lundi 9 septembre 2019

Lettre N°39, de Septembre 2019


Chères amies, chers amis,
La fin de l’été approche et déjà les enfants ont rejoint leurs écoles et les étudiants se préparent à retourner dans leurs Facs ou autres grandes écoles. Cela signifie aussi que pour nombre d’entre vous qui sont grands-parents… c’est aussi la rentrée, avec tout ce qui vous sera demandé pour les petits-enfants qui vous sont confiés à divers moments. J’espère que vous avez passé un bel été et que n’avez pas trop souffert de la canicule (pour mes correspondants d’Europe).
Pour moi aussi, c’est la reprise, à Rome avec les sessions pour les anciens Pères et Sœurs missionnaires. J’y arrive en forme après des vacances inhabituellement longues car je devais passer des contrôles médicaux et subir des soins dentaires plus importants. Tout va bien. Cela a été l’occasion de rencontrer beaucoup d’amis et de soutiens à Germes d’Espérance, y compris des communautés monastiques. Un grand merci pour votre accueil si chaleureux, pour votre hospitalité généreuse et pour votre amitié. J’ai eu des moments de vrais repos.
Le Touquet à la vesprée
J’ai eu l’occasion d’enregistrer des émissions radio à Toulouse et à Lyon, entre autres pour présenter mon livre sur le Cardinal Lavigerie que vous avez peut-être (?) acheté et lu…
Durant l’été, j’ai reçu les rapports de l’année scolaire des deux institutions soutenues par Germes d’espérance. Pour le centre Nyota, pour la première fois, les élèves de couture ont passé un jury national avec 22 sur 24 réussites. Pour les autres qui ont passé le jury de fin d’études primaires, il y a 77% de succès. Quant aux apprentis menuisiers de Kamituga, 37 sur 40 ont été reçus. Ils partent avec un petit kit de menuisier pour commencer leur vie professionnelle. Quand on considère de quel milieu et de quelles situations socio-économiques et humanitaires viennent ces jeunes, on ne peut que se réjouir pour tous ceux et celles qui deviennent ainsi progressivement autonomes (voir photo p.3). Je suis très reconnaissant à mes collaborateurs qui sont si généreux et dévoués. Grâce à vous, chaque mois, ils sont 18 à recevoir leur salaire (bien trop modeste).
Les lauréates du Centre Nyota qui ont réussi au jury national de coupe et couture. Elles ont même eu droit à la toge ! Un souvenir inoubliable pour elles, leurs familles et leurs enseignants.
Tout cela entretient l’espérance dans un pays qui continue à essayer de s’en sortir malgré de graves dysfonctionnements.
Sept mois après l’élection présidentielle, on a enfin un gouvernement… de 66 ministres, après d’âpres négociations alors, que la majorité des postes sont revenus aux partisans du Président sortant qui garde un contrôle important sur les activités politiques et surtout économiques. Le nouveau Président prend des initiatives prometteuses, comme la gratuité de l’enseignement primaire. Tous espèrent qu’il en aura les moyens financiers alors que cette gratuité est inscrite dans la constitution depuis de très nombreuses années mais ignorée par son prédécesseur. C’est d’autant plus nécessaire que les familles restent très nombreuses et que toute la population fait d’énormes efforts pour assurer la scolarisation des enfants. Cela n’empêche qu’il y a beaucoup d’enfants non scolarisés dans les rues… espérons qu’ils vont avoir leur chance maintenant.
La RDC a été au centre de l’attention des médias (rares) qui s’intéressent à l’Afrique. Le Secrétaire Général de l’ONU, Antonio Guterres vient de visiter la RDC et spécialement la région de Beni Butembo et Goma où sévissent le plus de groupes armés (on en compte 130 dans ces régions), ainsi que le virus hémorragique Ebola. En un an, celui-ci a fait plus deux mille morts dont 52 rien que pour la semaine dernière. Il est très contagieux et on essaie de sensibiliser la population (cf. mon dernier post sur mon blog). Il y a un important soutien financier et médical international, il existe un vaccin (200.000 vaccinés) et deux molécules curatives prometteuses (plus de 800 personnes guéries). Guterres a promis un renforcement des casques bleus pour combatte les groupes armés (c’est dejà la plus grande opération de l’ONU actuellement avec environ 18.000 hommes) et fait appel à l’aide internationale pour lutter contre Ebola. Il y a des dons qui viennent de partout. En plus de l’insécurité, la faiblesse du réseau sanitaire et le manque d’eau dans les grandes villes ne sont pas favorables à une prévention efficace, alors que la population devient plus consciente du danger. Ils sont prêts à se laver les mains plus souvent, mais s’il faut faire 5 km pour avoir de l’eau, comme dans certains quartiers de Goma… Les défis sont très importants.
Le FMI s’est aussi penché sur la RDC, maintenant qu’il y a une forme d’alternance et un nouvel espoir de relance économique. La commission qui doit faire des propositions de soutien financier a d’abord évalué la situation du pays. Sa conclusion, c’est qu’il faut d’abord , après tant d’années de gabegie, redresser « les dépenses et recettes fiscales, le secteur minier, la lutte contre la corruption, la transparence et la gouvernance »… Rien que cela ! Je crains que cela prenne pas mal de temps avant qu’on reçoive le moindre fonds. Mais il y a des signes d’espoir.
Parmi ceux-ci, il y a de belles initiatives des Eglises et de la société civile. Par exemple, à l’initiative du prix Nobel le Dr Mukwege, la création d’un fond mondial pour les victimes de violences sexuelles. Déjà l’Allemagne et la Grande-Bretagne ont annoncé des fonds. Il y a la création, il y a plus d’un an, d’un Institut Supérieur pour la Paix et la Réconciliation (ISPR) par les évêques des pays des Grands Lacs (Burundi, Rwanda et Est de la RDC). Il formera des chrétiens en vue d’initiatives de médiation et de réconciliation. J’ai commencé à y participer. De même que je participe à un réseau qui vient d’être créé par un collègue protestant allemand avec qui j’ai collaboré au Conseil Œcuménique des Eglises. Il sera œcuménique et couvrira les pays de la région des Grands Lacs. Il vise à partager les expériences de paix et de réconciliation de terrain, à former des acteurs locaux et à poursuivre une réflexion académique sur les défis de la réconciliation dans cette zone de conflit. Je trouve cela très stimulant. Au mois de mai, j’étais invité par la coopération Suisse à des journées d’étude à Kigali (capitale du Rwanda) sur l’utilisation et la promotion d’une méthode a visée thérapeutique basées sur une prise en charge psychosociale et communautaire des personnes et des groupes traumatisés par des conflits. Ce projet est né au Rwanda mais se développe au Burundi et au Sud-Kivu où je vis. Ces différentes instances me permettent d’approfondir ma propre pratique d’accueil sur le terrain et de développer de la recherche sur les plans méthodologiques et même académiques.
C’est dans ce même esprit que j’organise avec une équipe, en lien avec la Commissions Justice et Paix de l’Union Internationale des Supérieures Générales (UISG, Rome) un atelier de formation pour des personnes qui sont engagées sur le terrain dans l’accueil et la réintégration des survivantes de traumatismes dus à des conflits armés. Je suis arrivé à obtenir 75 % des fonds nécessaires. J’espère pouvoir compléter car l’enjeu est essentiel pour disposer d’acteurs bien formés à la gestion des victimes des conflits, enfants et adultes. Vous l’avez lu plus haut, il y a encore 130 groupes armés dans l’Est de la RDC et les femmes et les enfants restent les premières cibles, les centres d’accueil ne désemplissent pas.
Peinture réalisée par une membre de l’association « Les survivantes ». Espoir d’en sortir… purifiée ?

Avec toute mon amitié, Bernard

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