Forces armées de la RDC (au centre, le lieutenant général Marcel Mashita Mbangu) à Luhonga, dans le Nord-Kivu, le 9 février 2023 |
Autour
d’une table basse installée au milieu d’une cour, des hommes en tenue et armés
continuent avec les combats dans l’Est de la RDC. Ils se trouvent à Pinga, un
village isolé situé entre le territoire de Walikale et celui de Masisi, dans
l’Est dans la Province du Nord-Kivu.
Plusieurs
rencontres entre FARDC et chefs de guerre ont eu lieu, notamment en décembre et
janvier, poursuit HRW. Selon l’ONG, deux généraux – Janvier Mayanga et Hassan
Mugabo – envoyés par le gouvernement pour superviser les opérations militaires
dans le Masisi y ont pris part. Ces hauts gradés connaissent bien le
terrain : ils sont d’anciens chefs rebelles, intégrés à l’armée nationale
depuis plus de dix ans.
Tous se
battent contre un adversaire commun : le Mouvement du 23-Mars (M23).
Depuis fin 2021, ce groupe armé à dominante tutsi ne cesse d’étendre son
influence et contrôle désormais une partie de la province du Nord-Kivu. Un
conflit de plus dans cette région déjà ravagée depuis près de trente ans par
des guerres à répétition et déstabilisée par les 122 milices qui y
sévissent, selon la dernière estimation réalisée en 2020 par le Baromètre
sécuritaire du Kivu. « Avec les FARDC et les autres groupes de la
coalition, nous nous sommes partagé les zones d’intervention pour barrer
la route au M23 », poursuit Marcellin Shenkuku Nkuba, qui assure
que le NDC-R combat seul sur le terrain et ne reçoit aucun soutien des FARDC.
Selon un
des chefs de services de commandement du NDC-R, il indique qu’à partir de ce
jour, ils n’agiront que pour une coalition patriotique en faveur de la RDC.
« Aujourd’hui,
nous ne sommes plus ennemis avec l’armée nationale », reconnaît
Marcellin Shenkuku Nkuba, le porte-parole du groupe armé Nduma Defense of
Congo-Rénové (NDC-R). Le milicien affirme désormais agir « au
nom d’une coalition de patriotes » et composée d’au moins quatre
groupes armés, dont le NDC-R et l’Alliance des patriotes pour un Congo libre et
souverain (APCLS). Cette « coalition » a renforcé sa présence
sur les lignes de front depuis que le territoire de Masisi est devenu
l’épicentre des combats, en décembre et janvier.
Son patron, Guidon Shimiray Mwissa, est en première ligne avec ses hommes. Ce chef de guerre, sous sanction onusienne depuis février 2018 pour recrutement d’enfants soldats et prélèvement illégal de taxes, est à la tête de l’un des principaux groupes armés installés dans le territoire de Walikalé. Depuis 2019, il est également recherché par la justice congolaise. Un mandat d’arrêt a été émis contre lui pour, entre autres, « participation à un mouvement insurrectionnel » et « crime contre l’humanité pour viol ». Des accusations qui n’ont pas empêché un colonel de l’armée régulière d’apparaître sur une vidéo, en décembre, au côté du leader du NDC-R, indique Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié le 6 février.
Cette
apparition de Guidon Shimiray au combat en appui au FARDC laisse croire selon
certains activistes de droit de l’homme au Sud-Kivu que la guerre risque de
prendre une autre dimension car on ne connait pas jusque-là ce qui se cache
derrière la position du groupe armé NDC-R.
Toujours
selon HRW, des militaires congolais ont également appuyé logistiquement un
autre groupe armé – étranger cette fois –, les Forces démocratiques de
libération du Rwanda (FDLR), installées en RDC depuis plus de vingt-cinq ans. « Plus
d’une dizaine de caisses de munitions ont été fournies aux combattants des FDLR
en juillet 2022 », écrit l’ONG dans un rapport publié le
18 octobre.
Or depuis
le début de la crise liée au M23, le président rwandais, Paul Kagame, dénonce
justement cette connivence. Kigali considère les FDLR comme les héritiers des
génocidaires de 1994 et présente ce groupe armé comme une menace pour la
sécurité du Rwanda. « Je
ferai tout ce qui peut être fait pour être sûr que l’histoire des FDLR et le
génocide ne reviennent plus », a déclaré Paul Kagame, le
9 février, au cours d’un dîner avec le corps diplomatique basé dans son
pays.
De leur
côté, le président congolais, Félix Tshisekedi, et son gouvernement ont
condamné à plusieurs reprises la « manipulation » du Rwanda
concernant la collaboration supposée des FARDC avec les FDLR. Des
accusations « fallacieuses » servant, selon Kinshasa, à
justifier l’intervention officieuse de l’armée rwandaise en RDC et le soutien
de Kigali au M23.
La
résurgence du M23, malgré sa défaite en 2013, a créé « une nouvelle
dynamique entre les groupes armés actifs au Nord-Kivu et les FARDC »,
notait le Groupe d’experts des Nations unies en décembre 2022. Au sein de
la population locale, ce nouveau jeu d’alliances inquiète. « A
l’allure où vont les choses, le M23 risque encore de gagner du terrain. Que
deviendront les groupes armés déchus ? Les exactions contre les habitants
vont-elles encore s’accroître ? », Questionne Voltaire Batundi
Sadiki, président de la société civile de Masisi, un regroupement
d’associations citoyennes.
D’autres
groupes traditionnellement basés au Sud-Kivu entendent venir prêter main-forte
à ceux qui sont déjà sur le terrain.
D’autant
que d’autres groupes armés traditionnellement basés dans une province pour
l’heure éloignée des lignes de front, le Sud-Kivu, entendent venir prêter
main-forte à ceux qui sont déjà sur le terrain au Nord-Kivu face au M23. C’est
le cas de la coalition maï-maï menée par William Yakutumba, mais aussi de
certains Raïa Mutomboki (RM) présents dans le territoire de Kalehe, dans le
Sud-Kivu. « Les RM ont été mobilisés par le député
Anselme Enerunga. Malheureusement, cet élu national, qui les finançait,
est décédé fin janvier. Faute de moyens, ces combattants ont pour l’instant
cessé leur route vers le Nord-Kivu et sont restés dans les agglomérations,
totalement désœuvrés. Ils tracassent la population et plusieurs cas de pillage
ont été rapportés », déplore Didier Kitumaini, de la société
civile de Bunyakiri.
Plus au
sud encore, dans les hauts plateaux de Fizi, d’Uvira et de Mwenga, plusieurs
sources sécuritaires signalent que des milices banyamulenges, une communauté
pastorale Tutsi parlant une langue proche de celle du Rwanda, ont quitté leur
bastion vers d’autres localités. Ni les soldats congolais, ni les militaires
burundais déployés dans le cadre de la force de la Communauté d’Afrique de
l’Est (EAC) n’ont réagi. Pourtant, ces déplacements pourraient déstabiliser
encore un peu plus la zone, les miliciens maï-maï accusant, entre autres, les
Banyamulengue d’être des « envahisseurs » à la solde de Paul
Kagame.
Destin
Byandike