réseaux de
prostitution ou d’enlèvement pour devenir esclaves sexuelles ainsi
que des enfants esclaves dans les mines de la RDC.
MERCI
ENCORE POUR VOTRE SOUTIEN !
Bernard