Le centre Nyota, dans le
diocèse de Bukavu, dans l’est de la RD-Congo, contribue à la formation et à
l’éducation intégrale des jeunes filles, notamment celles marginalisées, ou
victimes de violences sociales ou sexuelles.
Le
père Bernard Ugeux, prêtre de la Société des Missionnaires d’Afrique (Pères
blancs) explique à La Croix Africa l’importance
de cette structure qu’il soutient depuis quelques années.
La Croix Africa :
Pouvez-vous nous présenter brièvement le centre Nyota ?
Père Bernard Ugeux : Le
centre a été créé en 1986 par les sœurs Dorothée de Cemmo en vue de contribuer
à la formation et à l’éducation intégrale des jeunes filles, particulièrement
celles qui sont abandonnées, marginalisées, ou victime de violences sociales ou
sexuelles. Il accueille 250 jeunes filles et fillettes durant la journée, sur
une durée de trois à cinq ans, afin de leur permettre de se reconstruire.
Ce centre a été pillé à
l’occasion des guerres à répétition de l’est de la RDC, ce qui a poussé
religieuses à partir. Ce sont des laïcs qui ont repris la mission de cette
structure, en lien avec le diocèse. Le centre Nyota met en place une méthode
d’accueil, de formation et de réintégration dans la société de ces victimes
d’enlèvement, d’esclavage sexuel par des groupes armés, de prostitution de
mineures, ou qui sont enfants en situation de rue, ou n’ayant reçu aucune
scolarisation à cause de la pauvreté ou de l’insécurité.
Comment se font la prise en
charge et l’accompagnement ?
B. U. :
Ces jeunes filles sont amenées au centre par les paroisses, des personnes de
bonne volonté, la police des mineurs, d’autres jeunes qui les ont rencontrées
et sensibilisées. Elles ont en commun une très grande vulnérabilité et l’impossibilité
économique et sociale d’être scolarisées. Elles sont prises en charge
individuellement sur une durée de trois à cinq ans ou leur évolution est suivie
de près par une équipe d’animation composée d’une quinzaine de personnes très
dévouées. Durant les trois premières années, on les prépare au certificat
d’école primaire. Parallèlement, une formation professionnelle est fournie
(coupe et couture, petit commerce, cuisine, savonnerie). Certaines poursuivent
pendant deux ans une professionnalisation en coupe et couture et présentent le
jury national.
L’accompagnement est
holistique : il est individualisé, il est communautaire grâce au climat de
confiance et d’affection que fournit le centre. Il est psychologique par le
suivi personnalisé mais aussi social par la réintégration progressive de la
personne dans la société et les enfants sont dans leur famille ou des familles
d’accueil. L’accompagnement est aussi économique par l’acquisition d’un
savoir-faire qui permet une prise en charge économique. Il est également
spirituel par la préparation aux sacrements pour celles qui sont catholiques,
le centre étant ouvert à toutes les religions et confessions dans un respect
des identités. Le centre vit essentiellement de dons, il est donc le produit
d’une solidarité entre communautés chrétiennes.
Quelles leçons peut-on tirer de
cette expérience ?
B. U. :
Un grand nombre de ces jeunes filles ont été traumatisées et doivent passer par
un processus de résilience qui consiste à retrouver une estime de soi, une
autonomie affective et relationnelle, une confiance dans la société et une
capacité de faire des projets. Celles qui ont vécu les violences les plus
graves ont besoin de temps pour guérir de leurs blessures intérieures. D’où la
durée de 3 à 5 ans de la prise en charge.
Apprendre un métier manuel les
aide à se réconcilier avec leur corps qui a été profondément humilié et
dévalorisé. Il n’est pas possible de fournir à toutes les victimes de
traumatismes, dans nos régions ravagées par la violence, des thérapies individuelles
par des professionnels, par manque de moyens et de compétences. Mais notre
centre démontre que, grâce au dévouement du personnel et à l’approche
holistique de la résilience, une réelle reconstruction est possible.
Les valeurs évangéliques sont
vécues au quotidien dans la qualité des relations entre les jeunes et avec les
formatrices. Comme beaucoup n’ont pas d’état civil, le centre finance les
démarches juridiques nécessaires pour que toutes aient un acte de naissance qui
leur permette de se prendre en main le jour où elles se lancent dans la vie
avec leur projet personnel. Cela fait partie de l’approche holistique :
transformer des victimes en citoyennes et en militantes de la paix et de la
justice.