Chères
amies, chers amis,
Je
vous souhaite un bel été, ressourçant, familial et riche en
découvertes et en rencontres amicales.
Cette
année se termine bien dans les centres que Germes d’Espérance
soutient. Au Centre
Nyota (Bukavu), nous avons clôturé l’année par une grand tombola
dont les 250 lots sont arrivés de Belgique, d’Italie et du Québec.
Des amies et ma nièce ont collecté des bijoux de fantaisie, des
sacoches ou des peluches qui ont réjoui tous ces jeunes vulnérables
qui pour la plupart n’ont jamais vécu de tombola ni même reçu de
bijou de leur vie. Par ailleurs, une trentaine de garçons et filles
terminent leur année de menuiserie à Kamituga (diocèse d’Uvira,
au sud de Bukavu), ils passent un jury et recevront un kit afin de
pouvoir pratiquer leur nouveau métier dans le milieu où ils vivent.
Ils pourront alors songer à fonder un ménage.
Ce sont tous des jeunes qu’on a arraché à l’esclavage des mines
d’or
artisanales
où ils laissent souvent la vie à cause des glissements de terrain
dans les veines qui parcourent les collines. L’école
d’apprentissage où cette classe a été installée étant dans un
grave état de délabrement, nous avons fait appel à nos confrères
de Washington qui sont soutenus par un réseau. Quelques milliers de
dollars permettront de commencer modestement les travaux de
réhabilitation.
Une
autre raison de nous réjouir est
l’ordination de dix jeunes confrères originaires de notre Province
d’Afrique centrale, alors
qu’un grand nombre de séminaristes stagiaires arrivent chez nous
de partout pour leur expérience pastorale de deux ans sur le
terrain. Avec environ 500 jeunes en formation, nous percevons le
souffle du dynamisme missionnaire qui anime notre Société (et la
congrégation des Sœurs Missionnaires de Notre-Dame) qui fête
prochainement ses 150 ans de fondation par le Cardinal Lavigerie.
Mais
il n’y a pas que la formation initiale. Malgré son accueil parfois
mitigé, la
formation permanente se poursuit et occupe le plus clair de mon
temps,
parallèlement à mon travail auprès des victimes des violences.
Tout en préparant des confrères à me succéder, je poursuis mes
tournées de formation qui, ces derniers mois, m’ont amené en
Tunisie, au Québec, en Afrique du Sud et au Burundi. Celles-ci me
permettent d’avoir une vision large et riche du travail de mes
confrères dans des lieux si divers, et où l’évangélisation
s’accompagne toujours d’un engagement pour la justice et pour le
dialogue interculturel et interreligieux. Ces formations ne
concernent pas seulement mes confrères, mais touchent d’autre
publics dont, récemment une conférence épiscopale qui désirait
travailler sur la guérison
des mémoires
afin d’enrayer le cycle des violences.
Alors,
je reconnais qu’il faut de la compréhension de la part de ma
communauté qui ne me voit que quelques mois par an, mais qui reste
mon
« chez moi » à Bukavu.
J’essaie d’être pleinement engagé et participant quand j’y
suis présent. Je crois beaucoup dans la qualité d’une présence
fraternelle. On peut vivre sous le même toit et ne montrer aucun
intérêt pour ce que vivent les confrères, ou éviter de partager
ce que l’on vit soi-même. Ce qui fait le rayonnement d’une
communauté témoin, c’est la vérité et la profondeur de la vie
fraternelle, « lieu du pardon et de la fête » comme
l’écrit Jean Vanier. S’accueillir mutuellement après une longue
absence (le conseil provincial fait partie de notre communauté et
doit être très mobile), se soucier de la santé des plus fragiles,
profiter pleinement des temps forts communautaires, tout cela nous
aide à nous sentir en famille avec nos différences d’origine et
de culture. Je viens de célébrer mes 42 ans d’ordination et,
malgré des désillusions, je persiste et signe : je suis prêt
à recommencer et mes frères y sont pour beaucoup.
Quant
à la situation politique de notre pays, je ne puis que répéter ce
que j’ai écrit dans mes Lettres de la Savane précédentes,
l’approche des élections
(dont on n’est même pas sûr qu’elles ne vont pas être annulées
à la dernière minute !) entretient
un climat délétère de suspicion, de rumeurs, de coups bas,
démontrant le narcissisme et l’égocentrisme
de la plus grande partie de la classe politique. Les gens du peuple
disent : cela ne sert à rien de les changer, les nouveaux
feront comme les prédécesseurs et nous continueront à vivre dans
la misère. La communauté internationale s’acharne à garantir une
alternance, mais pour alterner quoi, et qui, en vue de quel avenir ?
Les récentes découvertes de nouveaux gisements de cobalt et de
cuivre, de même que le gaz et le pétrole dans les magnifiques
grands lacs dont l’écosystème est ainsi menacé, attirent tout ce
qui existe comme prédateurs sur la planète, et les Chinois et les
Russes sont bien présents pour participer à la curée commencée
par les Occidentaux depuis la période coloniale.
Dans
la société civile, des groupes de jeunes non-violents, des
associations qui se battent pour les droits humains, des groupes de
femmes, des ONG de journalistes montrent qu’il
y a un processus de maturation dans une partie de la population
qui ne se laisse plus avoir par les mensonges des propagandes
électorales. C’est un signe d’espérance avec l’engagement des
laïcs catholiques qui ont organisé des marches pacifiques pour le
respect des accord de 31 décembre 2016 en vue d’élections justes
et pacifiques. Malgré l’assassinat de plusieurs dizaines d’entre
eux par les forces dites de l’ordre, ils ne se sont pas laissés
décourager.
Je
vous écris de Lomé, capitale du Togo, du siège de la Caritas
Africa
qui coordonne les Caritas (réseaux caritifs) de l’Eglise
catholique en Afrique. Je participe à un groupe de référence sur
la mise en application de la Déclaration de Dakar, de septembre
2017, où les évêques d’Afrique ont fixé les priorités pour
l’engagement de l’Eglise au service de la charité, de la justice
et de la paix. Comment l’Eglise catholique fait-elle la différence
avec les ONG qui nous dépassent en moyens et parfois en
professionnalisme, mais qui sont toujours de passage, avec de
nombreux expatriés souvent grassement payés, et qui tiennent
rarement compte des cultures et des croyances africaines. Présente
depuis plus d’un siècle, l’Eglise a un enracinement unique dans
la population. Elle a cependant à dépasser les statistiques
sacramentelles pour aller vraiment au « périphéries »
plutôt que de se laisser tenter par l’esprit « mondain »
de la globalisation qui s’insinue partout aujourd’hui en Afrique.
Elle doit aussi être irréprochable dans son usage de l’argent
destiné à des projets humanitaires. Je me réfère ici au Pape
François si soucieux des migrants et des déplacés de l’intérieur
qui sont des millions en Afrique.
Je
termine en confiant
à votre prière la petite Olga, 12 ans,
qui vient d’une famille en grande difficulté économique. On lui a
découvert un rhumatisme articulaire aigu qui a attaqué la valvule
mitrale. Elle doit se faire opérer en Europe. Nous avons sollicité
en France « Mécénat chirurgie cardiaque » car cela
dépasse nos moyens. Nous attendons leur réponse avec espoir…
La
petite Olga de Bukavu qui doit être opérée rapidement à cœur
ouvert en Europe.
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Très
amicalement à toutes et à tous,
Bernard