lundi 23 juillet 2018

Stéphane Joulain, Combattre l’abus sexuel des enfants, Qui abuse, pourquoi ? Comment soigner ?,  Paris, DDB, 2018, 294 pp.

L’auteur est prêtre, Missionnaire d ‘Afrique et titulaire d’une thèse en psychologie qui porte sur les coupables d’abus sexuels sur mineur. Ceci explique le sous-titre de ce livre. Il traite des auteurs d’abus et cherche à proposer des traitements psychologiques et même spirituels. Il présente d’abord les lieux de l’abus (intrafamilial, extra familial, cyberespace) et ses conséquences sur les victimes et sur l’entourage. On constate que beaucoup d’abus sont incestueux et que la majorité d’entre eux sont donc intrafamiliaux. Quant aux dégâts, sans soin, ils agissent sur les victimes pour le restant d leurs jours. Il répertorie les abuseurs, en distinguant le pédophile de l’abuseur ponctuel, ainsi que le processus qui entraîne à l’abus. Il propose alors différents modèles de soins avec une perspective holistique dans un souci de réintégration des délinquants sexuels. Il prend le risque de proposer une approche spirituelle également, ce qui risque de déranger les tenants d’une séparation totale entre sciences humaines et spiritualité, au détriment de la prise en compte de l’intégralité de la personne humaine qui est un être spirituel, même s’il n’en est pas toujours conscient. Chaque partie du livre est clos par un résumé et des questions de réflexion, ce qui en fait non seulement un bon ouvrage d’information, mais aussi de formation et  réflexion personnelle ou en groupe.


Françoise Sironi, Psychopathologie des violences collectives, Paris, Odile Jacob, 2007, 279 pp.

On ne peut traiter les victimes de violence collective comme on traite une pathologie individuelle dans un cabinet de psychologie classique. Des prises d’otage aux attentats, de la répression à la torture (comme en Syrie), des tournantes aux viols collectifs dans les villages africains, le but est la plupart du temps de terroriser une population. Il ne s’agit donc pas seulement d’une libération passagère d’une pulsion sexuelle par des hommes armés, par exemple, ou d’un acte isolé de sadisme, il s’agit d’un processus intentionnel de traumatisation d’une population à travers des violences collectives. C’est pourquoi on parle de plus en plus du viol pas seulement en contexte de guerre, mais comme « arme de guerre » en RD Congo. L’auteure a travaillé avec de victimes des Khmers rouges, du Kososvo, en Afghanistan et en Tchétchénie. Elle a créé une nouvelle approche des pathologies collectives, la psychologie géopolitique clinique où elle étudie et prend en charge ce nouvel aspect des conflits sociaux et internationaux. Elle souligne l’impact traumatique des conflits violents sur les agresseurs comme sur les victimes. Il suffit d’essayer de réintégrer dans la vie normale les enfants soldats. Elle étudie aussi bien la fabrication des traumatismes intentionnels que les nouvelles stratégies d’existence de la part des bourreaux et des victimes. Une bonne bibliographie permet de creuser une recherche indispensable, en plein développement.


Joseph E. Mwantula, Tu le diras à ma mère, L’histoire vrai de Coco Ramazani, Paris, Présence Africaine, 2015, 299 pp.

Un lecteur peu informé sur la situation des femmes dans la région des Grands-Lacs africains et particulièrement en République Démocratique du Congo pourrait avoir du mal à croire que l’orpheline Coco ait pu subir autant de violences sexuelles, d’humiliations et de souffrance en tout genre. Pourtant, la réalité est bien là. Il s’agit d’un pays sans Etat, corrompu jusqu’à la moelle, où toute fonction de pouvoir donne droit à la prédation sur les femmes de l’entourage. Y dominent la misère, la lutte pour la survie quotidienne : c’est cela la douloureuse réalité. Les enfants, les jeunes filles et les femmes sont soient happées au passage ou bien n’ont d’autres possibilités de survie que de « s’offrir » à des relations sexuelles souvent violentes et dégradantes, au marché, à l’université, parfois dans les églises. Ce livre se présente comme le journal d’une jeune femme orpheline qui a été ballotée d’un membre de famille à l’autre, d’un lieu à l’autre, abusée enfant par un pasteur, enlevée, séquestrée par la suite, entraînée dans un groupe politique à travers le pays lors des guerres de pillage importées par les Rwandais et les Ougandais dans l’Est du Congo. Elle finit par échouer aux Etats-Unis chez une sœur qui l’exploite également et y découvre qu’elle est séropositive.

Le récit est puissant, les descriptions des lieux et de événements d’un grand réalisme, les scènes de violence quasi insoutenables parfois… Mais c’est la vécu de nombreuses femmes congolaises qui font preuve d’un courage inimaginable, particulièrement pour protéger et entretenir leur famille. Ce livre sans concession permet de réaliser ce qui reste de ce pays magnifique après des générations de gouvernement prédateurs. Heureusement que la mobilisation des solidarités, familiales, humanitaire, ecclésiales, apportent un peu de baume sur un océan de déréliction…

Jean-Michel Valentin, Géopolitique d’une planète déréglée, Le choc de l’Anthropocène, Paris, Seuil, coll. Anthropocène, 2017, 327 pp.

N.B. Le mot anthropocène a été créé par Paul Crutzen pour désigner la période géologique durant laquelle l'action de l'homme a de fortes incidences sur l'évolution de la planète et qui commence au début de la révolution industrielle.

Ce livre fascinant présente de façon très documentée les changements géophysiques et la crise biologique planétaires qui provoquent aujourd’hui des bouleversements géopolitiques rapides, massifs et brutaux dont nous ne sommes pas suffisamment conscients de la rapidité et de l’impact actuel sur des millions d’habitants de la planète. « Un nouveau paysage géopolitique et stratégique émerge, marqué par la combinaison du changement climatique et de ses effets systémiques, telles les migrations de masse. La compétition mondiale pour les ressources et la crise des régimes contemporains » (4è de couverture).  L’auteur commence par démontrer comment la révolution industrielle s’est développée en parallèle des guerres qui ont marqué l’Europe au XXè siècle. Il est question de guerre « monde », du rôle du pétrole, de l’offensive biologique et des changements climatiques dont tient compte par exemple l’armée américaine aujourd’hui. Ensuite la dislocation de l’arctique a favorisé un renouveau économique et militaire de la puissance stratégique russe qui se développe rapidement. Alors que la Chine, en lien avec la Russie et d’autre pays d’Asie, réinvente une « route de la soie » qui vise à drainer les réserves énergétiques de toute la planète (y compris l’Afrique)  vers l’Empire du milieu. La conséquence des évolutions économiques, stratégiques et climatiques mettent dès maintenant des villes entières en état de siège » (Asie du Sud-Est, Bengladesh…), provoque la crise des Etats et annonce des « guerres d’« effondrement ». Les 20 pages de références scientifiques rendent ce livre particulièrement convainquant… et donnent froid dans le dos. Nous vivons encore dans la naïveté… et la politique de l’autruche tandis que la Russie, les Etats-Unis et la Chine se partagent déjà la planète. L’UE doit encore unifier sa stratégie face à ce nouveau déferlement.  On aurait aimé que la prise de conscience douloureuse réalisée par l’auteur  soit complétée par des propositions alternatives plus abondantes que les 15 dernières pages du livre… Mais c’est peut-être notre affaire à tous ?

Kinshasa-Kigali, un accord entre Etats mais loin d’être endossé par les groupes rebelles.

  Pour une paix durable à l’Est du pays, faudra-t-il un arrangement entre Etats ? Ou alors une harmonisation avec les groupes rebelles ? S’i...