jeudi 2 janvier 2020

Lettre N°40, de Janvier 2020


Chères amies, chers amis,
En ce premier jour de l’année 2020 nous nous interrogeons parfois sur le sens et la portée de ces vœux de bonheur, de paix, de justice que nous répétons d’année en année. Beaucoup de rétrospectives nous montrent que malgré nos vœux d’il y a un an, il y a eu tant de violence, d’injustice et de gens malheureux qui parcourent les routes du monde sans avenir. C’est ce que je constate également dans le pays où je travaille. Il nous faut cependant prendre au sérieux ces profondes aspirations car je crois que l’ensemble de l’humanité a soif, profondément, de paix, de sérénité, d’espérance. Et c’est précisément en m’appuyant sur l’Espérance qu’a ravivée la fête de Noël, que je vous souhaite à tous et à toutes de garder la paix du cœur à travers toutes les épreuves, de conserver un esprit de discernement au cœur de la cacophonie des informations souvent manipulées et surtout d’agir concrètement au nom de la solidarité humaine, et pour beaucoup d’entre vous, chrétienne. C’est bien ce mot solidarité que je voudrais mettre en exergue au début de cette nouvelle année. Tous nous pouvons vivre la solidarité et en avons besoin, même les plus individualistes parmi nous. Car au moindre problème sérieux, au moindre accident, nous constatons à quel point nous avons besoin de la bienveillance et parfois même de la compassion des autres. Cette solidarité nous pouvons la commencer en famille, en communauté, pour l’élargir de plus en plus au quartier, à la ville, au pays et aux peuples du monde entier. Car en cette époque de mondialisation, à l’injustice mondiale ne peut répondre qu’une solidarité mondiale. J’en vérifie chaque jour les bénéfices dans mon action concrète auprès des plus fragiles à Bukavu, que je serais bien incapable de mener à bout sans les gestes concrets de solidarité que vous posez en faveur des survivantes. Jamais nous ne vous remercierons suffisamment pour votre solidarité qui est de l’espérance en actes.
Quelques nouvelles des derniers mois
Durant ces derniers mois, j’ai vécu une succession d’événements réjouissants et d’épreuve. Tout d’abord deux rencontres qui m’ont profondément touché.
J’ai d’abord eu l’honneur de concélébrer avec le pape François le 23 septembre à la chapelle Sainte-Marthe. Après la célébration j’ai pu m’entretenir quelques minutes sur le travail que nous réalisons à Bukavu avec les victimes des violences. Il s’est évidemment montré très concerné et proche, comme on le voit sur cette photo.

Une autre rencontre, imprévue, car organisée par un ami bien introduit, de fut la soirée que j’ai passée au château de Ciergnon avec la famille royale belge le 5 octobre. J’ai passé trois heures seul avec le roi et la reine et deux de leurs enfants pour parler de l’Afrique, de mes engagements au Congo, des enfants victimes de différentes formes d’abus, comme les enfants de la rue, les enfants esclaves, les enfants victimes de trafic, les enfants soldats, les enfants nés de violence sexuelle, etc. J’ai perçu l’importance que nos souverains attachent à l’Afrique et particulièrement aux victimes les plus fragiles de la pauvreté et des conflits dans les pays africains.
Une épreuve qui m’a invité au consentement
Parallèlement à ces beaux moments se préparait une épreuve imprévue. Arrivé à Bruxelles début octobre on m’a confirmé que je souffrais d’une tumeur dont je devais être rapidement opéré. Ce fut fait le 24 octobre. Tout s’est bien passé, la chirurgie m’a libéré et je n’ai eu ni chimio ni radio. Le pronostic est tout à fait rassurant pour l’avenir. Si ce n’est que, n’ayant qu’un seul rein, je n’ai pas pu prendre d’anti-inflammatoires, ce qui m’a valu plus deux mois de convalescence pour recouvrer ma santé. J’aurai donc passé plus de trois mois à Bruxelles, dans une de nos communautés. J’y ai été très bien accueilli, objet de beaucoup d’attention. Les nombreux messages et coups de téléphone reçus de mes amies et amis, parents et confrères – dont beaucoup de Germes d’Espérance – m’ont bien soutenu. C’est fou ce que, dans de telles circonstances, le moindre petit signe fait du bien. Ne l’oubliez jamais malgré l’accélération de vos rythmes de vie. Et puis, durant cette longue immobilisation, j’ai puisé dans la patience apprise de l’Afrique, et dans la présence fidèle de mon Dieu.
Je reprends progressivement des activités, en commençant par une session de formation pour des jeunes confrères à Jérusalem, à partir du 20 janvier, avec le feu vert du médecin. Je retournerai en RDC vers la mi- février.
Notre jubilé
Les mois de novembre et de décembre ont marqué pour les Missionnaires d’Afrique et les Sœurs Missionnaires de Notre-Dame la clôture du jubilé de 150 ans de la fondation de nos institutions missionnaires. Sans doute vous souvenez-vous du petit livre « Prier 15 jours avec le cardinal Lavigerie » que mes supérieurs m’avaient demandé de publier et que certaines et certains d’entre vous se sont procurés. Le sommet de ces célébrations a été le pèlerinage au sanctuaire des martyrs de l’Ouganda non loin de Kampala le 8 décembre. Partout nous avons été frappés par la façon dont les Eglises locales africaines nous ont remerciés pour notre présence et, bien souvent, pour le fait que nous avons été les fondateurs de leurs Eglises, il y a souvent plus de 100 ans. Cela a été pour nous une source de joie et un encouragement à continuer notre travail d’évangélisation et de présence parmi les populations africaines sous la direction des responsables des Eglises locales.
 
Cérémonie de clôture de notre Jubilé de 150 ans de fondation au sanctuaire des martyrs de l’Ouganda à Namugongo, le 8 décembre 2019. Vue partielle des concélébrants Missionnaires d’Afrique

La situation en RDC
Dans ma Lettre de la Savane précédente, je vous ai présenté de façon un peu détaillée les difficultés que traverse encore et toujours notre pays. Le nouveau président de la République a décidé la gratuité de l’enseignement primaire, ce qui était une attente profonde de toute la population. La décision n’ayant pas été longuement préparée à l’avance, il y a eu des cafouillages et des manifestations, et nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la viabilité de ce choix. Quoi qu’il en soit, c’est un immense espoir, et nous espérons que le gouvernement trouvera les moyens financiers de réaliser cette promesse. Pour nos projets, particulièrement le centre Nyota, et l’école de menuiserie de Kamituga, nous ne sommes pas concernés par cette gratuité étant donné que ce sont des projets sociaux et non des établissements scolaires classiques. Il nous faut donc encore et toujours trouver les salaires des 19 personnes qui sont engagées dans nos projets.
A ville de Bukavu a connu aussi des événements graves qui ont surtout touché les plus pauvres : deux grands incendies dans les bidonvilles qui ont calciné des dizaines de « maisons » accolées les unes aux autres. Par ailleurs des pluies diluviennes ont balayé cette ville construite en terrasse sur des collines à la terre particulièrement friable et entraîné ainsi des graves glissements de terrain qui ont provoqué la mort d’un grand nombre de personnes. Donc nous sommes aussi atteints par les conséquences des changements climatiques.
Un autre sujet de préoccupation, est la fièvre hémorragique Ebola dont vous avez dû entendre parler, qui a déjà fait 2000 morts en un an et qui est particulièrement active au Nord Kivu. Elle a menacé Bukavu mais elle ne s’y est pas répandue jusqu’à présent. Un obstacle à la réponse médicale sur le terrain est l’agressivité des groupes armés (on n’en compte 130 dans l’est de la RDC) qui s’attaquent parfois aux personnels de santé. En outre, certains de ces groupes, censés être formés d’extrémistes islamistes ougandais, sont accusés d’avoir des commanditaires cachés qui veulent chasser les populations locales de ces territoires pour y implanter des populations étrangères non clairement identifiées, d’après le général de l’armée nationale commandant cette région, lors d’une interview il y a quelques jours à la radio de l’ONU. Mais tout cela ne nous empêche pas de continuer à espérer et à agir, merci d’être avec nous ! Bernard Ugeux

Kinshasa-Kigali, un accord entre Etats mais loin d’être endossé par les groupes rebelles.

  Pour une paix durable à l’Est du pays, faudra-t-il un arrangement entre Etats ? Ou alors une harmonisation avec les groupes rebelles ? S’i...