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Véronique OLMI, Bakhita,
Roman, Albin Michel, 2017, 456 p.
Il faut être audacieuse pour écrire un roman à partir du drame
traversé par la petite esclave soudanaise devenue religieuse en Italie et
ensuite canonisée après bien des souffrances.
Le défi était de
se mettre dans la peau d'une petite Soudanaise vivant dans un milieu
traditionnel et ensuite de l'accompagner tout au long de ce drame de
l'esclavage dont elle fut libérée par un consul italien qui l'emmena en Italie
où elle finit sa vie chez les Soeurs canossiennes.
Ce livre a des
passages difficiles car il évoque l'horreur de l'esclavage, mais il est aussi
passionnant à cause de la façon dont l'auteure décrit les effets de la
déconstruction d'une personne à travers les pratiques esclavagistes. Elle
montre comment, même revenue à une vie sans risque et protégée comme celle d'un
couvent, où elle vit tout de même le choc culturel de s'adapter à l'Italie,
Bakhita n'arrive pas à se libérer totalement de son identité profonde et de ses
réflexes d'esclaves. Par ailleurs, les réactions de peur de son entourage à une
noire ne faisaient que la renvoyer à sa différence.
M'occupant
moi-même depuis des années de jeunes africaines victimes d'esclavage sexuel en
RD Congo, je trouve que l'auteure a admirablement rendu l'aventure intérieure
qu'a pu vivre Bakhita. Rien que cela donne une grande valeur au livre, en plus
de l'évocation de plusieurs époques, celle de l'esclavagisme dans ces régions
africaines et la montée du fascisme en Italie où Bakhita essaie de s'adapter à
ses différentes nominations dans des fonctions et des lieux divers. Un livre
qui mérite le détour et fait réfléchir à notre époque où les affres de la
migration et de l'esclavage sont banalisés par ceux qui veulent conserver leurs
privilèges