jeudi 23 février 2023

AVANCEE DU M23 EN RD CONGO UN DESEQUILIBRE SOCIAL AU NORD ET SUD-KIVU.

 

Forces armées de la RDC (au centre, le lieutenant général Marcel Mashita Mbangu) à Luhonga, dans le Nord-Kivu, le 9 février 2023

Autour d’une table basse installée au milieu d’une cour, des hommes en tenue et armés continuent avec les combats dans l’Est de la RDC. Ils se trouvent à Pinga, un village isolé situé entre le territoire de Walikale et celui de Masisi, dans l’Est dans la Province du Nord-Kivu.

Plusieurs rencontres entre FARDC et chefs de guerre ont eu lieu, notamment en décembre et janvier, poursuit HRW. Selon l’ONG, deux généraux – Janvier Mayanga et Hassan Mugabo – envoyés par le gouvernement pour superviser les opérations militaires dans le Masisi y ont pris part. Ces hauts gradés connaissent bien le terrain : ils sont d’anciens chefs rebelles, intégrés à l’armée nationale depuis plus de dix ans.

Tous se battent contre un adversaire commun : le Mouvement du 23-Mars (M23). Depuis fin 2021, ce groupe armé à dominante tutsi ne cesse d’étendre son influence et contrôle désormais une partie de la province du Nord-Kivu. Un conflit de plus dans cette région déjà ravagée depuis près de trente ans par des guerres à répétition et déstabilisée par les 122 milices qui y sévissent, selon la dernière estimation réalisée en 2020 par le Baromètre sécuritaire du Kivu. « Avec les FARDC et les autres groupes de la coalition, nous nous sommes partagé les zones d’intervention pour barrer la route au M23 », poursuit Marcellin Shenkuku Nkuba, qui assure que le NDC-R combat seul sur le terrain et ne reçoit aucun soutien des FARDC.

Selon un des chefs de services de commandement du NDC-R, il indique qu’à partir de ce jour, ils n’agiront que pour une coalition patriotique en faveur de la RDC.

 « Aujourd’hui, nous ne sommes plus ennemis avec l’armée nationale », reconnaît Marcellin Shenkuku Nkuba, le porte-parole du groupe armé Nduma Defense of Congo-Rénové (NDC-R). Le milicien affirme désormais agir « au nom d’une coalition de patriotes » et composée d’au moins quatre groupes armés, dont le NDC-R et l’Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain (APCLS). Cette « coalition » a renforcé sa présence sur les lignes de front depuis que le territoire de Masisi est devenu l’épicentre des combats, en décembre et janvier.

Son patron, Guidon Shimiray Mwissa, est en première ligne avec ses hommes. Ce chef de guerre, sous sanction onusienne depuis février 2018 pour recrutement d’enfants soldats et prélèvement illégal de taxes, est à la tête de l’un des principaux groupes armés installés dans le territoire de Walikalé. Depuis 2019, il est également recherché par la justice congolaise. Un mandat d’arrêt a été émis contre lui pour, entre autres, « participation à un mouvement insurrectionnel » et « crime contre l’humanité pour viol ». Des accusations qui n’ont pas empêché un colonel de l’armée régulière d’apparaître sur une vidéo, en décembre, au côté du leader du NDC-R, indique Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié le 6 février.

Cette apparition de Guidon Shimiray au combat en appui au FARDC laisse croire selon certains activistes de droit de l’homme au Sud-Kivu que la guerre risque de prendre une autre dimension car on ne connait pas jusque-là ce qui se cache derrière la position du groupe armé NDC-R.

Toujours selon HRW, des militaires congolais ont également appuyé logistiquement un autre groupe armé – étranger cette fois –, les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), installées en RDC depuis plus de vingt-cinq ans. « Plus d’une dizaine de caisses de munitions ont été fournies aux combattants des FDLR en juillet 2022 », écrit l’ONG dans un rapport publié le 18 octobre.

Or depuis le début de la crise liée au M23, le président rwandais, Paul Kagame, dénonce justement cette connivence. Kigali considère les FDLR comme les héritiers des génocidaires de 1994 et présente ce groupe armé comme une menace pour la sécurité du Rwanda. « Je ferai tout ce qui peut être fait pour être sûr que l’histoire des FDLR et le génocide ne reviennent plus », a déclaré Paul Kagame, le 9 février, au cours d’un dîner avec le corps diplomatique basé dans son pays.

De leur côté, le président congolais, Félix Tshisekedi, et son gouvernement ont condamné à plusieurs reprises la « manipulation » du Rwanda concernant la collaboration supposée des FARDC avec les FDLR. Des accusations « fallacieuses » servant, selon Kinshasa, à justifier l’intervention officieuse de l’armée rwandaise en RDC et le soutien de Kigali au M23.

La résurgence du M23, malgré sa défaite en 2013, a créé « une nouvelle dynamique entre les groupes armés actifs au Nord-Kivu et les FARDC », notait le Groupe d’experts des Nations unies en décembre 2022. Au sein de la population locale, ce nouveau jeu d’alliances inquiète. « A l’allure où vont les choses, le M23 risque encore de gagner du terrain. Que deviendront les groupes armés déchus ? Les exactions contre les habitants vont-elles encore s’accroître ? », Questionne Voltaire Batundi Sadiki, président de la société civile de Masisi, un regroupement d’associations citoyennes.

D’autres groupes traditionnellement basés au Sud-Kivu entendent venir prêter main-forte à ceux qui sont déjà sur le terrain.

D’autant que d’autres groupes armés traditionnellement basés dans une province pour l’heure éloignée des lignes de front, le Sud-Kivu, entendent venir prêter main-forte à ceux qui sont déjà sur le terrain au Nord-Kivu face au M23. C’est le cas de la coalition maï-maï menée par William Yakutumba, mais aussi de certains Raïa Mutomboki (RM) présents dans le territoire de Kalehe, dans le Sud-Kivu. « Les RM ont été mobilisés par le député Anselme Enerunga. Malheureusement, cet élu national, qui les finançait, est décédé fin janvier. Faute de moyens, ces combattants ont pour l’instant cessé leur route vers le Nord-Kivu et sont restés dans les agglomérations, totalement désœuvrés. Ils tracassent la population et plusieurs cas de pillage ont été rapportés », déplore Didier Kitumaini, de la société civile de Bunyakiri.

Plus au sud encore, dans les hauts plateaux de Fizi, d’Uvira et de Mwenga, plusieurs sources sécuritaires signalent que des milices banyamulenges, une communauté pastorale Tutsi parlant une langue proche de celle du Rwanda, ont quitté leur bastion vers d’autres localités. Ni les soldats congolais, ni les militaires burundais déployés dans le cadre de la force de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) n’ont réagi. Pourtant, ces déplacements pourraient déstabiliser encore un peu plus la zone, les miliciens maï-maï accusant, entre autres, les Banyamulengue d’être des « envahisseurs » à la solde de Paul Kagame.

Destin Byandike


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