samedi 17 juillet 2021

Nouvelle Lettre de la Savane N°46 du juillet 2021

 


Chers amies, chers amis,

Je vous rejoins aujourd’hui en ce début d’été alors que vous commencez à jouir des allégements des restrictions concernant la covid 19. J’espère de tout cœur que vous avez ainsi l’occasion de renouer avec des personnes et des lieux qui vous sont chers ou qui vous ont manqué pendant les confinements. Je remercie chaleureusement, au nom de tous les bénéficiaires, celles et ceux qui ont profité de l’accumulation d’épargne qu’a permis la pandémie pour continuer à nous soutenir financièrement. Grâce à vous, malgré une situation économique très difficile, nos projets se poursuivent et de nombreuses jeunes filles sont prises en charge sur la durée et retrouvent le sourire et l’autonomie, avec un nouvel espoir pour l’avenir.

À propos de cette pandémie, les autorités sanitaires de la RDC mettent en garde contre une troisième vague du variant Delta, qui selon elles serait présent un peu partout dans le pays et provoquerait des engorgements d’hôpitaux. Nous ne constatons rien de cela dans notre ville de Bukavu et nous savons que c’est  également le cas dans beaucoup d’autres villes. Ici les populations sont convaincues que ces discours alarmistes ont pour but de faire entrer un supplément d’aide internationale que se partageront les responsables. Ici la vie se poursuit normalement comme s’il n’y avait pas de pandémie. Seules les personnes qui doivent prendre l’avion se font tester. Un épidémiologiste local considère qu’il existe déjà une immunité collective. J’ai cependant reçu les deux injections d’AstraZeneca.

Par contre, nous avons beaucoup d’autres préoccupations à la suite d’une série d’événements dont les conséquences se font sentir pour les populations. Le plus médiatisé est l’éruption du volcan Nyiragongo du 22 mai à Goma, sans signes avant-coureurs, à 100km au nord de Bukavu de l’autre côté du lac Kivu.

 

Heureusement l’éruption a été beaucoup moins grave que celle de 2002 et la lave s’est arrêtée à l’orée de la ville, alors que le magma se glissait sous la cité dans des failles qui l’ont amenée jusqu’au lac Kivu (qui est rempli de gaz méthane et risquait l’explosion). Dix-sept villages ont été touchés par cette coulée de lave détruisant sur son passage des habitations et des infrastructures. Trois structures de santé, une école primaire, un abattoir et des canalisations d’eau ont été affectés. Actuellement il existe encore des milliers de déplacés qui ne sont pas relogés, alors que la population a rejoint la ville une quinzaine de jours après l’éruption. Beaucoup se demandent où sont passées les aides internationales. Une partie des confrères de la ville avaient été évacués sur Bukavu ou au Rwanda. Il y a eu des dégâts limités dans notre paroisse. Le plus douloureux fut la panique provoquée par la décision du gouverneur d’évacuer la ville, en l’absence d’un plan alors qu’on s’attendait à ce que l’éruption se reproduise tôt ou tard. Les centaines de secousses sismiques par jour ont beaucoup traumatisé la population.

 

Une autre préoccupation majeure, c’est l’état de violence endémique dans laquelle baigne l’Est de notre pays, en proie à près de 120 groupes armés qui sèment dévastation et terreur sur leur passage, dans cette région frontalière avec l’Ouganda et le Rwanda. Le Président de la République a décidé l’état de siège pour deux provinces depuis le 6 mai. Deux mois après, malgré la reddition de quelques groupes armés, la situation est loin d’être stabilisée et l’état de siège vient d’être une fois de plus reconduit pour plusieurs semaines. Un événement nouveau qui nous inquiète est la pratique d’attentats à la bombe, qui ne s’étaient jamais présentés dans notre pays. L’un d’eux a eu lieu dans une église catholique le dimanche matin à Butembo alors que de nombreux fidèles étaient attendus pour l’eucharistie. Heureusement que la bombe s’est déclenchée accidentellement avant l’arrivée des paroissiens, ne blessant que deux dames chargées de l’entretien de l’église. Rétablir la paix dans une région qui depuis des décennies est livrée à des hordes de groupes mafieux entretenus et financés par de nombreux acteurs politiques et économiques, nationaux et internationaux, qui cherchent leur intérêt économique avant tout (terres, minéraux, hydrocarbures), est un défi que l’armée nationale, aidée des casques bleus, a beaucoup de mal à relever. Le Président a reconnu lui-même qu’il y avait des infiltrations d’éléments malveillants au sein de l’armée-même et tente de limiter les dégâts. Trop de gens ont intérêt à ce que l’Est du pays reste une zone de non-droit. Les violences contre les populations représentent pour nous un sujet d’inquiétude car ce sont elles qui nous amènent les victimes que nous accueillons dans notre centre.

 

Un autre souci de préoccupation est la banalisation des violences dans les quartiers de la ville de Bukavu qui sont mis à sac par des bandes armées. Celles-ci passent de maison en maison pour y ramasser tout ce qui existe comme valeurs ou comme argent, n’hésitant pas à s’attaquer à des gens très pauvres qui perdent ainsi le peu qu’ils ont pour survivre au quotidien. Le peu de réactions des forces de l’ordre donne à penser aux populations qu’il y a des complicités, et même des locations d’armes de guerre par ces bandes armées. J’ai reçu un certain nombre de personnes qui se sont retrouvées ainsi pratiquement à la rue, auxquelles je ne pouvais apporter qu’une aide limitée. Le fait que la jeunesse, qui représente la majorité de la population, n’ait aucun avenir professionnel, étant donné la quasi-absence de création d’emplois, pousse un certain nombre de jeunes désespérés à utiliser la violence pour se procurer des moyens pour vivre. Cela génère de l’insécurité dans les quartiers pendant la nuit.

Je ne veux cependant pas me limiter à une présentation purement négative de notre situation. En effet, tous les jours je suis témoin de très beaux gestes de solidarité, de partage, d’entraide provenant souvent des plus pauvres. Cela ne nous empêche donc pas de vivre notre vie quotidienne avec ses engagements, ses rencontres, ses événements joyeux ou tristes. Parmi les événements joyeux, je voudrais évoquer les trois célébrations de mon triple jubilé. Une première célébration a réuni tous les confrères de la ville pour rendre grâce pour les bontés du Seigneur et sa patience avec moi, dans mon engagement missionnaire et sacerdotal. Le 20 juin, je célébrais mes 45 ans d’ordination presbytérale. 

 

Mon cœur est rempli d’une profonde gratitude pour la fécondité de mon ministère, dont je suis bien conscient qu’elle ne vient pas de moi, et dont il m’est difficile d’évaluer la portée. Mais à l’occasion de ces célébrations, des témoignages m’ont profondément touché et encouragé à poursuivre sur le chemin du don de ma vie. J’avais pris comme devise pour mon ordination : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». La seconde célébration a été vécue au centre Nyota, soutenu depuis 10 ans par Germes d’espérance, et où je travaille en collaboration étroite avec l’équipe des animateurs qui sont d’un dévouement admirable. Cela été l’occasion pour les 250 enfants et jeunes filles vulnérables accueillis chaque jour pendant trois à cinq ans, de m’exprimer leur reconnaissance – qui va à vous toutes et tous, nos bienfaiteurs ! – et leur joie d’avoir retrouvé l’espérance.  Ici aussi, les témoignages ont été très émouvants. 

 

Enfin il y a eu une belle célébration festive au noviciat du Carmel où nous célébrons l’eucharistie tous les jours et avec qui j’ai créé des relations très profondes et fraternelle depuis 11 ans. Un tel triple jubilé (75 ans d’âge, 45 ans d’ordination, 50 ans de première arrivée au Congo) est une occasion pour moi de faire une relecture de ma vie sous le regard de Dieu et à la lumière des témoignages de personnes avec qui je vis ou j’ai vécu. C’est une source vive de lumière et d’encouragement à persévérer malgré le contexte si douloureux que nous vivons au quotidien. Je peux vraiment dire que le Seigneur fit pour moi des merveilles, je me sens profondément privilégié, et heureux de voir cette moisson. J’ai répondu à une question qui m’a été posée : « oui, si c’était à refaire, je suis prêt à recommencer, dans la confiance »

Bien amicalement à toutes et à tous, 

Nous prions chaque jour pour nos bienfaiteurs. Bernard

RAPPEL D’UNE INVITATION

Comme je viens de le rappeler, pour moi l’année 2021 est particulière. 

Le 19 mai, j’ai eu 75 ans,

 le 20 juin, j’ai célébré mes 45 ans d’ordination presbytérale  et début septembre, cela fera 50 ans depuis mes premiers pas en Afrique centrale. 

C’est l’occasion de rendre grâce et de célébrer la vie.  

Si la pandémie le permet, 

le samedi 11 septembre 2021, il y aura une fête chez mes amis 

Michèle et Philippe Nouvellon, à Parisot (Tarn) 

Voici leur numéro, si vous voulez des précisions ou aider à préparer : +33

6 20 60 03 82. 



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