Le rap au secours de la
paix dans les Grands Lacs d’Afrique
C’est grâce au rap que
des milliers de jeunes se sont rassemblés à Goma libéré pour un festival au
service de la Paix.
En
novembre 2012, la ville de Goma (RDC, Nord-Kivu) était envahie par les mutins du
M23 et l’année dernière elle fut bombardées par ces mêmes forces dont on
connaît les soutiens étrangers. Ce fut la panique totale. Aujourd’hui, des milliers de jeunes en quête de paix ont envahi Goma
pour écouter leurs rappeurs préférés comme Lokua Kanza, Lexxus Legal et Innocent Balume, etc. et
bien d’autres anonymes.
Le
Festival de musique et de danse Amani (qui signifie paix) a été organisé au
Foyer Culturel de Goma, du 14 au 16 février. Des milliers de jeunes de
plusieurs nationalités et ethnies ont exprimé leur volonté de bâtir ensemble la
paix. 700 volontaires ont préparé cette
rencontre sous l’impulsion d’Eric de la Motte son initiateur. Il lui a fallu
beaucoup de détermination, car programmé pour l’année dernière, il a dû être annulé
à cause de la guerre. Provenant de ces
pays dont les gouvernements sont accusés par l’ONU de complicité avec les
mutins, ces jeunes se sont joints aux Congolais pour exprimer leur ras l’bol de
la guerre et de la violence, qui sont aussi entretenus par l’impunité et certaines
complicités locales. Le festival a été soutenu par les casques bleus et parrainé par l’épouse
du Président de la république.
Le
promoteur du festival précise : « Les jeunes sont à la base de l’organisation de cet évènement. Ces jeunes
n’ont jamais connu la paix. Ils ont 20 ans, 25 ans et ils rêvent d’un
changement de situation dans lequel les 20 millions d’habitants du Kivu connaissent
un développement socio-économique qui nécessite la paix », il ajoutait, la
veille du festival : «Nous
avons pour espoir que ce festival devienne un moyen de rapprochement entre les
peuples. La réalisation d’un tel festival à Goma, ouvert à tous les habitants
de la région des Grands Lacs, rassemblant des artistes internationaux mais également ceux représentatifs des
différents groupes et ethnies de la région, sera un élément fédérateur de paix,
de réconciliation ainsi qu’un moyen d’attirer l’attention internationale
sur une région magnifique où la population, en majorité jeune, est sacrifiée
depuis trop longtemps».
Une déclaration de paix a été proposée aux participants qui l’ont signée en
masse :
Un extrait dit : « Notre
génération n’a pas connu la paix. Cela doit changer. Nous chantons la paix car
elle est notre seul espoir. Le Nord-Kivu et notre population ne l’ont
jamais autant désirée. Nous lançons donc un appel solennel pour que la paix
soit portée par tous et pour que l’intérêt du bien commun soit dorénavant la
première priorité de toutes nos actions. Chacun doit y apporter sa contribution.
En effet, ce n’est qu’ensemble, tous unis, que la paix redeviendra une réalité
vivante et dynamique, source d’espoir et de développement. Nous sommes
aujourd’hui tous rassemblés par-delà les frontières pour appeler à la paix.
Nous lançons un appel solennel et vibrant pour que notre cri, espoir d’un
avenir meilleur, soit partout entendu, compris et suivi d’actions. Vive la
paix ! »
Le chanteur Lokua Kanza dont le spectacle a clôturé le festival a déclaré
que sa présence à cette manifestation était un devoir. « Moi je pense que pour un artiste être là est un devoir. On doit
être là », a-t-il expliqué.
« L’objectif poursuivi est atteint au
niveau culturel, au niveau du rassemblement et pour l’appel à la paix », s’est réjoui l’initiateur du
festival, Eric de La Motte.
Une fois de plus, c’est la culture et la musique qui représentent la meilleure
réponse à la violence, au racisme ou au tribalisme au niveau des jeunes. Cependant, s’il y a eu des milliers de
jeunes pour chanter et danser sur la paix, au même moment des milliers d’autres
jeunes et d’enfants du même âge sont recrutés, drogués et envoyer combattre
comme on l’a constaté avec le mouvement des mutins M23 et d’autres groupes
armée qui sévissent dans la région aujourd’hui (on parle de 40 groupes de
diverses obédiences).
Actuellement la Monusco (ONU au Congo) avec le gouvernement congolais
veulent la démobilisation de ces jeunes armés pour qu’ils rentrent dans la vie
normale. Mais ces jeunes nous disent : « Ils n’ont rien à nous
proposer comme réinsertion, à part pour une minorité dans l’armée et la police ! ».
C’est pourquoi plusieurs ont accepté leur démobilisation… mais sans amener leurs
armes. Ils verront si leur pays a vraiment un espoir d’avenir à leur proposer…
sinon ils reprendront la lutte armée.
En outre, ils sont des millions de
leur âge qui n’ont pas pris les armes, qui trainent désœuvrés dans les villes, dont des milliers de diplômés, qui n’ont presque
aucune chance de trouver du travail. L’enjeu est de taille et l’avenir ne
commence qu’à se dégager un petit peu… Ici, on présente souvent le jeunesse
comme une « bombe à retardement »…
Bref, que cet événement musical et ludique apporte l’espoir à ces peuples meurtris et que la communauté internationale (qui s’enrichit souvent des trafics de cette région immensément riche) aillent jusqu’au bout de ses engagements pour la paix dans cette région.
http://radiookapi.net/actualite/2014/02/17/cloture-du-festival-amani-goma/
Photo : un des artistes aux préparatifs du festival de Goma.
Bernard Ugeux