Accueilli avec ferveur, le pape François
est arrivé à Kinshasa pour une visite de quatre jours en République
démocratique du Congo en proie à des violences endémiques, première étape d'un
voyage qui le mènera ensuite au Soudan du Sud.
En milieu de matinée, quelques Congolais
avaient commencé à se rassembler devant l'aéroport, suivis au fil des
heures d'une foule de plus en plus dense et impatiente de le voir dans sa
"papamobile", qui l’a amenée jusqu'au centre-ville.
Quelques jeunes émues de joie, ont manifesté leur
satisfaction de l’arrivée du Pape au Congo.
"Je ne voulais pas manquer cette
opportunité de le voir en face", déclare Maggie Kayembe.
"Il prêche toujours la paix où il passe, et la paix, on en a
vraiment besoin", ajoute la jeune femme.
Initialement prévue en juillet 2022,
cette visite avait été reportée en raison des douleurs au genou du pape de 86
ans, qui se déplace en chaise roulante, mais aussi des risques de
sécurité à Goma, dans l'Est de la RDC, une étape finalement
supprimée.
Pour son quarantième voyage
international depuis son élection en 2013, le cinquième sur le continent
africain, le jésuite argentin devait surtout appeler à faire taire les
armes dans un pays rongé par des violences meurtrières et où les deux
tiers des quelque 100 millions d'habitants vivent avec moins de 2,15 dollars
par jour.
Une misère orchestrée par la mauvaise
gestion des ressources dont regorge la RDC sur le plus grande part de son
étendue.
La RDC fait face à la résurgence du
groupe armé M23 qui a conquis ces derniers mois de vastes pans de
territoire dans le Nord-Kivu, province congolaise frontalière du Rwanda
accusé d'ingérence par Kinshasa.
L'Est de la RDC compte aussi des dizaines
de groupes armés, dont des rebelles islamistes qui prennent pour cible des
civils. Cette visite intervient d'ailleurs deux semaines après un attentat
sanglant revendiqué par le groupe Etat islamique (EI) dans une église
pentecôtiste du Nord-Kivu.
Après une cérémonie d'accueil
à l'aéroport, le chef de l'Eglise catholique s’est rendu au palais de la
Nation, où il a été reçu par le président Félix Tshisekedi. Il a prononcé
ensuite un premier discours devant les autorités, le corps diplomatique et les
représentants de la société civile.
"Ce discours a donné le ton, et
plus d’une personne sur place pensent que le discours du Pape peut délivrer un
message fort auprès des politiques en abordant la question de la corruption",
notamment en vue des élections générales qui se tiendront en décembre 2023, a
souligné Samuel Pommeret, chargé de mission à l'ONG CCFD Terre
Solidaire pour la région des Grands Lacs.
Lors de sa visite dans cet immense pays
où l'Eglise joue un rôle majeur dans la société et la politique, le
Pape François a rencontré également des victimes de violences, des membres du
clergé et des représentants d'œuvres caritatives qui lui ont adressé des
histoires fortes en rapport avec leur passé. On l’a constaté, certaines femmes vivent avec un handicap puisqu’elles
ont été victimes de l’insécurité grandissante dans leur milieu et ont subi des
tortures graves infligées par les bandes armées.
Dans ses discours, le patron de l’Eglise
catholique a abordé, entre autres, le défi du réchauffement climatique et de la
déforestation, l'éducation, les problématiques sociales et sanitaires et le
soutien à la communauté chrétienne.
Il rejoindra dans les jours qui
suivent Juba, capitale du Soudan du Sud, le plus jeune État du monde et
parmi les plus pauvres de la planète.
« Cessez
d’étouffer l’Afrique!»: l’appel du Pape à son arrivée à Kinshasa »
Le Pape François s’est élevé contre les multiples
formes d’exploitation menées en Afrique et plus spécialement en République
démocratique du Congo, où il est arrivé ce mardi 31 janvier après-midi. Dans le
premier discours de ce voyage, prononcé devant les autorités, les représentants
de la société civile et le corps diplomatique, le Saint-Père a lancé un appel
vibrant pour que «chaque Congolais se sente appelé à jouer son rôle».
Un «pays immense et plein de vie», mais
qui «semble depuis longtemps avoir perdu son souffle». Le
Saint-Père a d’emblée relevé le paradoxe qui caractérise la République Démocratique
du Congo.
Dans les jardins
du Palais de la Nation, où il venait de rencontrer en privé le président de la
république Félix Tshisekedi, François s’est adressé aux Congolais en leur
parlant des divers maux qui affectent le pays et le continent.
«Courage, frère et
sœur congolais!»
Tout au long de cette première prise de parole
particulièrement forte, le Saint-Père a recouru à l’image du diamant, que l’on
trouve en abondance dans le sol congolais. «Votre pays est vraiment un
diamant de la création ; mais vous, vous tous, êtes infiniment plus précieux
que toutes les choses bonnes qui sortent de ce sol fertile!», a-t-il
assuré.
Un peuple qui lutte «pour sauvegarder sa dignité
et son intégrité territoriale contre les méprisables tentatives de
fragmentation du pays», et vers lequel François vient «comme
un pèlerin de réconciliation et de paix».
Des diamants ensanglantés
Le Pape s’est ensuite désolé que le pays, et plus largement le continent africain, «souffrent encore de diverses formes d’exploitation». Il a dénoncé le «colonialisme économique» qui engendre le pillage des abondantes ressources: «on en est arrivé au paradoxe que les fruits de sa terre le rendent “étranger” à ses habitants. Le poison de la cupidité a ensanglanté ses diamants», a déclaré le Souverain pontife, y voyant un «drame devant lequel le monde économiquement plus avancé ferme souvent les yeux, les oreilles et la bouche». Mais tout cela n'est possible qu’avec la complicité de nationaux bien placés.
Destin BYANDIKE