vendredi 9 avril 2021

Lettre de la Savane N°45, d'avril 2021

 Chères amies, chers amis,

Nous voici dans la lumière de l’Octave pascale, pour celles et ceux parmi nous qui sont chrétiens. Belle fête de la Résurrection ! Nous croyons que la Vie et l’Amour continueront à l’emporter sur la haine, la mort, le mal…et la Covid 19 ! On n’a pu garder le Christ confiné au tombeau !  Ici, les célébrations ont été d’autant plus appréciées que l’année dernière le confinement nous avait empêchés de célébrer. Toute ma sympathie pour ceux et celles d’entre vous qui ont été encore une fois interdits de célébration dans tel ou tel pays d’Europe ou d’Afrique. Personnellement, j'ai pu animer une retraite pascale pour une bonne trentaine d'étudiants universitaires dans un site entouré d'une chaîne de montagnes, chez des frères Maristes. Étant entre nous, nous avons pu introduire un certain nombre de gestes, entre autres inspirés de Taizé (la croix sur le sol), qui les ont beaucoup touchés et parfois même bouleversés. Le thème de l'enseignement était l'encyclique du pape Fratelli tutti, « Tous frères et sœurs ».


L'investissement de ces jeunes, la belle préparation, entre autres, des célébrations, l'explosion de joie au cœur de la nuit pascale après une prière de guérison qui clôturait le rituel de bénédiction de l'eau baptismale, tout cela m'a réjoui. Je les ai sentis remontés au moment de revenir à Bukavu. Pour un certain nombre d'entre eux, c'est une véritable galère pour trouver l'argent pour payer leurs études ou envisager de se fiancer ou commencer un ménage. Je suis très touché par leur courage et leur moral à travers tout. Même si certains sont inquiets. Près de la moitié ont demandé un rendez-vous personnel pendant ces trois jours, et ce furent des moments souvent forts.

Depuis ma dernière circulaire, j’ai eu l’occasion de donner diverses formations à des jeunes, laïcs ou consacré(e)s, chez qui j’ai senti un grand désir de s’ouvrir au monde, de se former et de profiter d’un interlocuteur adulte avec lequel on peut poser des questions sans tabou (comme par exemple la question du coup de foudre pour une consacrée). Ce fut particulièrement le cas pour un groupe de 90 jeunes religieuses (un à trois ans de vœux temporaires) lors d’une session sur « Vie communautaire et intelligence émotionnelle. Comment gérer ses émotions ». C’est évidemment une question sensible quand on vit en communauté, et en couple d’ailleurs. Même si le téléphone portable commence à se répandre ici aussi, il y a toujours une soif d’apprendre et de découvrir qui est très stimulante pour les formateurs et les formatrices.


Nous avons aussi fêté la journée (et le mois) de la femme avec les formateurs et formatrices (photo ci-dessous) du Centre Nyota, qui accueille 250 filles vulnérables en journée,  ainsi qu’une délégation d’élèves qui ont présenté des danses autour du thème de l’éducation à la paix. [1]Ces danses font partie des exercices corporels pour réduire les séquelles des traumatismes que certaines ont vécus.


Je suis toujours frappé que, presque chaque fois que des enfants ou des jeunes présentent des sketches lors d’une fête, cela tourne autour de la guerre, de la violence, des victimes. Cette région d’Afrique en est profondément marquée.

Pour améliorer l’aide que nous apportons à ces jeunes, nous avons lancé trois nouveaux projets. Tout d’abord, nous avons engagé des démarches pour que les 147 filles sur 250 qui n’ont aucun papier obtiennent un certificat de naissance et ensuite une carte d’identité. Qu’elles soient autonomes après avoir appris un métier chez nous. Une bienfaitrice suisse va financer ces diverses démarches. Ensuite, parmi l’ensemble des élèves, une bonne quarantaine sont en état de grave malnutrition et nous leur procurons tous les jours une bouillie protéinée pour les aider à se refaire une santé. Enfin, nous lançons des « clubs de la paix » pour que ces jeunes, qui ont été victimes de tant de maux, deviennent des acteurs de paix à leur retour dans leur milieu. Nous sommes soutenus dans ce projet par la communauté de Sant’Angelo de Milano (Italie).

Par ailleurs, discutant avec un confrère congolais, j’ai mieux pris conscience que la capacité de résilience collective de la part des populations opprimées, dominées et affamées par ici risque de se retourner contre elles. On finit par penser qu’on peut tout supporter, et que la descente aux enfers peut encore continuer longtemps, car on semble ne jamais atteindre le fond, pour rebondir dans un mouvement de survie. Inutile de préciser qui en profite… En tout cas, la tension monte actuellement autour de nous du côté de certains groupes armés.

En outre, le site AfriqueAnalyse considère que « plus de deux ans après l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi, le bilan économique est désastreux. Gabegie, corruption, absence de l’État sont quelques-uns des maux. La communauté internationale est de plus en plus réticente à accorder son aide à ce pouvoir. (…) En 2019, près de 1 500 000 tonnes de cuivre et 80 000 tonnes de cobalt ont été exportées des deux provinces [minières]. En plein boom du prix des matières premières, ces exportations records expliquent difficilement la quasi-faillite à laquelle le pays fait face. Surtout si on ajoute 33 tonnes d’or non raffiné exporté à partir du Kivu et de l’Ituri. (…) En réalité, pour près de 100 millions d’habitants, les dépenses liées à la croissance et les espaces budgétaires dégagés pour les investissements publics ont atteint le montant dérisoire de 125 millions de dollars, soit 1,6 % du PIB congolais. »

Ce qui continue à freiner le décollage de l’économie, c’est le manque d’infrastructures, et surtout de routes, alors que le pays a un potentiel agricole et hydraulique exceptionnel, et qu’il a été autosuffisant sur le plan alimentaire dans le passé. La plupart des vivres sont actuellement importés de l’étranger, pas seulement des pays voisins, car le riz peut venir du Pakistan... alors que des Provinces en produisent.

A propos de la pandémie de la Covid 19, avec 28 000 cas confirmés (sur  plus ou moins 90 millions d’habitants) depuis son apparition et 739 décès, la RDC a été largement épargnée. Il faut cependant reconnaître que les statistiques sont peu fiables, étant donné qu’on ne teste généralement que les voyageurs qui prennent l’avion. Quant au vaccin, la vaccination n’a pas encore commencé à l’heure où j’écris ces lignes. Dans un Billet pour la revue La Vie, j’écrivais : « On est d’autant plus étonné du peu de propagation de la pandémie quand on considère le peu de sérieux avec lequel les gestes barrières et les consignes sanitaires sont respectés. Les transports publics et les marchés sont bondés et le masque n’est pas porté la plupart du temps. Rien que se laver régulièrement les mains pose problème, les gens n’ayant pas les moyens d’acheter du gel hydroalcoolique et beaucoup n’ont pas accès à l’eau courante, en ville comme en milieu rural. En outre, les statistiques sont rarement fiables. D’un côté, elles peuvent être forcées (par exemple, le nombre de personnes hospitalisées ou décédées) dans le but d’obtenir des subventions importantes de l’étranger, que se partagent parfois les autorités sanitaires aux dépens des populations. De l’autre, elles sont sous-estimées car certaines personnes contaminées ont peur de se déclarer et d’être enfermées en quarantaine quelque part. Certaines se confinent elles-mêmes à la maison, d’autres utilisent des herbes médicinales qui, par inhalation et sudation, peuvent donner de bons résultats. Plusieurs personnes qui ont été atteintes dans mon entourage se sont contentées de s’isoler une ou deux semaines sans aucun médicament officiel ».

UNE INVITATION

Pour moi, l’année 2021 est particulière. Le 19 mai j’aurai 75 ans, le 20 juin, 45 ans d’ordination presbytérale et début septembre, 50 ans depuis mes premiers pas en Afrique centrale. C’est l’occasion de rendre grâce et de célébrer la vie. Si la pandémie le permet, il y aura une fête chez mes amis Michèle et Philippe Nouvellon, à Parisot (Tarn) le samedi 11 septembre 2021.

Un grand merci à ceux et celles qui nous aident,  au nom de ceux et celles qui en bénéficient ! Notre objectif est de les rendre autonomes demain.



Les trois jeunes femmes qui, comme dans les évangiles, ont annoncé la résurrection du Christ aux apôtres, lors de notre retraite. A chacune et chacun, elles sont venues proclamer avec une grande joie : « j’ai vu le Seigneur ». On oublie trop souvent que c’est à elles que Jésus a d’abord confié cette bonne nouvelle.

Si vous voulez vous abonner à cette lettre, adressez-vous à Germes d'Espérance germesdesperance@gmail.com

Pour le site de La Vie, mon blog a été remplacé par un Billet. Si vous voulez retrouver mes posts et mes billets, allez sur le site et mettez mon nom dans rechercher : www.lavie.fr/ Sans oublier notre site qui vient de changer de nom et de se renouveler ! Vous y retrouverez mes Lettres de la Savane et mes blogs et billets pour la revue La Vie, plus des articles et photos. https://germesdesperance.blogspot.com/p/accueil.html



[1] Ce que vivent les jeunes qui apprennent la couture à Nyota. https://1drv.ms/u/s!AuMalqelnvJ1he54ti7eYfdhPCXd_Q?e=vwRzDT.

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