Bien
chers amies et amis,
Je vous
salue de la part de nos équipes et de tous les jeunes de Bukavu et Kamituga.
L’été parmi vous
Je voudrais avant tout remercier tous ceux et celles que j’ai eu le bonheur de rencontrer en Belgique, en France et en Suisse cet été. La première étape de mes vacances est toujours le contrôle de santé et actuellement mon état est stable. J’ai reçu le feu vert pour revenir à Bukavu d’où je vous écris aujourd’hui. L’amitié qui me vient de vous est certainement un des supports les plus importants pour moi dans mes engagements dans les conditions précaires que vous connaissez. L’intérêt pour nos projets, le financement que vous soutenez dans la mesure de vos moyens, la chaleur amicale de ces longues soirées d’été où l’on refait le monde ensemble, tout cela est sans prix. Cette année-ci était particulière pour plusieurs raisons.
Chapelle
de Montpreveyres, Suisse romande
D’abord,
j’ai pu rencontrer quatre familles suisses qui me soutiennent de leur amitié et
de leurs moyens et qui m’aident également de leurs conseils en prévision de
l’association que nous sommes en train de créer en France.
Ensuite,
précisément à propos de cette association, j’ai participé à des réunions de travail
et même, d’une certaine façon, de formation, entre autres dans le domaine de la
comptabilité. J’ose avouer simplement
que j’expérimente souvent les limites de mes compétences. C’est depuis que
je suis revenu en RDC en 2009 que j’ai été sollicité à m’occuper de situations
humanitaires dramatiques pour lesquelles j’ai dû tant bien que mal essayer d’acquérir
une certaine expertise. Que ce soit l’accueil et la réintégration de survivantes
de traumatismes (avec la formation des acteurs et actrices de terrain), la
supervision des projets d’accueil et de formation comme les centres de Nyota et
de Kamituga, avec ce que cela demande comme gestion du personnel. Il y aussi la
gestion des finances, dont 19 salaires mensuels, qui entrent dans les 40 000 €
de fonctionnement et d’équipement à trouver chaque année auprès de donateurs). Heureusement que l’association va prendre
le relai pour la comptabilité et la communication en lien avec nous. Cela
me soulagera car jusqu’à présent, depuis le début de Germes d’espérance, durant
mes vacances, je m’attelle à un travail de communication et de promotion de nos
projets auprès des gens que je rencontre. Me transformer en quémandeur n’est
pas toujours facile à assumer. Mais je sais en faveur de qui je me tourne ainsi
vers mes amis et relations. Tous ces jeunes, blessés, habitent mon cœur.
Montgolfières de Rocamadour cet été.
La « variole du singe » (Mpox)
Je vous en ai déjà parlé, dans ma circulaire précédente, de mon séjour à Kamituga où j’ai inauguré l’atelier de menuiserie avec les nouvelles machines électriques, visité les mines d’or où les enfants sont exploités et rencontré les soignants du centre de quarantaine de l’hôpital général. Or, depuis lors, le Directeur général de l’OMS, le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclaré que la Mpox constituait une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) à deux reprises, la première fois en mai 2022 et la seconde en août 2024. Ce que je ne savais pas, c’est que la ville minière de Kamituga, qui théoriquement compte 300 000 habitants mais pratiquement en héberge 600 000, est le point de départ de la nouvelle souche de cette épidémie. La situation sociale et médicale est indescriptible. J’ai trouvé un hôpital général dans un état de délabrement inacceptable pour notre époque. J’y ai vu les tentes de quarantaine. Ce qui a permis la diffusion rapide de ce virus, c’est que cette ville aurifère est largement habitée par des orpailleurs, des commerçants d’or et des prostituées, qui se retrouvent mélangés dans les boîtes de nuit et les bars qui accompagnent toujours les centres miniers. Inutile de dire qu’y prolifèrent les virus dans une promiscuité indescriptible.
Ceci ne peut que nous encourager à poursuivre notre action de formation et de réintégration des enfants dans une vie professionnelle grâce à notre école de menuiserie. Elle deviendra de plus en plus performante et autofinancée grâce son nouvel équipement que vous avez financé. Le total de l’installation de l’atelier, avec les quatre machines électriques et la formation des formateurs, s’élève à 30 000 €.Un autre souci : l’augmentation alarmante des violences sexuelles dans l’est de la RDC.
On a constaté une augmentation de 69 % de violences sexuelles durant les 5 premiers mois de cette année, particulièrement dans le Nord Kivu, la province voisine. 17 363 personnes ont été traitées, majoritairement des femmes et des filles (statistiques de Médecins sans Frontières et du Ministère Congolais de la santé). La ville de Goma est entièrement encerclée par des groupes armés, dont certains ont envahi la région venant de l’étranger, qui exploitent les mines les plus lucratives en vue de l’exportation clandestine. Tout cela au nom d’une autodéfense ethnique qui peut se justifier en partie. Depuis plus d’un an, ces combats ont provoqué plus d’un million de réfugiés, et ces camps que les O.N.G. peinent à gérer, connaissent une insécurité endémique grave, particulièrement en ce qui concerne les femmes et les filles. Puisque l’alimentation n’est pas toujours assurée, elles doivent sortir des camps pour cultiver dans les environs, chercher de l’eau, etc. Elles sont des proies rêvées pour les groupes armés qui se terrent autour de la ville. Je précise que les chiffres qui sont donnés ci-dessus sont nettement en deçà de la réalité, car beaucoup de personnes ne viennent pas se faire soigner ou ne se déclarent pas comme victimes de violences basées sur le genre, par peur d’être stigmatisées par leur groupe, si pas carrément rejetées par leur conjoint. Nous avons reçu au centre Nyota quelques filles provenant du front, dont on essaye de retrouver les parents par l’intermédiaire de la Croix-Rouge et qui se trouvent dans un profond désarroi. Ici encore, l’existence de notre centre, comme lieu d’asile pour les survivantes traumatisées par les violences diverses, est vitale et doit être pérennisée à tout prix.
Talitha Kum
Je vous ai parlé dans ma circulaire précédente de ce réseau mondial de lutte contre la traite des êtres humains créés par l’Union Internationale des Supérieurs Majeures des congrégations féminines en 2009. À la mi-octobre, dans un centre spirituel près de Goma, au nord du lac Kivu se tiendra une session fondatrice du réseau pour la RDC. Une trentaine de consacrés appartenant à une vingtaine de congrégations différentes se réuniront durant 3 jours avec la Sœur Yvonne Bambara responsable continentale. Ce sera l’occasion de mettre en place une coordination nationale.
Pour les Missionnaires d’Afrique la lutte contre la traite des Africains a été au cœur de l’engagement de notre fondateur le cardinal Lavigerie. Le même défi se présente aujourd’hui à travers le monde dans cette traite mondiale qui débouche sur des esclavages clandestins dans de nombreux pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique sans oublier le réseau de commercialisation des dons d’organes. C’est la raison pour laquelle je m’y suis engagé à fond, à l’écoute de ce qu’écrivait notre fondateur lors d’un passage à Rome pour lancer la campagne anti-esclavagiste à la demande du Pape Léon XIII.
«Conférence
dans l’Eglise de Jésus à Rome le 28/12/1888,
« Je
suis homme, rien de ce qui est humain ne m’est étranger (Térence). Je suis homme,
l’injustice envers d’autres révolte mon cœur. Je suis homme, l’oppression
indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes
semblables ne m’inspirent que l’horreur. Je suis
homme et ce que je voudrais que l’on fit pour me rendre la liberté, l’honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples [ d’Afrique] l’honneur, la liberté et la dignité...
Ce
que je dis des hommes isolés, de chacun de vous, en particulier, mes très chers
frères, je le dis des peuples, et je ne fais, je le sais, qu'interpréter leurs vœux,
en criant, chaque jour, aux quatre vents du ciel : Assez de sang ! Assez de
captures impies ! Assez de larmes ! Assez d'enfants enlevés à leurs mères ! Assez
d'hommes arrachés à leurs villages, à la paix du foyer domestique, pour être jetés
à la discrétion d'un maître cruel, aux infamies de la débauche ! Assez, non
seulement au nom de la religion, mais au nom de la justice, de la solidarité,
de la nature humaine et de Celui qui a tracé sa loi dans nos cœurs ! »
Voici ce qui m’habite également aujourd’hui. En 2025 nous célébrons le bicentenaire de sa naissance. Ce sera aussi l’année de mon jubilé d’or. Bel automne à vous et encore merci d’être là. Bernard Ugeux
Merveille vous remercie de votre soutien. Finaliste du Centre Nyota il y a un an, elle est maintenant couturière professionnelle et travaille dans un atelier à Bukavu.