jeudi 15 juillet 2021

L’attitude chrétienne dans le service de la communauté, quelle écologie intégrale ? par le P. B. Ugeux M.Afr. (15 juillet 2021)


Il est question aujourd’hui de la responsabilité des chrétiens dans le domaine de l’écologie, du respect de leur milieu de vie. Cela a pris un sens nouveau depuis l’encyclique Laudato Si du Pape François.
Le Pape parle d’une écologie intégrale, c’est-à-dire que nous vivons dans ce qu’il appelle une maison commune. Il s’agit de notre planète Terre, qui est comme la maison commune de tous les êtres humains. Il n’y a pas une autre planète où nous pouvons nous réfugier si nous détruisons la planète sur laquelle nous vivons.
Donc si nous ne prenons pas soin de notre maison commune, de la planète, nous périrons tous. Or, le Pape nous parle de la terre comme d’une sœur ou d’une mère, à la suite de St François d’Assise. C’est-à-dire que la vie nous vient de la terre, de la nature, de l’eau, de l’air, des plantes et des animaux. Nous les êtres humains nous sommes complètement dépendant de la terre, notre mère. Si nous ne prenons pas soin de l’endroit où nous vivons nous disparaîtrons.
La nature qui nous entoure fait partie de nous-mêmes, en exploitant exagérément et en détruisant la nature dans laquelle nous vivons, nous nous détruisons nous-mêmes.
L’être humain est profondément lié à la nature et son avenir dépend de la nature. C’est pourquoi nous constatons la destruction de la nature par l’être humain lui-même. Comment ?  en ne prenant pas soin de la terre sur laquelle il vit, ou en l’exploitant et en la gaspillant exagérément comme le font les sociétés occidentales et les entreprises multinationales comme on le voit ici en RDC. Là où la nature est détruite par les entreprises, les êtres humains doivent fuir.
Or, nous ne pouvons pas oublier que Dieu lui-même en créant l’homme et la femme à son image et à sa ressemblance leur a confié la terre, comme un jardin à cultiver et à bien exploiter. Nous avons tous été créés par amour, nous avons tous la même dignité. Parce que la personne humaine a été créée à l’image et à la ressemblance de Dieu, elle est capable de réfléchir, de prier, d’aimer, elle a une conscience et elle est capable de faire des choix. Elle a reçu toutes les qualités dont elle a besoin pour bien prendre soin du grand jardin du monde. L’être humain est capable de rentrer en communion avec d’autres personnes et c’est ensemble que nous pouvons travailler à l’amélioration de la terre.
Chacun de nous a sa place sur cette terre il a le droit d’être respecté. Ail a le droit d’avoir un lieu pour vivre, habiter, trouver du travail.
L’existence humaine repose sur trois relations fondamentales : la relation avec Dieu, avec le prochain et avec la terre. § 66. Mais ces trois relations vitales ont été rompues et vis-à-vis de l’extérieur et en nous-mêmes aussi, à cause du péché. Dès le début de l’humanité l’homme a voulu prendre la place de Dieu pour dominer la terre et l’exploiter exagérément.
L’homme a rompu sa relation vitale avec la terre pour la dominer. Nous ne sommes pas Dieu, la terre ne nous appartient pas, c’est un grand jardin qui nous a été confié et dont nous ne pouvons pas faire n’importe quoi. Car le but de ce jardin de la terre, c’est de nous fournir un espace où nous pouvons trouver tout ce dont nous avons besoin pour bien vivre dans la dignité comme être humain. Dans la Genèse chapitre2, verset 15,  il est dit que nous devons cultiver et garder le jardin du monde. Cela veut dire que tout être humain a une relation spéciale à la nature. Chaque communauté peut prendre de la bonté de la terre ce qui lui est nécessaire pour vivre (la chasse, la pêche, la cueillette, l’agriculture etc.) mais elle a aussi le devoir de la sauvegarder et de garantir la continuité pour les générations futures. Comme on dit : « nous avons hérité de la terre et nous l’empruntons à nos descendants ». Nous les humains sur cette terre nous sommes des gens de passage.
Cette responsabilité vis-à-vis d’une terre qui est à Dieu implique que l’être humain, doué d’intelligence, respecte les lois de la nature et les délicats équilibres entre les êtres de ce monde, selon une loi qui vient de Dieu et qui ne passera pas (psaume 148).
Ce respect de la terre s’exprime aussi par la loi qui dit que l’homme doit se reposer le septième jour. Et ainsi laisser reposer la terre et les animaux domestiques, ne pas épuiser la nature par notre voracité.
Les animaux aussi ont le droit d’être respectés ainsi que tout ce qui est mis à notre disposition : la terre, l’eau, les plantes etc. Ne pas respecter la nature c’est se détruire nous-mêmes. Les autres réalités de la nature sont aussi des créatures voulues par Dieu avec un rôle particulier à jouer, comme plante comme animal, chaque créature a une place particulière dans la création.
La responsabilité des communautés chrétiennes.
Qu’est-ce que cela veut dire respecter la terre, notre maison commune, pour des chrétiens et pour des communautés chrétiennes ? Dans la tradition africaine, les cultivateurs, les pêcheurs, les chasseurs, connaissaient bien les lois de la nature. Ils connaissaient les saisons, ils savaient comment cultiver sans détruire la terre, respecter les sources d’eau, ne pas abattre tous les arbres, mais laissez toujours ce qu’il faut pour les générations futures. C’est comme cela que depuis des siècles les sociétés africaines ont continué à vivre en bonne santé. Il y avait aussi dans les communautés des gens qui connaissaient bien les plantes et qui était capable de soigner. Aujourd’hui on appelle cela du développement durable !
Est-ce que c’est cela que nous constatons autour de nous aujourd’hui dans nos quartiers ? Est-ce que les habitants du quartier ont le souci de la santé de leur famille et de leurs enfants ? Est-ce qu’ils font attention à ne pas laisser des déchets pourrir et apporter des microbes ? Est-ce qu’ils veillent à ce qu’il n’y ait pas d’objets dangereux pour les enfants quand ils jouent ? Est-ce qu’ils construisent les maisons de façon à ce que, quand il y a de grosses pluies, ils peuvent canaliser l’eau de façon à ce que celle-ci ne détruise pas les autres maisons ? Est-ce qu’on laisse une distance pour éviter les incendies ? Est-ce que avant de construire la maison, ils vérifient si le sol est assez solide pour résister aux érosions ? Est-ce que les responsables des quartiers ont le souci que le quartier vive dans l’ordre, la propreté, le respect de tous les habitants, dans des conditions de sécurité ou est-ce qu’ils cherchent à recevoir de l’argent, même si c’est en permettant à des personnes de construire sur des endroits dangereux ?
Comment est-ce que nous respectons la terre qui nous est confiée, l’eau, les arbres qui peuvent retenir la terre autour de notre maison, l’espace de nos voisins ?
Est-ce que nous respectons les forêts, est-ce que nous cherchons à cuire la nourriture avec des réchauds qui utilisent le moins possible de makala ? Nous constatons qu’il faut aller de plus en plus loin pour trouver des arbres pour fabriquer le makala ! On va continuer comme cela jusqu’à transformer toutes les forêts du Kivu en désert ?
Durant la colonisation, on a appris aux gens à planter des herbes pour empêcher l’érosion et faire des cultures en terrasse. Tout cela a été arraché et détruit. Maintenant, toute la bonne terre est partie dans le lac.
Le président Mobutu avait décidé que toutes les communautés pratiqueraient le Salongo. Un des buts était de prendre soin de l’environnement, de nettoyer les caniveaux, de maintenir les routes, de prendre soin du lieu où on habitait, et cela ensemble, collectivement. Nous constatons que tout cela a été saboté puis abandonné.
Quand nous montons la route qui va à Kadutu ou celle qui traverse le quartier industriel, que voyons-nous ? Tout le goudron a été arraché et les trous sont de plus en plus profonds. Est-c’est parce qu’il n’y a pas de caniveaux ? Non. Il y a des caniveaux et ils sont profonds, mais ils sont bouchés par les habitants qui jettent leurs déchets n’importe où et dès qu’il y a une pluie tout cela vient bloquer les caniveaux qui débordent et détruisent la route. Personne ne s’occupe des caniveaux ni de la route. Les gens disent : c’est le travail de l’État, mais on voit que l’État ne se soucie pas du bien commun. Alors on préfère regarder sans rien faire les caniveaux se remplir et les routes se détruire.  C’est ainsi que le peuple congolais détruit la terre qui lui a été confiée par le Seigneur comme un jardin à entretenir. Comment est-ce que les gens qui vivent au bord de la route ne peuvent pas se mettre d’accord pour travailler une heure ou deux pour dégager les caniveaux après une grosse pluie ? Tout le monde s’en moque, c’est la paresse, l’indifférence, l’irresponsabilité qui dominent.
Comment se fait-il que les gens vivent dans des conditions aussi insalubres dans les quartiers alors que la majorité des gens sont des chrétiens et qu’ils savent que Dieu leur a confié son jardin, la terre, la maison commune, ? Il y a un manque total d’éducation du peuple de Dieu. Les gens pensent qu’être chrétien, c’est aller à la messe, recevoir les sacrements, pour les convaincus, aller à la réunion de shirika. Mais les membres des communautés chrétiennes ont-elles le souci du milieu dans laquelle ils vivent ? Qu’il n’y ait pas de maladie à cause des détritus, qu’il n’y ait pas de maisons détruites par des inondations parce qu’on ne fait pas des écoulements d’eau corrects, qu’il n’y ait pas d’enfant qui puisse se blesser avec des objets qui traînent, que les enfants qui vont à l’école ne doivent pas passer par des chemins dangereux et glissants entre les maisons, parce que personne ne veut déposer une pierre ou planter un arbre dont les racines fixeraient la terre ?
Les gens n’ont pas compris qu’être chrétien, c’est se soucier de vivre dans des conditions humaines qui respectent la dignité de chacun et chacune. Je ne suis pas un bon chrétien si je jette des saletés sur la route où passent les gens ou dans les caniveaux que je vais boucher. Pourquoi ?  Parce qu’un bon chrétien est celui qui aime tout le monde et qui respecte tout le monde. Aimer c’est vouloir la vie pour toi : que tu sois en bonne santé, que tu ne cours pas de risque dans ton environnement, que tu aies un bon logement, de l’eau propre, un milieu où il n’y a pas d’agression et on se respecte mutuellement. Les chrétiens devraient être les bons bergers du quartier. Les premiers à déboucher un caniveau, à planter les arbres, à ramasser les déchets.
Est-ce que nous savons qu’il faut des dizaines d’années avant qu’une bouteille de plastique disparaisse ? La bouteille que je jette par terre et qui va être entraînée dans le lac lors des grosses pluies, va flotter ou s’enfoncer dans le lac et va le polluer et ce sont les enfants de mes arrière-petits-enfants qui vont encore subir mais déchets. Je détruis la propreté du lac pour 50 ans chaque fois que je jette une bouteille. Alors que nous savons qu’il y a moyen de ramasser les bouteilles et de les réutiliser. Il y a des projets qui s’occupent de cela. On rencontre de nouveaux le manque d’éducation, la paresse, le mépris de l’autre, l’indifférence. Tout cela va contre l’Évangile où il nous est dit : « tu dois traiter ton frère et ta sœur comme toi-même ».
Laisser traîner la saleté, ne pas prendre soin de l’environnement, c’est ignorer ce qu’on appelle le bien commun. Le Pape nous montre que chaque fois que nous détruisons la nature nous faisons du mal à notre frère ou notre sœur. TOUT EST LIE, dit-il ! Comment sera la ville de Bukavu dans 20 ans si nous continuons à en faire une immense poubelle remplie de microbes ?
Le bien commun, c’est tout ce qui est nécessaire à une société pour bien vivre ensemble. Nous avons besoin d’une terre, d’eau, de routes, d’écoles, de dispensaires, etc. ce sont des biens qui servent à tout le monde, c’est pourquoi on appelle cela le bien commun, un bien qui est au service de tous, mais aussi donc tous doivent se soucier et pas seulement l’Etat. On exige toujours que l’Etat, ou Dieu lui-même, résolve nos problèmes, pour justifier qu’on ne prend aucune initiative !
Nous constatons que dans les grandes villes d’Afrique les bonnes habitudes que l’on avait au village concernant la propreté, l’entretien des maisons et de l’environnement, sont perdues. Nous avons acquis de très mauvaises habitudes et nous ne comprenons pas encore que tout ce que nous abîmons porte atteinte aux autres. Un arbre que je que je coupe sans permission, une façon de creuser dangereusement la terre pour construire une maison, des déchets que je jette pour boucher les caniveaux, c’est un mépris pour notre sœur la terre, notre mère la terre. Et pour mes frères et sœurs qui me sont confiés par Dieu. Et le Pape dit « la terre gémit sous les coups des êtres humains qui ne la respectent pas, ne l’exploitent pas de façon fructueuse, la détruisent ».
Nous critiquons les multinationales qui détruisent nos campagnes mais nous-mêmes nous détruisons la terre dans nos quartiers. C’est une question d’hygiène, de santé publique, de qualité de vie, donc de respect du prochain.
Je ne peux pas dire que je fais la volonté de Dieu si je me contente de dire mon chapelet et d’aller à la messe et je méprise et détruis le milieu dans lequel je vis et où mes frères et mes sœurs ont besoin de sécurité.
Donc le défi qui est là devant nous chrétiens est un défi personnel et un défi communautaire. Est-ce que je vais continuer à traiter mon quartier comme une poubelle, à boucher les caniveaux et à détruire l’environnement, est-ce que nos communautés de quartier vont se contenter de parler et de discuter des belles idées ou de dire de chapelet tout en détruisant la création de Dieu, notre maison commune, le jardin qui nous a été confié ?
Il est vrai que l’État ne fait pas son travail, il est vrai que la corruption favorise des constructions anarchiques et la destruction des collines. Mais ce n’est pas parce que l’État méprise le peuple que nous devons nous mépriser les uns les autres en laissant notre environnement se détruire.

Alors est-ce que je suis prêt à me former, à évoluer dans ma mentalité – parce que tout commence par le changement de mentalité – et à changer mes habitudes ? Ou bien est-ce que je vais continuer à me plaindre comme si je n’avais aucun pouvoir, comme si j’étais paralytique, comme si les gens de la communauté et particulièrement les jeunes ne pouvaient pas s’organiser entre pour rendre le quartier plus humain plus fraternel et donc plus chrétien. « Ce que tu as fait au plus petit d’entre les miens c’est à moi que tu l’as fais ». « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » et cela en favorisant des conditions d’existence humaine.

P. Bernard Ugeux,

Ek’abana,

4/7/21

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