Quand les voitures électriques lorgnent vers le cobalt africain, des enfants en font les frais.
Le fait qu’une proportion importante de cobalt soit
produite artisanalement par des enfants dans des conditions toxiques oblige à
s’interroger sur la généralisation proche des voitures électriques dans les
conditions actuelles.
La RDC possède les mines de cobalt les plus productrices
du monde, plus de la moitié du cobalt utilisé mondialement. Il existe
aujourd’hui une demande accélérée pour des accumulateurs rechargeables
(batteries) fabriqués sur base de l’oxyde de lithium et de cobalt, un secteur
représentant 49% de la demande globale de cobalt. Ces accumulateurs
rechargeables sont jusqu’à présent les plus prisés dans la fabrication des
véhicules électriques, à cause de leur forte capacité de stockage d’énergie
permettant ainsi leur utilisation sur une plus longue durée[1].
Tous les efforts sont faits pour que la production puisse répondre à la demande
mondiale constamment élastique. L'Est de la RDC, où se trouvent les mines,
abrite des centaines de milliers d’enfants qui creusent pour fournir les
minéraux qui seront utilisés par Apple, Google et d'autres sociétés géantes.
L'expert en développement mondial Siddharth Kara a beaucoup
écrit sur la signification de ce minerai pour les géants de la technologie. En
2018, il note que "les enfants travaillent 12 heures par jour, certains
pour seulement 2 dollars par jour, creusant et transportant des sacs de roches
riches en cobalt, sans protection, participant à la course chaotique pour
ce produit extrêmement précieux"[2].
La toxicité du cobalt est de nature radioactive et un organisme qui y est
exposé soit par ingestion ou inhalation peut en souffrir gravement. Le cobalt
est en outre classé comme un cancérogène possible. Il pourrait aussi être à
l’origine de problèmes cardiaques et d’affections pulmonaires[3].
Ces enfants sont à la merci de maîtres d'œuvre qui sont
généralement des fonctionnaires corrompus ou même des forces rebelles. Le
gouvernement du Congo ne semble pas capable d'assurer la sécurité des vies et
des biens de ses habitants dans les villes minières. Or, cet artisanat minier
produit au moins 20% de l’exportation. Le débat entre les deux géants suisses
du secteur minier, Glencore International et Trafigura, pour savoir quelles
conditions de travail il faut offrir aux milliers des creuseurs, trouve ici
tout son sens. Pour Glencore, l’artisanat minier n’a plus sa place malgré le
chiffre impressionnant de tonnes des minerais extraits par les creuseurs artisanaux.
Trafigura semble avoir une lecture plus réaliste du contexte local. Selon ce
géant suisse, il y aurait 110.000 à 200.000 (!) creuseurs artisanaux qui
fournissent 20 à 40% du cobalt congolais et dont il faut tenir compte en
intégrant le travail des artisans miniers dans la grande industrie minière au
Katanga. Il a signé un contrat avec la compagnie Chemaf qui mène un
programme pilote d’encadrement et de régularisation de l’activité minière
artisanale[4].
Il s’agirait entre autres de contrôler les creuseurs et de limiter l’entrée des
mines aux plus de 18 ans. La tâche est immense vu le nombre des destinataires
potentiels.
Récemment, les sociétés BMW, BASF, Samsung SDI et Samsung
Electronics ont lancé en octobre 2020 en RD Congo, le projet « Cobalt for Development
», visant à former plus de 1500 exploitants artisanaux du cobalt d’ici à la
mi-2021. Ces ‘grands consommateurs’ du cobalt produit en RD Congo veulent ainsi
comprendre et relever les défis de l’exploitation minière artisanale
responsable à travers ces formations pour douze coopératives minières
artisanales à Kolwezi, dans la province du Lualaba (sud-est de RD Congo).
aitons renforcer notre stratégie de matières premières durables en ayant un impact sur le terrain – en étroite coopération avec des partenaires solides », a déclaré à la presse Ullrich Gereke, responsable de la stratégie d’approvisionnement de Volkswagen cité dans un communiqué. Le groupe a récemment rejoint l’initiative en tant que nouveau partenaire[5].
Cette initiative louable ne touchera cependant qu’un tout
petit pourcentage des jeunes (garçons et filles) qui sont privés de scolarité
et se détruisent la santé dans cet artisanat gravement toxique, sans aucune
couverture médicale.
Serait-ce une invitation à s’interroger sur le label de
propre et d’éthique attribué aux véhicules électriques dont il est prévu d’en
produire des millions[6]
(sic) durant les années à venir ? Quelle traçabilité et quelle protection mettre
en place dans ce commerce mondialisé ?
[1] Aloys Tegera, Senior Researcher,
Les enjeux du Cobalt Congolais, Pole Institute, Goma (RDC) Décembre
2019, 20 p. Non publié.
[2]https://face2faceafrica.com/article/congoisbleeding-new-hashtag-draws-attention-to-deadly-exploitation-in-congolese-minesOpinion
and features by Nii Ntreh, Oct 22, 2020
[3] Aloys Tegera, ibidem.
[4] Ibidem.
[5] Financial Afrik, Nathanael Mavinga, « RDC
: BMW, SAMSUNG et Volkswagen forment plus de 1500 exploitants artisanaux du
cobalt », 2 novembre, 2020.
[6] La COP 21 tenue à Paris ambitionne vouloir atteindre
100 million de véhicules électriques ainsi que 400 million d’engins électriques
à deux roues en 2030 et estimerait une demande de 1,2 million de tonnes de
cobalt pour atteindre son objectif. Cf. EU,
« Cobalt : demand – supply balances in the transition to electric mobility »,
2018.