Beaucoup de jeunes africains aspirent à la démocratie…au prix de leur personne.
La
situation dans les Grands Lacsde l’Afrique centrale illustre cette tendance.
Les soubresauts de nombreux pays d’Afrique dans le
domaine de la démocratie (particulièrement autour des lacs Edouard, Kivu, et
Tanganyika) s’expriment par une mobilisation croissante d’une jeunesse qui
s’engage.
On constate qu’actuellement la plupart des chefs
d’état des pays d’Afrique centrale, presque tous des militaires, ont obtenu
d’une façon ou d’une autre une prolongation de mandat qui n’était pas prévue au
départ dans la constitution de leur pays. D’autres s’y attellent actuellement.
Cette situation provoque de nombreuses réactions internationales, en Afrique et
dans la communauté internationale, surtout lorsque durant ces tentatives ou
après leur aboutissement les assassinats se multiplient, que ce soit lors
d’émeutes ou dans des attaques ciblées. Ce
qui est impressionnant, c’est la prise de conscience de plus en plus vive de
leurs droits par les populations concernées. Il arrive certes que des
manifestations pacifiques soient infiltrées par des provocateurs, payés parfois
par le parti au pouvoir lui-même, et que les celles-ci dégénèrent. Pourtant, il
serait trop facile d’en imputer systématiquement la responsabilité à la société
civile. Quel intérêt l’organisateur d’une marche pacifique aurait-il de la voir
dégénérer en violences et en pillages s’il veut obtenir démocratiquement gain
de cause ?
On est frappé de voir la détermination de certains
mouvements de défense des droits humains, auxquels de plus en plus de jeunes s’intéressent.
En effet, dans certains pays, le plus grand nombre de jeunes diplômés sont au
chômage alors qu’ils voient leurs responsables politiques jouir d’un train de
vie provoquant. Leur détermination s’exprime dans les grands risques que
prennent ces manifestants lorsqu’ils s’engagent sur une avenue avec leurs
calicots en sachant qu’il est probable qu’on leur tirera dessus avec des balles
réelles, parfois à la hauteur de la tête ou de la poitrine. Ou bien que s’ils
se font prendre, même s’ils manifestent pacifiquement, ils feront l’objet de
procédures expéditives et de conditions inhumaines d’emprisonnement. Or, de pays en pays, et de manifestations
en manifestations, il y en a de plus en plus qui se présentent et prennent de
tels risques. Il est surprenant que certains gouvernements n’aient pas
encore compris que la meilleure manière d’encourager un mouvement de
protestation est de faire des martyrs, par balle ou par procès trafiqué. Car
alors les survivants n’ont qu’une préoccupation, se montrer à la hauteur de
leurs martyrs, avec tous les risques de surenchère que cela peut entraîner de
part et d’autre.
Quand verrons-nous, dans cette région, triompher la
priorité aux droits humains et le respect du bien commun ? Les Eglises ont
aussi un rôle important à jouer dans ce domaine, au niveau de la médiation lors
des événements tout comme par l’éducation à la citoyenneté où les chrétiens
devraient donner l’exemple. Mais comment
se fait-il que, dans certains pays, tant d’élites corrompues ont reçu une bonne
partie de leur formation dans des établissements chrétiens ? N’y
a-t-il pas là une invitation pour les Eglises à revoir leurs priorités
éducatives qui ne peuvent se limiter à l’excellence académique de
diplômes… ? Qu’en est-il de l’enseignement social de l’Eglise, par
exemple, pour les catholiques ? La formation des consciences et au
discernement est sans doute la meilleure prévention contre la violence, de
quelque bord qu’elle provienne.
Bernard Ugeux