mercredi 4 janvier 2023

Nouvelle Lettre de la Savane N°52 de décembre 2022

 

Chères amies, Chers amis,

Oserais-je vous dire : Joyeux Noël et Bonne Année ? Peut-être sommes-nous tenté(e)s de penser quil est désormais dérisoire de présenter des vœux de paix et de bonheur au début de chaque année nouvelle alors que lon clôture lannée qui finit avec un sentiment damertume. Il est vrai que cette année encore, alors que beaucoup espéraient que la régression de la pandémie du Covid allait permettre un retour à une vie plus « normale », lagression russe contre lUkraine a ranimé toutes les inquiétudes et aggravé les déséquilibres de notre planète dans bien des domaines (économique, financier, écologique, politique, militaire, etc.). Vous avez remarqué comment on trouve toujours de largent pour acheter des armes ! La façon dont les médias semblent sélectionner systématiquement toutes les mauvaises nouvelles de la planète au détriment de tout ce qui se passe de positif dans lhumanité ne fait que renforcer ce sentiment de gabegie et déchec. Certes, il ne faut pas sous-estimer la profonde crise de civilisation que nous traversons. Les ajustements quil nous faut assurer désormais sont structurels et systémiques et dépassent largement une simple adaptation à des évolutions prévisibles. Un peu partout les clignotants sont au rouge et limpression de crise est présente partout. Pourtant, nous savons que notre humanité a traversé dautres crises civilisationnelles, et que cela a parfois donné naissance à une créativité et à des mutations plus positives que ce que la plupart prévoyaient au départ.


Crèche vivante du Foyer Ekabana qui accueille des petites filles accusées de sorcellerie. 

Les personnes qui réagissent à cette circulaire, que certains parmi vous reçoivent pour la 52e fois, soulignent que je parle souvent d’espérance. Oui, jy crois. Je suis arrivé en RD Congo pour la première fois il y a 51 ans. Je nai pas vécu tout ce temps sur place, mais jy suis revenu depuis 13 ans. Si jy reste ce nest pas parce que la conjoncture actuelle nous donne beaucoup despoir, mais parce que la vitalité et le courage, la résilience et la foi des populations nourrissent mon espérance. 

Nous attendons la venue du pape François pour la fin du mois de janvier. Cest un événement très important pour la population congolaise alors que nous craignions que son état de santé lempêche de nous rendre visite, ainsi que linsécurité dans lest du pays. Pour finir celle-ci a entraîné lannulation de létape prévue au nord de notre lac Kivu, dans la ville de Goma, à 100 km de chez nous, mais il viendra à Kinshasa. 

Les attentes de l’Eglise congolaise sexpriment clairement dans la prière qui est lue à la fin de chaque eucharistie dans le pays : « que cette visite soit aussi un temps de grâce pour réconforter les familles sinistrées par les calamités naturelles, les maladies et la misère ; un tant de grâce pour consoler les personnes éprouvées par les multiples situations dinsécurité récurrente, surtout dans le reste de notre pays ; un temps de grâce pour consolider lunité, la paix et la cohésion nationale ». Les défis que traverse notre pays sont bien présents dans cette prière. Que ce soit les calamités naturelles : éruption volcanique, glissements de terrain et inondations dues aux pluies diluviennes et à lanarchie urbaine, que ce soit les personnes victimes de linsécurité récurrente, particulièrement les 120 groupes armées incontrôlables, les attaques à nos frontières, dont je vous parlais déjà dans la circulaire précédente et qui se poursuivent avec des appuis étrangers, que ce soit lunité et la cohésion nationale, alors que 2023 sera pour nous une année délections généralisées alors quil existerait de nombreux doutes concernant limpartialité des institutions qui en sont chargées. Certes, on nattend pas du pape qu’il règle tous ces problèmes, mais cest une occasion pour lEglise catholique de rappeler son engagement au service de la justice et de la paix. La dernière lettre de notre Conférence épiscopale est une véritable mise en demeure adressée aux autorités politiques.

Tous ces soucis ne nous ont pas empêchés de célébrer Noël avec la ferveur que lon connaît chaque année, avec lémulation entre les chorales, qui sont des lieux privilégiés de rencontres de la jeunesse, avec la conviction que le pire nest pas le plus sûr pour une population qui tente de survivre dans un contexte de crise économique aggravée par la pandémie, et par les affrontements en Ukraine et sur nos frontières. Bien plus, nos engagements se poursuivent avec vigueur auprès des plus vulnérables, au Centre Nyota de Bukavu et au centre professionnel de Kamituga, que notre réseau Germes despérance soutient grâce à votre fidélité. 

Nous venons de vivre de moments forts au centre Nyota : la célébration douverture de lannée où linstitution a été confiée au patronage de Sainte Marie-Madeleine, elle qui a connu un passé très difficile et qui a été transformée par sa rencontre avec le Christ au point quelle est devenue la première à annoncer sa résurrection. À cette occasion, tous se sont réjouis de la bénédiction pontificale envoyée par le pape François sur le personnel et les survivantes accueillis par le centre. Ce fut une explosion de joie.  


De même, à la fin du trimestre, la proclamation des résultats accompagnée dune fête fut particulièrement bien animée par les filles engagées dans lEcole de la paix qui est une activité proposée aux volontaires dans le cadre du Centre pour devenir médiatrices de paix dans les milieux quelles ont dû fuir à cause des violences.  


Tout cela, ce sont des « germes despérance » que je continue à partager avec vous. Dabord, pour montrer que laide que vous apportez donne de nombreux fruits, cest pourquoi je vous propose le visage de certaines jeunes qui ont retrouvé la joie de vivre, ensuite, pour qu’au moment où vous faites lexpérience de certaines privations à cause de laugmentation des prix de lalimentation ou déventuels délestages dapprovisionnement en électricité,  vous puissiez vous sentir solidaires de nos combats et de la sobriété que vous pouvez choisir mais qui, ici, nous est imposée depuis longtemps par le dysfonctionnement des institutions étatiques.

 

Jeunes filles du Centre Nyota : proclamation des résultats.

Personnellement, je suis toujours engagé dans la nouvelle mission dont je vous ai déjà parlé : la formation de 29 jeunes rwandais, burundais congolais, qui se préparent à devenir missionnaires dans notre société apostolique. Vivre au quotidien avec ces jeunes me demande un effort dadaptation mais mapporte aussi un rajeunissement, grâce à leur exigence et à leur dynamisme. Le défi pour moi est de redevenir professeur de philosophie après avoir arrêté il y a 40 ans, ce qui exige un travail de recyclage et une préparation approfondie de mes cours. Pas si évident. Par ailleurs, je suis reconnaissant de pouvoir terminer cette année de transition 2022 dans la paix profonde et la joie de mon engagement de prêtre et de missionnaire. Année de transition par le passage de la formation permanente en lien avec Rome à la formation initiale qui me demande une plus grande stabilité ici à Bukavu. Transition parce que cela a impliqué un changement de communauté, de rythme, dhoraires, de nourriture, dactivités, que je vis heureusement de mieux en mieux. Le défi pour nous est dassurer la qualité de formation quattendent ces jeunes généreux, ce qui suppose de la part des formateurs un engagement sans faille où nous sommes cohérents entre ce que nous enseignons et la façon dont nous le mettons en pratique au quotidien. Les jeunes nous observent et sont parfois sur leur faim. 


Ce que je viens de vous partager vous permet de comprendre pourquoi j’ose, encore une fois, vous souhaitez une année 2023 de paix et de croissance intérieure… Il y a toujours plus en nous que ce que nous pensons souvent Il ny a pas dâge pour souvrir et continuer à sémerveiller. Encore une fois, jécris ton nom espérance. Bernard 

L’équipe de formation du Centre Nyota en récollection 

Un grand merci à ceux et celles qui nous aident, au nom de ceux et celles qui en bénéficient ! Notre objectif est de les rendre autonomes demain. 

Cette année, l’association Garonne Animation (Toulouse) et la Fondation Roi Baudouin (Belgique) ont fait un don à Germes d’Espérance. Nous les en remercions vivement. 


 

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