vendredi 7 octobre 2016

Mes lectures récentes...



Stéphane Joulain, Combattre l’abus sexuel des enfants, Qui abuse, pourquoi ? Comment soigner ?,  Paris, DDB, 2018, 294 pp.

L’auteur est prêtre, Missionnaire d ‘Afrique et titulaire d’une thèse en psychologie qui porte sur les coupables d’abus sexuels sur mineur. Ceci explique le sous-titre de ce livre. Il traite des auteurs d’abus et cherche à proposer des traitements psychologiques et même spirituels. Il présente d’abord les lieux de l’abus (intrafamilial, extra familial, cyberespace) et ses conséquences sur les victimes et sur l’entourage. On constate que beaucoup d’abus sont incestueux et que la majorité d’entre eux sont donc intrafamiliaux. Quant aux dégâts, sans soin, ils agissent sur les victimes pour le restant d leurs jours. Il répertorie les abuseurs, en distinguant le pédophile de l’abuseur ponctuel, ainsi que le processus qui entraîne à l’abus. Il propose alors différents modèles de soins avec une perspective holistique dans un souci de réintégration des délinquants sexuels. Il prend le risque de proposer une approche spirituelle également, ce qui risque de déranger les tenants d’une séparation totale entre sciences humaines et spiritualité, au détriment de la prise en compte de l’intégralité de la personne humaine qui est un être spirituel, même s’il n’en est pas toujours conscient. Chaque partie du livre est clos par un résumé et des questions de réflexion, ce qui en fait non seulement un bon ouvrage d’information, mais aussi de formation et  réflexion personnelle ou en groupe.



Jean-Michel Valentin, Géopolitique d’une planète déréglée, Le choc de l’Anthropocène, Paris, Seuil, coll. Anthropocène, 2017, 327 pp.

N.B. Le mot anthropocène a été créé par Paul Crutzen pour désigner la période géologique durant laquelle l'action de l'homme a de fortes incidences sur l'évolution de la planète et qui commence au début de la révolution industrielle.

Ce livre fascinant présente de façon très documentée les changements géophysiques et la crise biologique planétaires qui provoquent aujourd’hui des bouleversements géopolitiques rapides, massifs et brutaux dont nous ne sommes pas suffisamment conscients de la rapidité et de l’impact actuel sur des millions d’habitants de la planète. « Un nouveau paysage géopolitique et stratégique émerge, marqué par la combinaison du changement climatique et de ses effets systémiques, telles les migrations de masse. La compétition mondiale pour les ressources et la crise des régimes contemporains » (4è de couverture).  L’auteur commence par démontrer comment la révolution industrielle s’est développée en parallèle des guerres qui ont marqué l’Europe au XXè siècle. Il est question de guerre « monde », du rôle du pétrole, de l’offensive biologique et des changements climatiques dont tient compte par exemple l’armée américaine aujourd’hui. Ensuite la dislocation de l’arctique a favorisé un renouveau économique et militaire de la puissance stratégique russe qui se développe rapidement. Alors que la Chine, en lien avec la Russie et d’autre pays d’Asie, réinvente une « route de la soie » qui vise à drainer les réserves énergétiques de toute la planète (y compris l’Afrique)  vers l’Empire du milieu. La conséquence des évolutions économiques, stratégiques et climatiques mettent dès maintenant des villes entières en état de siège » (Asie du Sud-Est, Bengladesh…), provoque la crise des Etats et annonce des « guerres d’« effondrement ». Les 20 pages de références scientifiques rendent ce livre particulièrement convainquant… et donnent froid dans le dos. Nous vivons encore dans la naïveté… et la politique de l’autruche tandis que la Russie, les Etats-Unis et la Chine se partagent déjà la planète. L’UE doit encore unifier sa stratégie face à ce nouveau déferlement.  On aurait aimé que la prise de conscience douloureuse réalisée par l’auteur  soit complétée par des propositions alternatives plus abondantes que les 15 dernières pages du livre… Mais c’est peut-être notre affaire à tous ?

Joseph E. Mwantula, Tu le diras à ma mère, L’histoire vrai de Coco Ramazani, Paris, Présence Africaine, 2015, 299 pp.

Un lecteur peu informé sur la situation des femmes dans la région des Grands-Lacs africains et particulièrement en République Démocratique du Congo pourrait avoir du mal à croire que l’orpheline Coco ait pu subir autant de violences sexuelles, d’humiliations et de souffrance en tout genre. Pourtant, la réalité est bien là. Il s’agit d’un pays sans Etat, corrompu jusqu’à la moelle, où toute fonction de pouvoir donne droit à la prédation sur les femmes de l’entourage. Y dominent la misère, la lutte pour la survie quotidienne : c’est cela la douloureuse réalité. Les enfants, les jeunes filles et les femmes sont soient happées au passage ou bien n’ont d’autres possibilités de survie que de « s’offrir » à des relations sexuelles souvent violentes et dégradantes, au marché, à l’université, parfois dans les églises. Ce livre se présente comme le journal d’une jeune femme orpheline qui a été ballotée d’un membre de famille à l’autre, d’un lieu à l’autre, abusée enfant par un pasteur, enlevée, séquestrée par la suite, entraînée dans un groupe politique à travers le pays lors des guerres de pillage importées par les Rwandais et les Ougandais dans l’Est du Congo. Elle finit par échouer aux Etats-Unis chez une sœur qui l’exploite également et y découvre qu’elle est séropositive.

Le récit est puissant, les descriptions des lieux et de événements d’un grand réalisme, les scènes de violence quasi insoutenables parfois… Mais c’est la vécu de nombreuses femmes congolaises qui font preuve d’un courage inimaginable, particulièrement pour protéger et entretenir leur famille. Ce livre sans concession permet de réaliser ce qui reste de ce pays magnifique après des générations de gouvernement prédateurs. Heureusement que la mobilisation des solidarités, familiales, humanitaire, ecclésiales, apportent un peu de baume sur un océan de déréliction…



Françoise Sironi, Psychopathologie des violences collectives, Paris, Odile Jacob, 2007, 279 pp.

On ne peut traiter les victimes de violence collective comme on traite une pathologie individuelle dans un cabinet de psychologie classique. Des prises d’otage aux attentats, de la répression à la torture (comme en Syrie), des tournantes aux viols collectifs dans les villages africains, le but est la plupart du temps de terroriser une population. Il ne s’agit donc pas seulement d’une libération passagère d’une pulsion sexuelle par des hommes armés, par exemple, ou d’un acte isolé de sadisme, il s’agit d’un processus intentionnel de traumatisation d’une population à travers des violences collectives. C’est pourquoi on parle de plus en plus du viol pas seulement en contexte de guerre, mais comme « arme de guerre » en RD Congo. L’auteure a travaillé avec de victimes des Khmers rouges, du Kososvo, en Afghanistan et en Tchétchénie. Elle a créé une nouvelle approche des pathologies collectives, la psychologie géopolitique clinique où elle étudie et prend en charge ce nouvel aspect des conflits sociaux et internationaux. Elle souligne l’impact traumatique des conflits violents sur les agresseurs comme sur les victimes. Il suffit d’essayer de réintégrer dans la vie normale les enfants soldats. Elle étudie aussi bien la fabrication des traumatismes intentionnels que les nouvelles stratégies d’existence de la part des bourreaux et des victimes. Une bonne bibliographie permet de creuser une recherche indispensable, en plein développement.






 « Ethique de la relation de soin, récits cliniques et questions pratiques », coordonné par Myriam Le Sommer-Péré et Marie-Hélène Parizeau, Paris, Ed. Seli Arslan,2012, 152 p.

J’ai été particulièrement intéressé par ce livre qui touche un sujet qui est au cœur de mes formations et de mes pratiques, la relation de soin et son éthique.

J’ai été frappé par la qualité de son écriture et par la rigueur de la réflexion, sur les plans médical et philosophique. J’y ai retrouvé des valeurs qui me paraissent centrales dans l’éthique du soin. Tout d’abord le travail en équipe : de la qualité de la relation interdisciplinaire découle celle de la gestion de l’interculturalité. De part et d’autre, il s’agit de qualité d’écoute et de reconnaissance et de valorisation de la différence comme source de complémentarité. D’où découle naturellement la collégialité de la décision. Je suis bien conscient des enjeux économiques d’une telle posture qui n’entre pas dans la logique de la T2A… C’est un choix éthique « coûteux » (dans plusieurs sens du terme), de la part de l’équipe soignante. Il ne se rencontre pas partout tant s’en faut.

L’accent est mis sur le patient, avec sa vulnérabilité, pris comme être de relation et de communication, en recherche de sens. Et cela en lien avec sa famille et son entourage. C’est bien ce que sont aussi les soignants.

J’ai été frappé par le respect de la fragilité du patient et de sa famille, particulièrement des personnes âgées et des enfants, par la progression par étapes dans le discernement dans une approche holistique et interdisciplinaire, et l’attention à l’affectivité et aux émotions, tant du côté du patient que de l’équipe soignante, sans empiéter pour autant sur la prise de responsabilité en cas de choix douloureux nécessaire et légitime.

Du coup, est pris en compte le risque d’épuisement du soignant – dont on occulte si souvent la souffrance qui peut entraîner un burn-out. J’aborde brièvement cette question en distinguant empathie et compassion dans mon petit livre « La compassion, j’y crois », publié chez Bayard.

Ces enjeux sont bien détaillés par M.H. Parizeaux en finale, après avoir été déclinés lors des remarques éthiques en fin de chapitre, si exigeantes et pertinentes.

Un mot concernant l’interculturalité. Elle se distingue de la pluri- ou multi-culturalité dans le sens qu’elle se définit par l’inter, c’est-à-dire la relation, et renvoie à une gestion positive de la différence. Vous en montrez bien les enjeux dans le chapitre 8 dans la prise en compte de la culture de l’autre dans le rapport à la famille du patient. C’est un des éléments qui troublent le plus le personnel soignant en milieu hospitalier quand on doit gérer sur le terrain les familles de personnes provenant de culture arabe, des gens du voyage ou d’Afrique sub-saharienne.

Dans la relation de soin, dans la mesure du possible, et en tout cas dans le milieu où je pratique, il faut aller plus loin dans la gestion de l’interculturalité. Nous savons que toute personne gravement atteinte est spontanément en quête de sens et nourrit une ou plusieurs interprétations subjectives de son état de santé ou de sa pathologie[1] . Pour se faire, elle va puiser dans les représentations de la santé et de la maladie dans son environnement socio-culturel. Souvent, elle ne se satisfait pas de la réponse au « comment », mais va jusqu’au « pourquoi ?».  Et pourquoi moi ? L’être humain est toujours en quête de sens et c’est ce sens qui déterminera la façon dont il va assumer son épreuve. Cela a impact important sur la relation de soin. Et c’est là qu’interviennent les croyances (pas seulement dans le sens religieux du terme). Le patient peut être écartelé entre plusieurs étiologies, et c’est particulièrement le cas en Afrique où les étiologies des pathologies graves sont presque toujours personnalisées. Pas seulement QUE m’arrive-t-il, mais QUI m’en veut et comment me protéger ? Un patient qui se présente en milieu hospitalier a déjà parcouru tout un itinéraire thérapeutique avec des multiples étiologies, parois contradictoires (Laplantine). Comme gérer cela ?

Le médecin de biomédecine qui ne peut consacrer que quelques minutes à chaque patient n’a souvent pas le temps de le rejoindre dans sa question du sens, qui va pourtant déterminer toute la suite de la relation de soin… Et la distance est énorme quand on compare avec l’approche holistique et souvent systémique du tradipraticien auquel le patient est habitué ainsi que sa famille.  Celle-ci l’accompagne partout et ne le lâche pas durant toute l’hospitalisation…

C’est un exercice que je fais faire à mes étudiants : comment réagissez-vous lorsqu’un patient atteint d’une pathologie grave vous affirme qu’il a été empoisonné et compte sur vous pour le libérer autant que le guérir. Les réponses sont variées, mais dans la plupart des cas les praticiens partagent la même croyance dans l’efficacité de la sorcellerie. Comment conserver sa légitimité comme soignant face à cette question qui ne relève plus du comment mais du pourquoi et du « qui » ? Quelle congruence avec le patient ? Ici les travaux de François Laplantine (Anthropologie de la maladie, Payot), de Tobie Nathan (ethno-psychiatrie), Marc Auger, etc. sont bien utiles en complément de ceux d’Eric de Rosny.

J’ai abordé quelques-unes des ces questions un chapitre d’un de mes livres « Guérir à tout prix ? », éd. de l’Atelier.

Ce qui est certain, c’est que le remarquable travail de « traçabilité » qui est réalisé dans ces études de cas ne se rencontre pas à ma connaissance dans les milieux médicaux africains. En outre, ce qui ne facilite pas une relation de confiance avec les médecins hospitaliers, ceux-ci ne donnent quasiment pas d’explication aux patients quand ils leur remettent une ordonnance pléthorique, comme si celle-ci, par la multiplicité des prescriptions, devait couvrir un spectre suffisamment large pour que tout diagnostic s’y retrouve inclus. Mais les gens n’ont pas d’argent et achète l’un ou l’autre médicament selon le conseil de pharmaciens pas toujours formés. Vous pouvez imaginer le résultat.

A lire par toute personne engagée dans une relation de soin !



[1] Uwe FLICK, (dir.), La perception quotidienne de la santé et de la maladie,  Coll. Santé, Sociétés, cultures, Paris, L’Harmattan,), 1993, 398 p.



Gilles Kepel, avec Antoine jardin, Terreur dans l’Hexagone, Genèse du Djihad français, Paris, Gallimard, 2015, 330 pp.

L’auteur, spécialiste de l’islam et du monde arabe contemporain présente dix ans d’évolution de l’islam en France, de 2005 à 2015. Il montre comment de nouvelles lignes de faille se sont creusées. « Le changement de génération de l’islam de France et les mutations de l’idéologie du djihadisme sous l’influence des réseaux sociaux produisent le creuset d’où sortiront les Français exaltés par le champ de bataille syro-irakien ». Entretemps, la polarisation de la société française est renforcée par la montée de l’extrême droite.

Il montre la complexité des courants internes à l’islam de France, le jeu des influences étrangères (particulièrement du Moyen-Orient) et les étapes dans l’élaboration de la mentalité du djihad. Il souligne également les limites des services de renseignement français, souvent en retard d’une étape et se faisant surprendre par de nouvelles irruptions de violence interne ou de départs pour le djihad, entre autres sous l’influence du cyberdjihad.  A propos de l’attaque de Mohamed Merah, il écrit : » On peut toutefois émettre l’hypothèse que le nouveau modèle de terrorisme islamiste n’a pas été assimilé par des services de sécurité qui vivent alors sur le bilan flatteur de seize années sans attentat, résultat d’une grande efficacité dans la lutte contre la deuxième vague de djihadisme, celle d’al-Qaida. Cette vigilance aurait été prise en défaut par incapacité à penser le « logiciel » de la troisième vague, pourtant précisée en toute lettre par Suri [un auteur islamiste très influent dans ces milieux]. Faite de comprendre que le phénomène n’est pas exclusivement sécuritaire, à n’en traiter que les symptômes, à refuser d’exhumer ses racines sociales, politiques et religieuses et de consacrer les moyens nécessaires, le gouvernement se condamne à attendre sa prochaine occurrence » (p.131). Il n’est pas tendre non plus après avoir noté que la France détient le record absolu d’exportation de djihadistes de l’Europe. « Quant à la réflexion sur le passage d’un terrorisme pyramidal, ressemblant à l’organisation d’une administration policière, à un modèle dont les acteurs fonctionnent en essaim, elle n’est pas menée par des appareils sécuritaires français grandement hiérarchisés qui seraient obligés de se réformer en profondeur pour s’adapter à un danger dont la forme est inédite. Le prix à payer pour cet aveuglement volontaire et cette surdité délibérée est déjà lourd, et le sera plus encore pour des politiciens sans étoffe désormais dépourvus de solution aux défis du djihadisme et frappés de mutisme devant les philippiques du Front national en ce domaine » (p.304). On perçoit ici la déception de l’universitaire face au manque de compétence de la part des services de sécurité manquant de formation poussée et engoncées dans leurs habitudes. Enfin, il rappelle que les premières victimes de cette violence est la grande masse de leurs coreligionnaires traités d’apostats parce qu’ils n’adhèrent pas à leur extrémisme violent soi-disant religieux. (Juin 2017).



Isabelle de Gaulmyn, Histoire d’un silence, Seuil 2016.

Les scandales de pédophilie continuent à être dévoilés dans le monde et les récentes accusations contre les évêques d’Australie montrent que c’est loin d’être fini. Dans les Eglises d’Afrique, cela reste un sujet tabou. Les conséquences de ces scandales sont à la hauteur de la façon dont trop souvent l’institution catholique, se présentant comme au-dessus de tout soupçon, s’est adonnée à des attitudes moralisantes concernant les problèmes de sexualité (par exemple à propos de la cohabitation juvénile ou les divorcés remariés) avec beaucoup d’intransigeance. Ce n’est pas sans raison que le Pape François a voulu deux synodes pour rebattre les cartes dans une attitude de miséricorde qui n’exclut pas l’exigence évangélique, au contraire.

Quant aux pratiques pédophiles si souvent occultées (cf. Le film Spotlight concernant des événements historiques dans le diocèse de Boston (Etats-Unis) elles obligent à se poser la question : comment a-t-on pu cacher des faits aussi graves et répétés, parfois sur 20 ans comme ce fut le cas du Père Prénat. Celui-ci avait fondé une troupe scout mixte à Lyon dont il était devenu le mentor incontrôlé. Il a ainsi abusé de nombreux jeunes garçons durant les camps ou dans son presbytère. Quand Isabelle de Gaulmyn a réalisé que celui qu’elle avait connu dans sa jeunesse n’avait jamais été poursuivi et découvert la façon dont l’Eglise de Lyon avait mis un couvercle sur l’affaire, elle s’est sentie complice par son manque d’intérêt ou son silence à propos de ce drame auquel elle a été mêlée de près sans en avoir réalisé les enjeux. C’est donc dans une attitude d’humilité et en se mettant elle-même en question qu’elle s’autorise à interpeller la hiérarchie. Ce livre montre sa découverte progressive de m’ampleur de cette tragédie et du silence des clercs qui étaient informés. Cette volonté de clarification nous éclaire sur ce type de dérive dans l’Eglise catholique. Elle a évidemment rencontré des critiques et des résistances devant ces révélations (cf. la journal France Catholique par exemple), mais d’autres l’ont soutenue. Pour Guillaume Goubert (La Croix) : « Prendre la parole publiquement sur de telles questions est une épreuve, pour les victimes et pour leurs proches. Aussi pour une journaliste dont la foi est profonde. Isabelle de Gaulmyn a rédigé ce livre avec beaucoup de gravité en cherchant avant tout à comprendre. Mais la douleur est là. Et c’est sans doute cette douleur qui empêche le livre d’exprimer davantage d’espérance dans la capacité de l’Église à se réformer. Mais il peut, précisément, faire avancer les catholiques vers une meilleure réponse aux abus sexuels envers les enfants. »


Pascal Ide, Le burn out une maladie du don, Paris, Emmanuel/Quasar, 2015, 189 pp.

L’auteur qui est prêtre, médecin et théologien fait le point sur un certain nombre de recherches concernant la burn-out, particulièrement chez les agents pastoraux. Il n’y a pas que les managers ou les soignants qui y sont exposés, celui-ci menace aussi ceux qui se dévouent sans (suffisamment) compter au service de l’Eglise et de leurs frères et sœurs. Le burn-out est une conséquence d’un excès de stress négatif (car il est un bon stress ou eustress qui nous dynamise). Il se caractérise par l’épuisement, la dépersonnalisation (par rapport au travail) et la diminution de l’accomplissement personnel (souvent dû au manque de reconnaissance par les autres). Ce livre propose une grille de lecture originale du burn-out comme pathologie du don. Il concerne les personnes généreuses et à haut idéal qui s’engagent dans des professions d’aide comme les agents pastoraux, les soignants, les humanitaires.. Il propose aussi un diagnostic et des remèdes adaptés à une pathologie du don et qui offre ainsi des mesures de prévention. Enfin, un accent particulier est mis sur la pastorale des prêtres, qui sont souvent les grands oubliés de cette réflexion. C’est une invitation à une meilleure connaissance de soin, une bonne gestion de ses ressources humaines et spirituelles personnelles, l’humilité de demander ou d’accepter de l’aide. Cette étude concerne au premier chef les responsables ecclésiastiques qui se soucient rarement des conditions de vie de leurs prêtres, surtout pour les prêtres séculiers. Un livre qui fait réfléchir et invite à un examen de conscience salutaire, doublé d’un minimum de professionnalisme quand on s’occupe des ressources humaines dans un diocèse ou une congrégation.





Anne-Dauphine Julliand, Deux petits pas sur le sable mouillé, éd. Des Arènes, 2011.


Une maman raconte comment elle et son mari ont vécu l’accueil et l’accompagnement de la petite Thaïs née avec une grave maladie génétique orpheline. Celle-ci a été découverte alors qu’elle avait deux ans et n’avait plus que quelques mois à vivre. Ses parents ont alors décidé de lui offrir la vie la plus belle possible étant donné son état. On constate ainsi la fécondité de ce bref passage de Thaïs sur notre terre, par la mobilisation d’amour que sa fragilité va provoquer, d’abord auprès de ses parents et de son frère, ensuite chez les membres de la famille, les amis, et le personnel soignant. Anne-Dauphine raconte au jour le jour ce combat d’amour afin que ces quelques mois à vivre soient vraiment de la vie pour Thaïs. Ce récit plein de pudeur et de vérité montre le combat intérieur que cet accompagnement de fin d’une vie à peine commencée a demandé. Lutte contre le découragement, décision de confiance dans le corps médical et dans les ressources de la petite, ainsi que dans la capacité d’aimer de l’entourage. C’est la vérité de ce récit et le témoignage de vie qui y transparaît qui en font un outil précieux pour le soutien et l’accompagnement de toute famille confrontée à ce genre de drame avec un petit enfant.  Bien qu’il n’y soit jamais fait allusion, on croit deviner que la foi des parents de Thaïs les a aussi aidés à assumer cette épreuve et cette traversée.





Bibiane Cattin, Pour que la vie l’emporte, 2016, (compte d’auteur).


L’auteure est une Missionnaire de Notre-Dame d’Afrique suisse qui a vécu et travaillé 35 ans en RDC. Elle s’est particulièrement dévouée au service des femmes en tant qu’assistante sociale. Elle a travaillé durant plusieurs années à Bukavu au centre OLAME dont la vocation est la promotion sociale de la femme congolaises. A la suite des guerres et des violences qui agitent la région depuis 20 ans, ce centre s’est aussi particulièrement consacré à l’accueil de femmes victimes de violences sexuelles. Bibiane Cattin a suivi une formation spécialisée à l’Institut de Formation Humaine Intégrale de Montréal (IFHIM) durant trois ans.  Elle s’y est formée à la restauration de forces vitales humaines dans l’expérience traumatique. Durant dix ans, elle a travaillé avec des personnes traumatisées par la guerre. Elle a pu contribuer à les aider à restaurer leurs forces vitales malgré les graves séquelles. Elle raconte son travail au service de la résilience en décrivant des cas particuliers et en montrant les fruits de son travail en collaboration avec d’autres personnes au service des victimes. C’est donc à la fois un témoignage et un outil précieux pour toutes les personnes engagées dans l’accueil et la reconstruction de personnes victimes de graves violences dans des régions troublées par la guerre comme les pays des Grands Lacs d’Afrique centrale.



Mgr Sébastien-J. Muyengo Mulobe, La charité au quotidien, Verbum Bible 2016, 59 p.

Mgr Muyengo est l’actuel évêque d’Uvira (RDC). Ecrivain prolixe il publie régulièrement des livres accessibles à un grand public sur des sujets de foi, de spiritualité et de pastorale. Le sous-titre de cet ouvrage est : « Méditation avec le Pape François sur l’Hymne à la Charité (1 Co 13,4-7) ». Il reprend une retraite qu’il  a donné à ses prêtres à propos du commentaire par le Pape François de cette hymne dans son exhortation apostolique Amoris Leatitia (chapitre 4, n°90-130). Il appelle ce texte les « béatitudes de Paul ». Il lie la charité à la miséricorde mise en valeur durant cette année jubilaire en montrant comment ce commentaire ne concerne pas que les couples mais est aussi un idéal de vie pour tout chrétien et particulièrement pour les membres du clergé. Il s’agit d’une paraphrase de ce texte enrichie d’exemples concrets à partir de sa méditation personnelle et de son expérience pastorale d’évêque. Ce texte est aussi valable pour des laïcs engagés, des responsables de jeunes, etc. A l’occasion de l’anniversaire de ses 30 ans d’ordination, il ajoute des souvenirs personnels de pasteur. Lors de son ordination épiscopale, il avait choisi comme devise : « Avec la tendresse de la miséricorde de notre Dieu ». Il s’agit donc aussi d’une action de grâce. Enfin, cet admirateur de feu Mgr Munzihirwa, l’évêque assassiné à Bukavu le 29 octobre 1996, est toujours sensible aux questions de justice sociale dans son engagement pastoral. Un livre à méditer…

Marion Muller-Colard, L’Autre Dieu, La plainte, la menace et la Grâce, Labor et Fides, 2014, 110 p.

La confrontation au malheur, et entre autres à la maladie grave, déstabilise souvent notre image de Dieu. Que nous en soyons conscients ou non, la plupart des croyants vivent un rapport à Dieu sous forme de contrat (souvent implicite). Si je te suis fidèle, tu t’arranges pour que le malheur ne m’atteigne pas gravement. Et lorsque cela arrive, les repères disparaissent, Dieu est accusé d’abandon et d’infidélité, la plainte envahit tout l’espace. Cette situation, l’auteure l’a côtoyée d’abord dans son expérience de pasteur en milieu hospitalier en Suisse, et par la suite, lors de la maladie d’un de ses enfants. Elle se demande comment se délester de la culpabilité et de la pensée magique quand on est envahi par la plainte et la peur d’une menace diffuse. C’est chez Job, dont elle est spécialiste, qu’elle va chercher des réponses tout en cheminant auprès de son fils en grande souffrance. Elle relit ainsi son expérience et son combat au jour le jour, aboutissant à un acte d’abandon à un Autre Dieu, différent de celui qu’elle imaginait et très proche de celui qui demande à Job : qui était pour me demander des comptes. Elle s’est guérie de sa plainte en croyant sur parole la sentence du Créateur : « Cela est juste et bon. » Cet autre Dieu n’est pas donc pas la Crucifié, ce qu’on aurait attendu d’une protestante, mais ce Dieu de Job qui, en définitive, demande d’accepter de ne pas recevoir de réponse pleinement rassurante et logique.


Amedeo Cencini, La formation permanente, y croyons-nous vraiment, Bruxelles, Lessius, coll. La Part Dieu, 2014, 118 pp.

L’auteur est un moine canossien italien qui enseigne à l’Université pontificale salésienne de Rome. Spécialiste de la formation des religieux, sa conviction est que « sans formation permanente, la vie devient une frustration permanente ! ».

Il n’est plus possible de vivre dans ce monde en changement rapide sans s’engager dans un minimum de formation permanente. Comment trouver l’équilibre entre les valeurs profondes, pérennes, dans lesquelles on croit, tout en étant adapté aux défis contemporains qui, souvent, mettent en question la vie religieuse. L’auteur distingue la formation permanente habituelle - celle qui vient d’une attitude d’ouverture critique dans la vie quotidienne -, de la formation permanente spécialisée, qui repose sur des propositions de formation adaptées aux âges et aux besoins. En réalité il existe de nombreuses propositions de formation permanente diversifiées, mais les destinataires ne se sentent pas suffisamment concernés, ce qui explique parfois les retards de la vie religieuse par rapport aux évolution contemporaines ou la perte de repère par rapport à sa propre foi.

Jacques Lecomte, La bonté humaine, Altruisme, empathie, générosité, Paris, Odile Jacob,2012, 430 pp.

Comme son titre l’indique, ce livre est le résultat d’un importante recherche universitaire et humaine sur la question : l’homme est-il naturellement méchant et agressif ou bien bon et sociable ? Il ne s’agit pas d’une reprise de la théorie du « bon sauvage » mais le fruit d’un survol de très nombreuses études publiées dans le monde entier sur cette question. La réponse est que l’être humain est « génétiquement » bon et bienveillant. L’auteur – qui étudie la psychologie positive - est docteur en psychologie et Professeur d’université à Paris-Ouest-Nanterre-La Défense et l’Institut Catholique de Paris. http://www.bonte-humaine.net



Christophe André, Alexandre Jollien, Matthieu Ricard, Trois amis en quête de sagesse, Paris, l’Iconoclaste et Allary Editions, 491 pp.


Les auteurs expliquant la raison de cet ouvrage : « Ce livre est né de notre amitié. Nous avions le profond désir d’une conversation intime sur les sujets qui nous tiennent à cœur ». Christophe André est psychiatre et s’intéresse à la méditation et la psychiatrie, Alexandre Jollien est philosophe, il est marqué par un important handicap physique, il a publié sur la sagesse. Matthieu Ricard est un moins bouddhiste d’origine française qui a été au service du Dalaï Lama. Il a beaucoup publié sur la médiation, la compassion et particulièrement un livre notoire : Plaidoyer pour l’altruisme, en 2013. Il est engagé dans divers grands projets humanitaires au Népal.
Cet ouvrage nous invite à rejoindre les échanges libres de ces trois sages sur des sujets qui touchent l’existence de chacun, chacune, tels que : vivre avec ses émotions, l’art de l’écoute, le corps : boulet ou idole ?, aux origines de la souffrance, la cohérence, une question de fidélité, altruisme : tout le monde y gagne, l’école dans la simplicité, la culpabilité et le pardon, la vraie liberté : de quoi puis-je me libérer ?, nos pratiques quotidiennes. La richesse, la profondeur et la diversité des points de vue renvoient le lecteur à lui-même : « que dirais-je, moi, sur ces sujets, après les avoir écouter ? ». Quelle que soit l’appartenance ou non à une religion, une spiritualité ou une philosophie, chacun peut se sentir rejoint.


Pape François, Le nom de Dieu est miséricorde, Conversation avec Andrea Tornelli, Paris, Robert Laffont et Presses de la Renaissance, 2016, 171 pp.


Le style de la conversation permet au pape François d’exposer de façon très accessible sa conception de la miséricorde et la place qu’elle a eu dans sa propre vie. Il apparaît que dès sa jeunesse et ensuite son ministère de prêtre, puis d’évêque et de cardinal, sa priorité est toujours allée vers les plus pauvres et les exclus du système, ce qu’il appelle les périphéries existentielles. L’adjectif existentiel indique que ce n’est pas seulement la pauvreté économique ou la marginalisation sociale dont il est question, mais toute personne qui perd le sens de sa vie ou se perd dans sa façon de vivre (y compris ceux qui ont des moyens). Concrètement, c’est en allant vers les pauvres, les malades, les prisonniers, les divorcés, qu’il invite à s’engager dans les œuvres de miséricorde. Ce livre offre une méditation sur la souffrance dans le monde et l’engagement  qui ne peut laisser personne indifférent. Il se termine par la bulle d’indiction de l’année jubilaire de la Miséricorde Misericordiae Vultus.

Kinshasa-Kigali, un accord entre Etats mais loin d’être endossé par les groupes rebelles.

  Pour une paix durable à l’Est du pays, faudra-t-il un arrangement entre Etats ? Ou alors une harmonisation avec les groupes rebelles ? S’i...