Chers amies, chers amis,
Je vous rejoins aujourd’hui en ce début d’été alors
que vous commencez à jouir des allégements des restrictions concernant la covid
19. J’espère de tout cœur que vous avez ainsi l’occasion de renouer avec des
personnes et des lieux qui vous sont chers ou qui vous ont manqué pendant les
confinements. Je remercie
chaleureusement, au nom de tous les bénéficiaires, celles et ceux qui ont
profité de l’accumulation d’épargne qu’a permis la pandémie pour continuer à nous
soutenir financièrement. Grâce à vous, malgré une situation économique très
difficile, nos projets se poursuivent et de nombreuses jeunes filles sont
prises en charge sur la durée et retrouvent le sourire et l’autonomie, avec un
nouvel espoir pour l’avenir.
Par contre, nous avons beaucoup d’autres préoccupations
à la suite d’une série d’événements dont les conséquences se font sentir pour
les populations. Le plus médiatisé est l’éruption
du volcan Nyiragongo du 22 mai à Goma, sans signes avant-coureurs, à 100km
au nord de Bukavu de l’autre côté du lac Kivu.
Heureusement l’éruption a été beaucoup moins grave que
celle de 2002 et la lave s’est arrêtée à l’orée de la ville, alors que le magma
se glissait sous la cité dans des failles qui l’ont amenée jusqu’au lac Kivu (qui
est rempli de gaz méthane et risquait l’explosion). Dix-sept villages ont été
touchés par cette coulée de lave détruisant sur son passage des habitations et
des infrastructures. Trois structures de santé, une école primaire, un abattoir
et des canalisations d’eau ont été affectés. Actuellement il existe encore des
milliers de déplacés qui ne sont pas relogés, alors que la population a rejoint
la ville une quinzaine de jours après l’éruption. Beaucoup se demandent où sont
passées les aides internationales. Une partie des confrères de la ville avaient
été évacués sur Bukavu ou au Rwanda. Il y a eu des dégâts limités dans notre
paroisse. Le plus douloureux fut la
panique provoquée par la décision du gouverneur d’évacuer la ville, en l’absence d’un plan alors qu’on s’attendait
à ce que l’éruption se reproduise tôt ou tard. Les centaines de secousses
sismiques par jour ont beaucoup traumatisé la population.
Une autre préoccupation majeure, c’est l’état de
violence endémique dans laquelle baigne l’Est de notre pays, en proie à près de
120 groupes armés qui sèment dévastation et terreur sur leur passage, dans
cette région frontalière avec l’Ouganda et le Rwanda. Le Président de la
République a décidé l’état de siège pour deux provinces depuis le 6 mai.
Deux mois après, malgré la reddition de quelques groupes armés, la situation
est loin d’être stabilisée et l’état de siège vient d’être une fois de plus
reconduit pour plusieurs semaines. Un événement nouveau qui nous inquiète est la pratique d’attentats à la bombe, qui
ne s’étaient jamais présentés dans notre pays. L’un d’eux a eu lieu dans une
église catholique le dimanche matin à Butembo alors que de nombreux fidèles
étaient attendus pour l’eucharistie. Heureusement que la bombe s’est déclenchée
accidentellement avant l’arrivée des paroissiens, ne blessant que deux dames chargées
de l’entretien de l’église. Rétablir la paix dans une région qui depuis des
décennies est livrée à des hordes de groupes mafieux entretenus et financés par
de nombreux acteurs politiques et économiques, nationaux et internationaux, qui
cherchent leur intérêt économique avant tout (terres, minéraux, hydrocarbures),
est un défi que l’armée nationale, aidée des casques bleus, a beaucoup de mal à
relever. Le Président a reconnu lui-même qu’il y avait des infiltrations
d’éléments malveillants au sein de l’armée-même et tente de limiter les dégâts.
Trop de gens ont intérêt à ce que l’Est du pays reste une zone de non-droit.
Les violences contre les populations représentent pour nous un sujet d’inquiétude
car ce sont elles qui nous amènent les victimes que nous accueillons dans notre
centre.
Un autre souci de préoccupation est la banalisation des violences dans les quartiers de la ville de Bukavu
qui sont mis à sac par des bandes armées. Celles-ci passent de maison en maison
pour y ramasser tout ce qui existe comme valeurs ou comme argent, n’hésitant
pas à s’attaquer à des gens très pauvres qui perdent ainsi le peu qu’ils ont
pour survivre au quotidien. Le peu de réactions des forces de l’ordre donne à
penser aux populations qu’il y a des complicités, et même des locations d’armes
de guerre par ces bandes armées. J’ai reçu un certain nombre de personnes qui
se sont retrouvées ainsi pratiquement à la rue, auxquelles je ne pouvais
apporter qu’une aide limitée. Le fait que la jeunesse, qui représente la
majorité de la population, n’ait aucun avenir professionnel, étant donné la
quasi-absence de création d’emplois, pousse un certain nombre de jeunes
désespérés à utiliser la violence pour se procurer des moyens pour vivre. Cela
génère de l’insécurité dans les quartiers pendant la nuit.
Je ne veux cependant pas me limiter à une présentation
purement négative de notre situation. En effet, tous les jours je suis témoin
de très beaux gestes de solidarité, de partage, d’entraide provenant souvent des
plus pauvres. Cela ne nous empêche donc pas de vivre notre vie quotidienne avec
ses engagements, ses rencontres, ses événements joyeux ou tristes. Parmi les
événements joyeux, je voudrais évoquer les
trois célébrations de mon triple jubilé. Une première célébration a réuni
tous les confrères de la ville pour rendre grâce pour les bontés du Seigneur et
sa patience avec moi, dans mon engagement missionnaire et sacerdotal. Le 20
juin, je célébrais mes 45 ans d’ordination presbytérale.
Mon cœur est rempli d’une profonde gratitude pour la
fécondité de mon ministère, dont je suis bien conscient qu’elle ne vient pas de
moi, et dont il m’est difficile d’évaluer la portée. Mais à l’occasion de ces célébrations,
des témoignages m’ont profondément touché et encouragé à poursuivre sur le
chemin du don de ma vie. J’avais pris comme devise pour mon ordination : « Il n’y
a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». La seconde célébration a été vécue au
centre Nyota, soutenu depuis 10 ans par Germes d’espérance, et où je
travaille en collaboration étroite avec l’équipe des animateurs qui sont d’un
dévouement admirable. Cela été l’occasion pour les 250 enfants et jeunes filles
vulnérables accueillis chaque jour pendant trois à cinq ans, de m’exprimer leur
reconnaissance – qui va à vous toutes et tous, nos bienfaiteurs ! – et leur joie
d’avoir retrouvé l’espérance. Ici aussi,
les témoignages ont été très émouvants.
Enfin il y a eu une belle célébration festive au noviciat du Carmel où nous célébrons
l’eucharistie tous les jours et avec qui j’ai créé des relations très profondes
et fraternelle depuis 11 ans. Un tel triple jubilé (75 ans d’âge, 45 ans
d’ordination, 50 ans de première arrivée au Congo) est une occasion pour moi de
faire une relecture de ma vie sous le
regard de Dieu et à la lumière des témoignages de personnes avec qui je vis
ou j’ai vécu. C’est une source vive de lumière et d’encouragement à persévérer malgré
le contexte si douloureux que nous vivons au quotidien. Je peux vraiment dire
que le Seigneur fit pour moi des merveilles, je me sens profondément privilégié,
et heureux de voir cette moisson. J’ai répondu à une question qui m’a été posée
: « oui, si c’était à refaire, je suis prêt à recommencer, dans la confiance »
Bien amicalement à toutes et à tous,
Nous prions chaque jour pour nos bienfaiteurs. Bernard
RAPPEL D’UNE INVITATION
Comme je
viens de le rappeler, pour moi l’année 2021 est particulière.
Le 19 mai, j’ai
eu 75 ans,
le 20 juin, j’ai
célébré mes 45 ans d’ordination presbytérale et début
septembre, cela fera 50 ans depuis mes premiers pas en Afrique centrale.
C’est l’occasion
de rendre grâce et de célébrer la vie.
Si la
pandémie le permet,
le samedi 11
septembre 2021, il y aura
une fête chez mes amis
Michèle et
Philippe Nouvellon, à Parisot (Tarn)
Voici leur
numéro, si vous voulez des précisions ou aider à préparer : +33
6 20 60 03 82.