Chères amies, Chers amis,
Oserais-je vous dire : Joyeux Noël et Bonne Année ? Peut-être sommes-nous tenté(e)s de penser qu’il est désormais dérisoire de présenter des vœux de paix
et de bonheur au début de chaque année
nouvelle alors que l’on clôture l’année qui finit avec un sentiment d’amertume. Il est vrai que cette année encore,
alors que beaucoup espéraient que la régression de la pandémie du Covid allait
permettre un retour à une vie plus « normale », l’agression
russe contre l’Ukraine a ranimé toutes les inquiétudes et
aggravé les déséquilibres de notre planète dans bien des domaines (économique,
financier, écologique, politique, militaire, etc.). Vous avez remarqué comment
on trouve toujours de l’argent pour acheter des armes ! La
façon dont les médias
semblent sélectionner systématiquement toutes les mauvaises nouvelles de la planète au détriment de tout ce qui se
passe de positif dans l’humanité ne fait que renforcer ce
sentiment de gabegie et d’échec. Certes, il ne faut pas
sous-estimer la profonde crise de civilisation que nous traversons. Les
ajustements qu’il nous faut assurer désormais sont
structurels et systémiques et dépassent largement une simple adaptation à des
évolutions prévisibles. Un peu partout les clignotants sont au rouge et l’impression de crise est présente partout.
Pourtant, nous savons que notre humanité a traversé d’autres crises civilisationnelles, et que cela
a parfois donné naissance à une créativité et à des mutations plus positives
que ce que la plupart prévoyaient au départ.
Les personnes qui
réagissent à cette circulaire, que certains parmi vous reçoivent pour la 52e
fois, soulignent que je parle
souvent d’espérance. Oui, j’y crois. Je suis arrivé en RD Congo pour la
première fois il y a 51 ans. Je n’ai
pas vécu tout ce temps sur place, mais j’y
suis revenu depuis 13 ans. Si j’y reste ce n’est pas parce que la conjoncture actuelle nous
donne beaucoup d’espoir, mais parce que la vitalité et
le courage, la résilience et la foi des populations nourrissent mon
espérance.
Nous attendons la venue du pape
François pour la fin du mois de janvier. C’est
un événement très important pour la population congolaise alors que nous
craignions que son état de santé l’empêche
de nous rendre visite, ainsi que l’insécurité
dans l’est du pays. Pour finir celle-ci a entraîné l’annulation de l’étape
prévue au nord de notre lac Kivu, dans la ville de Goma, à 100 km de chez nous,
mais il viendra à Kinshasa.
Les attentes de
l’Eglise congolaise s’expriment clairement dans la prière qui est
lue à la fin de chaque eucharistie dans le pays : « que cette visite soit aussi
un temps de grâce pour réconforter les familles sinistrées par les calamités
naturelles, les maladies et la misère ; un tant de grâce pour consoler les
personnes éprouvées par les multiples situations d’insécurité récurrente, surtout dans le reste
de notre pays ; un temps de grâce pour consolider l’unité, la paix et la cohésion nationale ». Les
défis que traverse notre pays sont bien présents dans cette prière. Que ce soit
les calamités naturelles : éruption volcanique, glissements de terrain et
inondations dues aux pluies diluviennes et à l’anarchie
urbaine, que ce soit les personnes victimes de l’insécurité
récurrente, particulièrement les 120 groupes armées incontrôlables, les
attaques à nos frontières, dont je vous parlais déjà dans la circulaire
précédente et qui se poursuivent avec des appuis étrangers, que ce soit l’unité et la cohésion nationale, alors que 2023
sera pour nous une année d’élections généralisées alors qu’il existerait de nombreux doutes concernant l’impartialité des institutions qui en sont
chargées. Certes, on n’attend pas du pape qu’il règle tous ces problèmes, mais c’est une occasion pour l’Eglise catholique de rappeler son engagement
au service de la justice et de la paix. La dernière lettre de notre Conférence
épiscopale est une véritable mise en demeure adressée aux autorités politiques.
Tous ces soucis ne nous ont pas empêchés de
célébrer Noël avec la ferveur
que l’on connaît chaque année, avec l’émulation entre les chorales, qui sont des
lieux privilégiés de rencontres de la jeunesse, avec la conviction que le pire
n’est pas le plus sûr pour une population qui
tente de survivre dans un contexte de crise économique aggravée par la
pandémie, et par les affrontements en Ukraine et sur nos frontières. Bien plus,
nos engagements se poursuivent avec vigueur auprès des plus vulnérables, au
Centre Nyota de Bukavu et au centre professionnel de Kamituga, que notre réseau
Germes d’espérance soutient grâce à votre
fidélité.
Nous venons de vivre de moments forts au centre Nyota : la célébration d’ouverture de l’année où l’institution a été confiée au patronage de Sainte Marie-Madeleine, elle qui a connu un passé très difficile et qui a été transformée par sa rencontre avec le Christ au point qu’elle est devenue la première à annoncer sa résurrection. À cette occasion, tous se sont réjouis de la bénédiction pontificale envoyée par le pape François sur le personnel et les survivantes accueillis par le centre. Ce fut une explosion de joie.
De
même, à la fin du trimestre, la proclamation des résultats accompagnée d’une fête fut particulièrement bien animée par
les filles engagées dans l’Ecole de la paix qui est une activité
proposée aux volontaires dans le cadre du Centre pour devenir médiatrices de
paix dans les milieux qu’elles ont dû fuir à cause des violences.
Tout
cela, ce sont des « germes d’espérance » que je continue à partager avec
vous. D’abord, pour montrer que l’aide que vous apportez donne de
nombreux fruits, c’est pourquoi je vous propose le visage de
certaines jeunes qui ont retrouvé la joie de vivre, ensuite, pour qu’au moment où vous faites l’expérience de certaines privations à
cause de l’augmentation des prix de l’alimentation ou d’éventuels délestages d’approvisionnement en électricité, vous puissiez vous sentir solidaires de nos
combats et de la sobriété que vous pouvez choisir mais qui, ici, nous est
imposée depuis longtemps par le dysfonctionnement des institutions étatiques.
Jeunes
filles du Centre Nyota : proclamation des résultats.
Personnellement,
je suis toujours engagé dans la nouvelle
mission dont je vous ai déjà parlé : la formation de 29 jeunes rwandais, burundais congolais, qui se
préparent à devenir missionnaires dans notre société apostolique. Vivre au
quotidien avec ces jeunes me demande un effort d’adaptation
mais m’apporte aussi un rajeunissement, grâce à leur
exigence et à leur dynamisme. Le défi pour moi est de redevenir professeur de
philosophie après avoir arrêté il y a 40 ans, ce qui exige un travail de
recyclage et une préparation approfondie de mes cours. Pas si évident. Par
ailleurs, je suis reconnaissant de pouvoir terminer cette année de transition
2022 dans la paix profonde et la joie de mon engagement de prêtre et de
missionnaire. Année de transition par le passage de la formation permanente en
lien avec Rome à la formation initiale qui me demande une plus grande stabilité
ici à Bukavu. Transition parce que cela a impliqué un changement de communauté,
de rythme, d’horaires, de nourriture, d’activités, que je vis heureusement de mieux en
mieux. Le défi pour nous est d’assurer la qualité de formation qu’attendent ces jeunes généreux, ce qui suppose
de la part des formateurs un engagement sans faille où nous sommes cohérents
entre ce que nous enseignons et la façon dont nous le mettons en pratique au
quotidien. Les jeunes nous observent et sont parfois sur leur faim.
Ce que je
viens de vous partager vous permet de comprendre pourquoi j’ose, encore une fois,
vous souhaitez une année 2023 de paix et de croissance intérieure… Il y a
toujours plus en nous que ce que nous pensons souvent… Il n’y a pas d’âge pour s’ouvrir et
continuer à s’émerveiller.
Encore une fois, j’écris ton
nom… espérance. Bernard
L’équipe de formation du Centre Nyota en récollection
Un grand merci à ceux et celles qui nous aident, au nom de ceux et celles qui en
bénéficient ! Notre objectif est de les
rendre autonomes demain.
Cette année,
l’association Garonne Animation (Toulouse) et la Fondation Roi Baudouin
(Belgique) ont fait un don à Germes d’Espérance. Nous les en remercions
vivement.