dimanche 8 avril 2018

Lettre n° 33 - Avril 2018


Chères amies, chers amis,

 

Je vous écris de Tunis en ce jour de Pâques. Je souhaite une joyeuse fête de la Résurrection à celles et ceux parmi vous pour qui l’Espérance de la victoire de l’amour sur la mort par le Christ a un sens important. Une autre victoire de l’amour a été largement célébrée en France à l’occasion du geste courageux du colonel Arnauld Beltram, au nom de sa foi et de son engagement professionnel. Quel contraste lorsque quelques jours après Netanyahou fait tirer sur des militants palestiniens non-armés. Quel courage ! Nous avons connu cela à trois reprises ces derniers mois en RD Congo quand l’État a fait tirer à balles réelles sur des chrétiens pacifistes qui défilaient pour la démocratie. Ils se sont arrêtés pour le moment comme s’ils semblaient réaliser que c’était contre-productif de fabriquer ces quatorze martyrs dont une jeune postulante et un jeune militant très engagé. Pour le Vendredi Saint, les chemins de croix qui ont parcouru quelques rues n’ont donc pas été dispersés.

 

A Tunis, j’ai beaucoup apprécié ce triduum pascal, dans des petites communautés qui contrastent avec les foules de Bukavu. Le recueillement était profond et les chorales de grande qualité, composées en de jeunes choristes d’origine sub-saharienne. 

 

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Pourtant, c’est en Algérie que j’aurais dû célébrer les fêtes pascales. J’y étais attendu pour donner la même session que je donnerai en Tunisie. Mais après trois mois mon visa était toujours « à l’étude », comme celui de huit autres confrères... et j’ai bien compris qu’ « on » ne voulait pas de moi. J’étais d’autant plus content de revoir l’Algérie – que j’ai visitée la dernières fois en 1975 – que le Pape François a récemment déclaré bienheureux dix-neuf religieux qui ont été martyrisés durant les massacres des années 1994-1996).... On a beaucoup parlé des sept trappistes de Tibhirine (cf. le film Des hommes et des Dieux ) ainsi que de Mgr Claverie, évêque d’Oran. Beaucoup ignorent que dans ce groupe de victimes, il y a aussi quatre Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs) assassinés le 27 décembre 1994 par des terroristes déguisés en militaires. Il y avait trois Français : Jean Chevillard, Alain Dieulangard et Christan Chessel (qui avait à peine cinq ans d’ordination) et un Belge, Charles Deckers. 

 

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S’ils comptent au nombre des martyrs, c’est parce que les écrits et les témoignages qu’ils ont laissés montrent qu’ils savent qu’ils prenaient un risque en restant en Kabylie, à Tizi-Ouzou, non loin des montagnes où se cachaient les troupes du FIS. Et Pourquoi sont-ils restés alors qu’il y avait ce risque ? Comme pour les trappistes et tous les autres religieux et religieuses assassinés à cette époque, c’est par fidélité à l’alliance qui les liaient au peuple algérien.

 

 Être missionnaire, ce n’est pas seulement se mettre au service d’une Église, pour un temps, et s’en aller quand on est fatigué ou que le situation politique et économique s’aggrave, comme c’est la cas actuellement pour le Soudan du Sud, le Burundi, la RD Congo, etc. C’est s’immerger dans un peuple et une culture avec lesquels ont crée des amitiés profondes, même s’il n’est presque pas question de conversion dans le cas du Maghreb. Car l’Église ne s’engage pas qu’auprès des convertis, et elle ne limite pas son investissement à des liturgies ou des œuvres caritatives. Elle est aussi présente à tous les enjeux politiques qui font partie du quotidien d’une société, en s’adaptant selon les pays. Parmi ces enjeux, en RDC, il y a tous ces enfants qui ne mangent qu’une fois tous les deux jours, tous ces jeunes diplômés qui ne trouvent pas de travail et errent dans les rues (quand ce n’est pas dans les groupes armés) dans un pays dont les ressources en minerais stratégiques sont illimitées, il y a aussi la dévaluation et la désorganisation du pays qui fragilisent 13 millions d’habitants dont les humanitaires essaient aussi de se charger, cherchant 1,6 milliards d’euros pour les sauver. Tout cela nous concerne au quotidien et parfois hantent nos nuits. Faut-il dire que pour nous, Missionnaires d’Afrique, qui fêtons nos 150 ans de fondation en Afrique du Nord cette année, cette reconnaissance du don de nos frères d’Algérie est un puissant encouragement ?

 

Ici, je voudrais citer quelques mots du Pape François qui nous donnent le courage de continuer à travers toutes les ténèbres de ce monde qui semblent occulter l’espérance si on se laisse piéger par la façon dont beaucoup de médias les exploitent. « Sa résurrection [du Christ] n’est pas un fait relevant du passé ; elle a une force de vie qui a pénétré le monde. Là où tout semble être mort, de partout, les germes de la résurrection réapparaissent. C’est une force sans égale. Il est vrai que souvent Dieu semble ne pas exister : nous constatons que l’injustice, la méchanceté, l’indifférence et la cruauté ne diminuent pas. Pourtant, il est aussi certain que dans l’obscurité commence toujours à germer quelque chose de nouveau, qui tôt ou tard produira du fruit ». (Evangelii Gaudium 276).

 

Kamituga

 

 

Voici un nouveau lieu pour nos lecteurs ! Un de ces germes dont je souhaite vous parler pour terminer est celui qui est actuellement soutenu par Germes d’Espérance. Il s’agit de la création d’une école de menuiserie dans la zone de Kamituga, dans le diocèse d’Uvira dans le Sud-Kivu. Elle est connue par ces mines artisanales et souvent clandestines où des jeunes garçons se faufilent dans des boyaux de terre au péril de leur vie à la recherche d’or pour survivre (et non s’enrichir !). Exploités, traités comme des esclaves sous-payés, exposés à la mort, ils prennent chaque jour des risques insensés pour trouver simplement de quoi ne pas mourir de faim. Inutile de dire qu’ils ne sont pas scolarisés. Devant cette situation insupportable, nous avons lancé une école de menuiserie qui permet, en un an, d’apprendre les rudiments suffisants pour construire une table, une chaise, un tabouret, monter le chambranle d’une porte, et construire des petits meubles. Ils sont au nombre de trente et un cette année, qui passeront le jury du certificat de menuisier en juin. Déjà, nous sommes à la recherche des 31 kits de menuiserie (60 € chacun) avec lequel, tout en gagnant leur vie et en préparent un éventuel mariage, ils amélioreront le niveau de vie de leur milieu.

 

Tous ces projets, comme celui du Centre Nyota qui évolue bien et dont nous essayons d’améliorer le niveau de salaire de l’encadrement des filles, ont pour but de rendre les personnes autonomes, sachant que c’est toute une famille qui bénéficie ainsi d’une amélioration du niveau de vie grâce la la professionnalisation de ces jeunes gens, garçons et filles (250 au Centre Nyota).

 

Pour nous, c’est cela célébrer la Résurrection et annoncer que l’amour a vaincu la mort.

 

Bernard, votre frère.

 

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