Stéphane Joulain, Combattre l’abus sexuel des enfants, Qui
abuse, pourquoi ? Comment soigner ?,
Paris, DDB, 2018, 294 pp.
L’auteur est prêtre, Missionnaire d ‘Afrique et titulaire
d’une thèse en psychologie qui porte sur les coupables d’abus sexuels sur
mineur. Ceci explique le sous-titre de ce livre. Il traite des auteurs d’abus
et cherche à proposer des traitements psychologiques et même spirituels. Il
présente d’abord les lieux de l’abus (intrafamilial, extra familial,
cyberespace) et ses conséquences sur les victimes et sur l’entourage. On
constate que beaucoup d’abus sont incestueux et que la majorité d’entre eux
sont donc intrafamiliaux. Quant aux dégâts, sans soin, ils agissent sur les
victimes pour le restant d leurs jours. Il répertorie les abuseurs, en
distinguant le pédophile de l’abuseur ponctuel, ainsi que le processus qui
entraîne à l’abus. Il propose alors différents modèles de soins avec une
perspective holistique dans un souci de réintégration des délinquants sexuels.
Il prend le risque de proposer une approche spirituelle également, ce qui
risque de déranger les tenants d’une séparation totale entre sciences humaines
et spiritualité, au détriment de la prise en compte de l’intégralité de la
personne humaine qui est un être spirituel, même s’il n’en est pas toujours conscient.
Chaque partie du livre est clos par un résumé et des questions de réflexion, ce
qui en fait non seulement un bon ouvrage d’information, mais aussi de formation
et réflexion personnelle ou en groupe.
Jean-Michel Valentin, Géopolitique d’une planète déréglée, Le choc
de l’Anthropocène, Paris, Seuil, coll. Anthropocène, 2017, 327 pp.
N.B. Le mot
anthropocène a été créé par Paul Crutzen pour désigner la période géologique
durant laquelle l'action de l'homme a de fortes incidences sur l'évolution de
la planète et qui commence au début de la révolution industrielle.
Ce livre fascinant présente de façon très documentée les
changements géophysiques et la crise biologique planétaires qui provoquent
aujourd’hui des bouleversements géopolitiques rapides, massifs et brutaux dont
nous ne sommes pas suffisamment conscients de la rapidité et de l’impact actuel
sur des millions d’habitants de la planète. « Un nouveau paysage
géopolitique et stratégique émerge, marqué par la combinaison du changement
climatique et de ses effets systémiques, telles les migrations de masse. La
compétition mondiale pour les ressources et la crise des régimes
contemporains » (4è de couverture).
L’auteur commence par démontrer comment la révolution industrielle s’est
développée en parallèle des guerres qui ont marqué l’Europe au XXè siècle. Il
est question de guerre « monde », du rôle du pétrole, de l’offensive
biologique et des changements climatiques dont tient compte par exemple l’armée
américaine aujourd’hui. Ensuite la dislocation de l’arctique a favorisé un
renouveau économique et militaire de la puissance stratégique russe qui se
développe rapidement. Alors que la Chine, en lien avec la Russie et d’autre
pays d’Asie, réinvente une « route de la soie » qui vise à drainer
les réserves énergétiques de toute la planète (y compris l’Afrique) vers l’Empire du milieu. La conséquence des
évolutions économiques, stratégiques et climatiques mettent dès maintenant des
villes entières en état de siège » (Asie du Sud-Est, Bengladesh…), provoque
la crise des Etats et annonce des « guerres d’« effondrement ».
Les 20 pages de références scientifiques rendent ce livre particulièrement
convainquant… et donnent froid dans le dos. Nous vivons encore dans la naïveté…
et la politique de l’autruche tandis que la Russie, les Etats-Unis et la Chine
se partagent déjà la planète. L’UE doit encore unifier sa stratégie face à ce
nouveau déferlement. On aurait aimé que la
prise de conscience douloureuse réalisée par l’auteur soit complétée par des propositions alternatives
plus abondantes que les 15 dernières pages du livre… Mais c’est peut-être notre
affaire à tous ?
Joseph E. Mwantula, Tu le diras à ma mère, L’histoire vrai de
Coco Ramazani, Paris, Présence Africaine, 2015, 299 pp.
Un lecteur peu informé sur la situation des femmes dans la
région des Grands-Lacs africains et particulièrement en République Démocratique
du Congo pourrait avoir du mal à croire que l’orpheline Coco ait pu subir
autant de violences sexuelles, d’humiliations et de souffrance en tout genre.
Pourtant, la réalité est bien là. Il s’agit d’un pays sans Etat, corrompu
jusqu’à la moelle, où toute fonction de pouvoir donne droit à la prédation sur
les femmes de l’entourage. Y dominent la misère, la lutte pour la survie
quotidienne : c’est cela la douloureuse réalité. Les enfants, les jeunes
filles et les femmes sont soient happées au passage ou bien n’ont d’autres
possibilités de survie que de « s’offrir » à des relations sexuelles
souvent violentes et dégradantes, au marché, à l’université, parfois dans les
églises. Ce livre se présente comme le journal d’une jeune femme orpheline qui
a été ballotée d’un membre de famille à l’autre, d’un lieu à l’autre, abusée
enfant par un pasteur, enlevée, séquestrée par la suite, entraînée dans un
groupe politique à travers le pays lors des guerres de pillage importées par
les Rwandais et les Ougandais dans l’Est du Congo. Elle finit par échouer aux
Etats-Unis chez une sœur qui l’exploite également et y découvre qu’elle est séropositive.
Le récit est puissant, les descriptions des lieux et de
événements d’un grand réalisme, les scènes de violence quasi insoutenables
parfois… Mais c’est la vécu de nombreuses femmes congolaises qui font preuve
d’un courage inimaginable, particulièrement pour protéger et entretenir leur
famille. Ce livre sans concession permet de réaliser ce qui reste de ce pays
magnifique après des générations de gouvernement prédateurs. Heureusement que
la mobilisation des solidarités, familiales, humanitaire, ecclésiales,
apportent un peu de baume sur un océan de déréliction…
Françoise Sironi, Psychopathologie des violences collectives,
Paris, Odile Jacob, 2007, 279 pp.
On ne peut traiter les victimes de violence collective comme
on traite une pathologie individuelle dans un cabinet de psychologie classique.
Des prises d’otage aux attentats, de la répression à la torture (comme en
Syrie), des tournantes aux viols collectifs dans les villages africains, le but
est la plupart du temps de terroriser une population. Il ne s’agit donc pas
seulement d’une libération passagère d’une pulsion sexuelle par des hommes armés,
par exemple, ou d’un acte isolé de sadisme, il s’agit d’un processus
intentionnel de traumatisation d’une population à travers des violences
collectives. C’est pourquoi on parle de plus en plus du viol pas seulement en
contexte de guerre, mais comme « arme de guerre » en RD Congo. L’auteure
a travaillé avec de victimes des Khmers rouges, du Kososvo, en Afghanistan et
en Tchétchénie. Elle a créé une nouvelle approche des pathologies collectives,
la psychologie géopolitique clinique où elle étudie et prend en charge ce
nouvel aspect des conflits sociaux et internationaux. Elle souligne l’impact traumatique
des conflits violents sur les agresseurs comme sur les victimes. Il suffit d’essayer
de réintégrer dans la vie normale les enfants soldats. Elle étudie aussi bien
la fabrication des traumatismes intentionnels que les nouvelles stratégies d’existence
de la part des bourreaux et des victimes. Une bonne bibliographie permet de creuser
une recherche indispensable, en plein développement.
« Ethique de
la relation de soin, récits cliniques et questions pratiques », coordonné
par Myriam Le Sommer-Péré et Marie-Hélène Parizeau, Paris, Ed. Seli Arslan,2012,
152 p.
J’ai été particulièrement
intéressé par ce livre qui touche un sujet qui est au cœur de mes formations et
de mes pratiques, la relation de soin et son éthique.
J’ai été frappé par la
qualité de son écriture et par la rigueur de la réflexion, sur les plans
médical et philosophique. J’y ai retrouvé des valeurs qui me paraissent
centrales dans l’éthique du soin. Tout d’abord le travail en équipe : de
la qualité de la relation interdisciplinaire découle celle de la gestion de
l’interculturalité. De part et d’autre, il s’agit de qualité d’écoute et de
reconnaissance et de valorisation de la différence comme source de
complémentarité. D’où découle naturellement la collégialité de la décision. Je
suis bien conscient des enjeux économiques d’une telle posture qui n’entre pas
dans la logique de la T2A… C’est un choix éthique « coûteux » (dans
plusieurs sens du terme), de la part de l’équipe soignante. Il ne se rencontre
pas partout tant s’en faut.
L’accent est mis sur le
patient, avec sa vulnérabilité, pris comme être de relation et de
communication, en recherche de sens. Et cela en lien avec sa famille et son
entourage. C’est bien ce que sont aussi les soignants.
J’ai été frappé par le
respect de la fragilité du patient et de sa famille, particulièrement des
personnes âgées et des enfants, par la progression par étapes dans le
discernement dans une approche holistique et interdisciplinaire, et l’attention
à l’affectivité et aux émotions, tant du côté du patient que de l’équipe
soignante, sans empiéter pour autant sur la prise de responsabilité en cas de
choix douloureux nécessaire et légitime.
Du coup, est pris en compte
le risque d’épuisement du soignant – dont on occulte si souvent la souffrance
qui peut entraîner un burn-out. J’aborde brièvement cette question en distinguant
empathie et compassion dans mon petit livre « La compassion, j’y
crois », publié chez Bayard.
Ces enjeux sont bien
détaillés par M.H. Parizeaux en finale, après avoir été déclinés lors des
remarques éthiques en fin de chapitre, si exigeantes et pertinentes.
Un mot concernant
l’interculturalité. Elle se distingue de la pluri- ou multi-culturalité dans le
sens qu’elle se définit par l’inter, c’est-à-dire la relation, et renvoie à une
gestion positive de la différence. Vous en montrez bien les enjeux dans le
chapitre 8 dans la prise en compte de la culture de l’autre dans le rapport à
la famille du patient. C’est un des éléments qui troublent le plus le personnel
soignant en milieu hospitalier quand on doit gérer sur le terrain les familles
de personnes provenant de culture arabe, des gens du voyage ou d’Afrique
sub-saharienne.
Dans la relation de soin,
dans la mesure du possible, et en tout cas dans le milieu où je pratique, il
faut aller plus loin dans la gestion de l’interculturalité. Nous savons que
toute personne gravement atteinte est spontanément en quête de sens et nourrit une
ou plusieurs interprétations subjectives de son état de santé ou de sa
pathologie[1] . Pour se faire, elle va
puiser dans les représentations de la santé et de la maladie dans son
environnement socio-culturel. Souvent, elle ne se satisfait pas de la réponse
au « comment », mais va jusqu’au « pourquoi ?». Et pourquoi moi ? L’être humain est
toujours en quête de sens et c’est ce sens qui déterminera la façon dont il va
assumer son épreuve. Cela a impact important sur la relation de soin. Et c’est
là qu’interviennent les croyances (pas seulement dans le sens religieux du
terme). Le patient peut être écartelé entre plusieurs étiologies, et c’est
particulièrement le cas en Afrique où les étiologies des pathologies graves
sont presque toujours personnalisées. Pas seulement QUE m’arrive-t-il,
mais QUI m’en veut et comment me protéger ? Un patient qui se présente en
milieu hospitalier a déjà parcouru tout un itinéraire thérapeutique avec des
multiples étiologies, parois contradictoires (Laplantine). Comme gérer
cela ?
Le médecin de biomédecine qui
ne peut consacrer que quelques minutes à chaque patient n’a souvent pas le
temps de le rejoindre dans sa question du sens, qui va pourtant déterminer
toute la suite de la relation de soin… Et la distance est énorme quand on
compare avec l’approche holistique et souvent systémique du tradipraticien
auquel le patient est habitué ainsi que sa famille. Celle-ci l’accompagne partout et ne le lâche
pas durant toute l’hospitalisation…
C’est un exercice que je fais
faire à mes étudiants : comment
réagissez-vous lorsqu’un patient atteint d’une pathologie grave vous affirme
qu’il a été empoisonné et compte sur vous pour le libérer autant que le guérir.
Les réponses sont variées, mais dans la plupart des cas les praticiens
partagent la même croyance dans l’efficacité de la sorcellerie. Comment
conserver sa légitimité comme soignant face à cette question qui ne relève
plus du comment mais du pourquoi et du « qui » ? Quelle
congruence avec le patient ? Ici les travaux de François Laplantine
(Anthropologie de la maladie, Payot), de Tobie Nathan (ethno-psychiatrie), Marc
Auger, etc. sont bien utiles en complément de ceux d’Eric de Rosny.
J’ai abordé quelques-unes des
ces questions un chapitre d’un de mes livres « Guérir à tout
prix ? », éd. de l’Atelier.
Ce qui est certain, c’est que
le remarquable travail de « traçabilité » qui est réalisé dans ces
études de cas ne se rencontre pas à ma connaissance dans les milieux médicaux
africains. En outre, ce qui ne facilite pas une relation de confiance avec les
médecins hospitaliers, ceux-ci ne donnent quasiment pas d’explication aux
patients quand ils leur remettent une ordonnance pléthorique, comme si celle-ci,
par la multiplicité des prescriptions, devait couvrir un spectre suffisamment
large pour que tout diagnostic s’y retrouve inclus. Mais les gens n’ont pas
d’argent et achète l’un ou l’autre médicament selon le conseil de pharmaciens
pas toujours formés. Vous pouvez imaginer le résultat.
A lire par toute personne
engagée dans une relation de soin !
[1] Uwe
FLICK, (dir.), La perception quotidienne
de la santé et de la maladie, Coll. Santé, Sociétés, cultures, Paris,
L’Harmattan,), 1993, 398 p.
Gilles Kepel, avec Antoine jardin, Terreur dans l’Hexagone, Genèse du Djihad français, Paris,
Gallimard, 2015, 330 pp.
L’auteur,
spécialiste de l’islam et du monde arabe contemporain présente dix ans
d’évolution de l’islam en France, de 2005 à 2015. Il montre comment de
nouvelles lignes de faille se sont creusées. « Le changement de génération
de l’islam de France et les mutations de l’idéologie du djihadisme sous
l’influence des réseaux sociaux produisent le creuset d’où sortiront les
Français exaltés par le champ de bataille syro-irakien ». Entretemps, la
polarisation de la société française est renforcée par la montée de l’extrême
droite.
Il
montre la complexité des courants internes à l’islam de France, le jeu des
influences étrangères (particulièrement du Moyen-Orient) et les étapes dans
l’élaboration de la mentalité du djihad. Il souligne également les limites des
services de renseignement français, souvent en retard d’une étape et se faisant
surprendre par de nouvelles irruptions de violence interne ou de départs pour
le djihad, entre autres sous l’influence du cyberdjihad. A propos de l’attaque de Mohamed Merah, il
écrit : » On peut toutefois émettre l’hypothèse que le nouveau modèle
de terrorisme islamiste n’a pas été assimilé par des services de sécurité qui
vivent alors sur le bilan flatteur de seize années sans attentat, résultat
d’une grande efficacité dans la lutte contre la deuxième vague de djihadisme,
celle d’al-Qaida. Cette vigilance aurait été prise en défaut par incapacité à
penser le « logiciel » de la troisième vague, pourtant précisée en
toute lettre par Suri [un auteur islamiste très influent dans ces milieux].
Faite de comprendre que le phénomène n’est pas exclusivement sécuritaire, à n’en
traiter que les symptômes, à refuser d’exhumer ses racines sociales, politiques
et religieuses et de consacrer les moyens nécessaires, le gouvernement se
condamne à attendre sa prochaine occurrence » (p.131). Il n’est pas tendre
non plus après avoir noté que la France détient le record absolu d’exportation
de djihadistes de l’Europe. « Quant à la réflexion sur le passage d’un
terrorisme pyramidal, ressemblant à l’organisation d’une administration
policière, à un modèle dont les acteurs fonctionnent en essaim, elle n’est pas
menée par des appareils sécuritaires français grandement hiérarchisés qui
seraient obligés de se réformer en profondeur pour s’adapter à un danger dont
la forme est inédite. Le prix à payer pour cet aveuglement volontaire et cette
surdité délibérée est déjà lourd, et le sera plus encore pour des politiciens
sans étoffe désormais dépourvus de solution aux défis du djihadisme et frappés
de mutisme devant les philippiques du Front national en ce domaine »
(p.304). On perçoit ici la déception de l’universitaire face au manque de compétence
de la part des services de sécurité manquant de formation poussée et engoncées
dans leurs habitudes. Enfin, il rappelle que les premières victimes de cette violence
est la grande masse de leurs coreligionnaires traités d’apostats parce qu’ils n’adhèrent
pas à leur extrémisme violent soi-disant religieux. (Juin 2017).
Isabelle de Gaulmyn, Histoire d’un silence, Seuil 2016.
Les scandales
de pédophilie continuent à être dévoilés dans le monde et les récentes
accusations contre les évêques d’Australie montrent que c’est loin d’être fini.
Dans les Eglises d’Afrique, cela reste un sujet tabou. Les conséquences de ces
scandales sont à la hauteur de la façon dont trop souvent l’institution
catholique, se présentant comme au-dessus de tout soupçon, s’est adonnée à des
attitudes moralisantes concernant les problèmes de sexualité (par exemple à
propos de la cohabitation juvénile ou les divorcés remariés) avec beaucoup d’intransigeance.
Ce n’est pas sans raison que le Pape François a voulu deux synodes pour
rebattre les cartes dans une attitude de miséricorde qui n’exclut pas l’exigence
évangélique, au contraire.
Quant aux
pratiques pédophiles si souvent occultées (cf. Le film Spotlight concernant des événements historiques dans le diocèse de
Boston (Etats-Unis) elles obligent à se poser la question : comment a-t-on
pu cacher des faits aussi graves et répétés, parfois sur 20 ans comme ce fut le
cas du Père Prénat. Celui-ci avait fondé une troupe scout mixte à Lyon dont il
était devenu le mentor incontrôlé. Il a ainsi abusé de nombreux jeunes garçons
durant les camps ou dans son presbytère. Quand Isabelle de Gaulmyn a réalisé
que celui qu’elle avait connu dans sa jeunesse n’avait jamais été poursuivi et découvert
la façon dont l’Eglise de Lyon avait mis un couvercle sur l’affaire, elle s’est
sentie complice par son manque d’intérêt ou son silence à propos de ce drame
auquel elle a été mêlée de près sans en avoir réalisé les enjeux. C’est donc
dans une attitude d’humilité et en se mettant elle-même en question qu’elle s’autorise
à interpeller la hiérarchie. Ce livre montre sa découverte progressive de m’ampleur
de cette tragédie et du silence des clercs qui étaient informés. Cette volonté
de clarification nous éclaire sur ce type de dérive dans l’Eglise catholique.
Elle a évidemment rencontré des critiques et des résistances devant ces
révélations (cf. la journal France Catholique par exemple), mais d’autres l’ont
soutenue. Pour Guillaume Goubert (La Croix) : « Prendre la parole publiquement sur de
telles questions est une épreuve, pour les victimes et pour leurs proches.
Aussi pour une journaliste dont la foi est profonde. Isabelle de Gaulmyn a
rédigé ce livre avec beaucoup de gravité en cherchant avant tout à comprendre.
Mais la douleur est là. Et c’est sans doute cette douleur qui empêche le livre
d’exprimer davantage d’espérance dans la capacité de l’Église à se réformer.
Mais il peut, précisément, faire avancer les catholiques vers une meilleure
réponse aux abus sexuels envers les enfants. »
Pascal
Ide, Le burn out une maladie du don,
Paris, Emmanuel/Quasar, 2015, 189 pp.
L’auteur qui est prêtre,
médecin et théologien fait le point sur un certain nombre de recherches
concernant la burn-out, particulièrement chez les agents pastoraux. Il n’y a
pas que les managers ou les soignants qui y sont exposés, celui-ci menace aussi
ceux qui se dévouent sans (suffisamment) compter au service de l’Eglise et de
leurs frères et sœurs. Le burn-out est une conséquence d’un excès de stress
négatif (car il est un bon stress ou eustress
qui nous dynamise). Il se caractérise par l’épuisement, la dépersonnalisation
(par rapport au travail) et la diminution de l’accomplissement personnel
(souvent dû au manque de reconnaissance par les autres). Ce livre propose une
grille de lecture originale du burn-out comme pathologie du don. Il concerne les
personnes généreuses et à haut idéal qui s’engagent dans des professions d’aide
comme les agents pastoraux, les soignants, les humanitaires.. Il propose aussi un
diagnostic et des remèdes adaptés à une pathologie du don et qui offre ainsi
des mesures de prévention. Enfin, un accent particulier est mis sur la
pastorale des prêtres, qui sont souvent les grands oubliés de cette réflexion.
C’est une invitation à une meilleure connaissance de soin, une bonne gestion de
ses ressources humaines et spirituelles personnelles, l’humilité de demander ou
d’accepter de l’aide. Cette étude concerne au premier chef les responsables ecclésiastiques
qui se soucient rarement des conditions de vie de leurs prêtres, surtout pour
les prêtres séculiers. Un livre qui fait réfléchir et invite à un examen de
conscience salutaire, doublé d’un minimum de professionnalisme quand on s’occupe
des ressources humaines dans un diocèse ou une congrégation.
Anne-Dauphine
Julliand, Deux petits pas sur le sable
mouillé, éd. Des Arènes, 2011.
Une maman raconte comment
elle et son mari ont vécu l’accueil et l’accompagnement de la petite Thaïs née
avec une grave maladie génétique orpheline. Celle-ci a été découverte alors
qu’elle avait deux ans et n’avait plus que quelques mois à vivre. Ses parents
ont alors décidé de lui offrir la vie la plus belle possible étant donné son
état. On constate ainsi la fécondité de ce bref passage de Thaïs sur notre
terre, par la mobilisation d’amour que sa fragilité va provoquer, d’abord
auprès de ses parents et de son frère, ensuite chez les membres de la famille,
les amis, et le personnel soignant. Anne-Dauphine raconte au jour le jour ce
combat d’amour afin que ces quelques mois à vivre soient vraiment de la vie
pour Thaïs. Ce récit plein de pudeur et de vérité montre le combat intérieur
que cet accompagnement de fin d’une vie à peine commencée a demandé. Lutte
contre le découragement, décision de confiance dans le corps médical et dans
les ressources de la petite, ainsi que dans la capacité d’aimer de l’entourage.
C’est la vérité de ce récit et le témoignage de vie qui y transparaît qui en
font un outil précieux pour le soutien et l’accompagnement de toute famille
confrontée à ce genre de drame avec un petit enfant. Bien qu’il n’y soit jamais fait allusion, on
croit deviner que la foi des parents de Thaïs les a aussi aidés à assumer cette
épreuve et cette traversée.
Bibiane
Cattin, Pour que la vie l’emporte,
2016, (compte d’auteur).
L’auteure est une
Missionnaire de Notre-Dame d’Afrique suisse qui a vécu et travaillé 35 ans en
RDC. Elle s’est particulièrement dévouée au service des femmes en tant
qu’assistante sociale. Elle a travaillé durant plusieurs années à Bukavu au
centre OLAME dont la vocation est la promotion sociale de la femme congolaises.
A la suite des guerres et des violences qui agitent la région depuis 20 ans, ce
centre s’est aussi particulièrement consacré à l’accueil de femmes victimes de
violences sexuelles. Bibiane Cattin a suivi une formation spécialisée à
l’Institut de Formation Humaine Intégrale de Montréal (IFHIM) durant trois
ans. Elle s’y est formée à la
restauration de forces vitales humaines dans l’expérience traumatique. Durant
dix ans, elle a travaillé avec des personnes traumatisées par la guerre. Elle a
pu contribuer à les aider à restaurer leurs forces vitales malgré les graves
séquelles. Elle raconte son travail au service de la résilience en décrivant
des cas particuliers et en montrant les fruits de son travail en collaboration
avec d’autres personnes au service des victimes. C’est donc à la fois un
témoignage et un outil précieux pour toutes les personnes engagées dans
l’accueil et la reconstruction de personnes victimes de graves violences dans
des régions troublées par la guerre comme les pays des Grands Lacs d’Afrique
centrale.
Mgr
Sébastien-J. Muyengo Mulobe, La charité
au quotidien, Verbum Bible 2016, 59 p.
Mgr Muyengo est l’actuel
évêque d’Uvira (RDC). Ecrivain prolixe il publie régulièrement des livres accessibles
à un grand public sur des sujets de foi, de spiritualité et de pastorale. Le
sous-titre de cet ouvrage est : « Méditation avec le Pape François
sur l’Hymne à la Charité (1 Co 13,4-7) ». Il reprend une retraite qu’il a donné à ses prêtres à propos du commentaire
par le Pape François de cette hymne dans son exhortation apostolique Amoris Leatitia (chapitre 4, n°90-130).
Il appelle ce texte les « béatitudes de Paul ». Il lie la charité à
la miséricorde mise en valeur durant cette année jubilaire en montrant comment
ce commentaire ne concerne pas que les couples mais est aussi un idéal de vie
pour tout chrétien et particulièrement pour les membres du clergé. Il s’agit
d’une paraphrase de ce texte enrichie d’exemples concrets à partir de sa
méditation personnelle et de son expérience pastorale d’évêque. Ce texte est
aussi valable pour des laïcs engagés, des responsables de jeunes, etc. A
l’occasion de l’anniversaire de ses 30 ans d’ordination, il ajoute des
souvenirs personnels de pasteur. Lors de son ordination épiscopale, il avait choisi
comme devise : « Avec la tendresse de la miséricorde de notre
Dieu ». Il s’agit donc aussi d’une action de grâce. Enfin, cet admirateur
de feu Mgr Munzihirwa, l’évêque assassiné à Bukavu le 29 octobre 1996, est
toujours sensible aux questions de justice sociale dans son engagement pastoral.
Un livre à méditer…
Marion
Muller-Colard, L’Autre Dieu, La plainte,
la menace et la Grâce, Labor et Fides, 2014, 110 p.
La confrontation au malheur,
et entre autres à la maladie grave, déstabilise souvent notre image de Dieu.
Que nous en soyons conscients ou non, la plupart des croyants vivent un rapport
à Dieu sous forme de contrat (souvent implicite). Si je te suis fidèle, tu
t’arranges pour que le malheur ne m’atteigne pas gravement. Et lorsque cela arrive,
les repères disparaissent, Dieu est accusé d’abandon et d’infidélité, la
plainte envahit tout l’espace. Cette situation, l’auteure l’a côtoyée d’abord
dans son expérience de pasteur en milieu hospitalier en Suisse, et par la
suite, lors de la maladie d’un de ses enfants. Elle se demande comment se délester
de la culpabilité et de la pensée magique quand on est envahi par la plainte et
la peur d’une menace diffuse. C’est chez Job, dont elle est spécialiste,
qu’elle va chercher des réponses tout en cheminant auprès de son fils en grande
souffrance. Elle relit ainsi son expérience et son combat au jour le jour,
aboutissant à un acte d’abandon à un Autre Dieu, différent de celui qu’elle
imaginait et très proche de celui qui demande à Job : qui était pour me
demander des comptes. Elle s’est guérie de sa plainte en croyant sur parole la sentence
du Créateur : « Cela est juste et bon. » Cet autre Dieu n’est
pas donc pas la Crucifié, ce qu’on aurait attendu d’une protestante, mais ce
Dieu de Job qui, en définitive, demande d’accepter de ne pas recevoir de réponse
pleinement rassurante et logique.
Amedeo
Cencini, La formation permanente, y
croyons-nous vraiment, Bruxelles, Lessius, coll. La Part Dieu, 2014, 118
pp.
L’auteur est un moine
canossien italien qui enseigne à l’Université pontificale salésienne de Rome.
Spécialiste de la formation des religieux, sa conviction est que « sans
formation permanente, la vie devient une frustration permanente ! ».
Il n’est plus possible de
vivre dans ce monde en changement rapide sans s’engager dans un minimum de
formation permanente. Comment trouver l’équilibre entre les valeurs profondes,
pérennes, dans lesquelles on croit, tout en étant adapté aux défis contemporains
qui, souvent, mettent en question la vie religieuse. L’auteur distingue la
formation permanente habituelle - celle qui vient d’une attitude d’ouverture
critique dans la vie quotidienne -, de la formation permanente spécialisée, qui
repose sur des propositions de formation adaptées aux âges et aux besoins. En réalité
il existe de nombreuses propositions de formation permanente diversifiées, mais
les destinataires ne se sentent pas suffisamment concernés, ce qui explique
parfois les retards de la vie religieuse par rapport aux évolution contemporaines
ou la perte de repère par rapport à sa propre foi.
Jacques Lecomte, La
bonté humaine, Altruisme, empathie, générosité, Paris, Odile Jacob,2012,
430 pp.
Comme son
titre l’indique, ce livre est le résultat d’un importante recherche
universitaire et humaine sur la question : l’homme est-il naturellement méchant
et agressif ou bien bon et sociable ? Il ne s’agit pas d’une reprise de la
théorie du « bon sauvage » mais le fruit d’un survol de très nombreuses
études publiées dans le monde entier sur cette question. La réponse est que l’être
humain est « génétiquement » bon et bienveillant. L’auteur – qui étudie
la psychologie positive - est docteur en psychologie et Professeur d’université
à Paris-Ouest-Nanterre-La Défense et l’Institut Catholique de Paris. http://www.bonte-humaine.net
Christophe André, Alexandre Jollien, Matthieu Ricard, Trois amis en quête de sagesse, Paris, l’Iconoclaste
et Allary Editions, 491 pp.
Les auteurs
expliquant la raison de cet ouvrage : « Ce livre est né de notre
amitié. Nous avions le profond désir d’une conversation intime sur les sujets
qui nous tiennent à cœur ». Christophe André est psychiatre et s’intéresse
à la méditation et la psychiatrie, Alexandre Jollien est philosophe, il est
marqué par un important handicap physique, il a publié sur la sagesse. Matthieu
Ricard est un moins bouddhiste d’origine française qui a été au service du Dalaï
Lama. Il a beaucoup publié sur la médiation, la compassion et particulièrement
un livre notoire : Plaidoyer pour l’altruisme,
en 2013. Il est engagé dans divers grands projets humanitaires au Népal.
Cet ouvrage
nous invite à rejoindre les échanges libres de ces trois sages sur des sujets
qui touchent l’existence de chacun, chacune, tels que : vivre avec ses
émotions, l’art de l’écoute, le corps : boulet ou idole ?, aux origines
de la souffrance, la cohérence, une question de fidélité, altruisme : tout
le monde y gagne, l’école dans la simplicité, la culpabilité et le pardon, la
vraie liberté : de quoi puis-je me libérer ?, nos pratiques quotidiennes.
La richesse, la profondeur et la diversité des points de vue renvoient le
lecteur à lui-même : « que dirais-je, moi, sur ces sujets, après les
avoir écouter ? ». Quelle que soit l’appartenance ou non à une religion,
une spiritualité ou une philosophie, chacun peut se sentir rejoint.
Pape François, Le nom
de Dieu est miséricorde, Conversation avec Andrea Tornelli, Paris, Robert
Laffont et Presses de la Renaissance, 2016, 171 pp.
Le style de la
conversation permet au pape François d’exposer de façon très accessible sa
conception de la miséricorde et la place qu’elle a eu dans sa propre vie. Il apparaît
que dès sa jeunesse et ensuite son ministère de prêtre, puis d’évêque et de
cardinal, sa priorité est toujours allée vers les plus pauvres et les exclus du
système, ce qu’il appelle les périphéries existentielles. L’adjectif
existentiel indique que ce n’est pas seulement la pauvreté économique ou la marginalisation
sociale dont il est question, mais toute personne qui perd le sens de sa vie ou
se perd dans sa façon de vivre (y compris ceux qui ont des moyens). Concrètement,
c’est en allant vers les pauvres, les malades, les prisonniers, les divorcés,
qu’il invite à s’engager dans les œuvres de miséricorde. Ce livre offre une
méditation sur la souffrance dans le monde et l’engagement qui ne peut laisser personne indifférent. Il
se termine par la bulle d’indiction de l’année jubilaire de la Miséricorde Misericordiae Vultus.