Cher(e)s,
ami(e)s,
Nous
voici à la veille d’une nouvelle année et les vœux circulent à
grande vitesse sur la Toile pour nous redire les uns aux autres que
nous espérons que la prochaine année sera différente –
meilleure ? « moins pire » ? - que la
précédente. Cet
espoir – et pour beaucoup cette espérance – semble chevillé à
nos cœurs et à nos corps bien
qu’une fois de plus nous terminions une année avec des bruits de
bottes et de guerres qui envahissent nos écrans …plus que des
récits et des photos qui apporteraient paix, confiance et courage
pour l’avenir… mais auraient moins d’audimat. La France est
d’autant plus pantelante que cette fois-ci, les visions d’horreur
provenaient de la capitale plutôt que du Soudan, de la Syrie ou du
Burundi qui continuent à sembler si loin… Et même si le nombre de
victimes dans ces pays est sans commune mesure avec celles de Paris.
Ce n’est d’ailleurs par le nombre de victimes qui importe mais la
façon dont cela s’est passé. Le fait que cette violence aveugle
ait touché des proches ou concerné des coins de Paris où n’importe
qui d’entre nous aurait pu se trouver pour un sympathique moment de
détente entre amis a effrayé. C’est le sentiment de surprise et
d’insécurité qui en a découlé qui a pesé.
Ce
qui est plus gênant c’est l’exploitation de ce sentiment
d’insécurité pour inaugurer ou renforcer un nouvel « axe du
mal » -
même si l’expression n’est pas employée. Pourtant on se situe
bien dans la même logique que celle du 11 septembre où ce sont les
armes et les coalitions qui ont répondu à l’émotion… ce qui a
à l’époque entraîné le Proche Orient dans la déstabilisation
insurmontable que nous connaissons maintenant et dont les actes
terroristes sont un produit.
J’ai
l’impression que ce choc tragique a favorisé une certaine
« mondialisation » de la prise de conscience civique
par rapport au désordre mondial qui domine notre planète depuis
plusieurs décennies. L’arrivée des migrants a aussi encouragé
cet élargissement de conscience et je me réjouis de voir que, dans
les deux cas, un nombre croissant de personnes semblent avoir compris
que si elles ne sont pas un élément de la solution elles sont un
élément du problème. Il n’est plus possible de rester neutres et
spectateurs comme quand tout cela avait des aspects exotiques. Et la
solution n’est évidemment pas de se laisser charmer par les
extrémismes xénophobes pour qui tout est bon pour obtenir des voix.
La mobilisation actuelle est encourageante et j’espère qu’elle
ne sera pas éphémère.
Mais
cette année n’est pas seulement celle de ces attentats – et des
multiples violences qui se poursuivent un peu partout dans le monde,
comme dans mon pays depuis 20 ans.
Il y a eu de grands signes d’espérance,
comme la COP21 qui a, malgré toutes ses insuffisances, a vu une
mobilisation citoyenne sans précédent pour le climat dans la droite
ligne d’un document qui fait date : Laudato
Si
du Pape François. Il y a eu également le second synode sur la
famille où celui-ci a pris le risque de laisser s’exprimer les
différents courants qui s’affrontent depuis longtemps sur la
famille. Le choix qu’il y fait de la miséricorde se poursuit dans
ce grand mouvement de l’année jubilaire de la Miséricorde où il
invite à répondre à l’injustice et au désordre globalisés par
une miséricorde qui – il l’a clairement précisé – n’exclut
pas la justice, mais la dépasse par la compassion. Il ne s’est pas
contenté de le dire, il l’a mis en acte dans une visite en Afrique
où, en RCA, il a carrément mis sa vie en danger au nom de l’appel
à la réconciliation dans un pays où l’islam et les extrémistes
chrétiens sont prêts à tout. J’en ferais bien mon « homme
de l’année 2015 » même si je n’ai jamais été papolâtre.
Mais c’est bien lui qui nourrit mon espérance et qui est capable
de mobiliser bien au-delà des limites visibles de l’Eglise. Il y a
aussi eu, en positif, la victoire sur le virus Ebola, un accord sur
le nucléaire iranien, un début de lutte contre les fraudes fiscales
des multinationales à travers leurs filiales…
C’est
pour cela que j’écrivais récemment sur mon blog que, même si je
suis convaincu que le terrorisme est une réalité avec laquelle il
va falloir apprendre à vivre tout en cherchant à le canaliser le
mieux possible, mon
cœur reste dans l’espérance … Car
il y a aussi, à un tout autre niveau, des gestes de bonté et de
solidarité, des engagements courageux pour la justice où des
associations civiles comme des groupes d’Eglise ou appartenant à
d’autres religions se mobilisent pour créer des alternatives aux
dysfonctionnements sociaux et écologiques de notre planète. Et là
la Toile est pour nous une occasion privilégiée d’être en
contact avec un
foisonnement d’initiatives qui montre une créativité
extraordinaire dans le monde entier.
Que ce soit des réseaux comme Avast ou V-day dont j’ai déjà
parlé, du Conseil Œcuménique des Eglises ou des instituts
missionnaires, des groupements citoyens qui créent des opportunités
pour les exclus partout sur la planète. Certains n’aiment pas
Facebook, et il faut dire que les photos de chatons ou du dernier
restau de l’été semblent leur donner raison, mais les gens qui
sont devenus mes « amis » m’apportent régulièrement
une moisson d’événements et d’actions constructives que je
m’empresse de diffuser et qui donnent beaucoup de courage aux
fourmis qui s’affairent sur le terrain avec un sentiment de si
grande précarité.
Cependant,
la
situation politique dans la région des Grands Lacs reste
préoccupante.
Elle est dominée par la volonté de certains (tous ?) les chefs
d’Etat de modifier la constitution pour obtenir un troisième
mandat. Quelque soit la méthode employée, il y a toujours des
risques de dérapages dont l’exemple le plus récent et le plus
tragique est le Burundi pourrait sombrer dans la guerre civile. Pour
la R.D. du Congo, le président ne s’est pas encore prononcé mais
des ONG nationales et internationales de défense des droits humains
dénoncent une augmentation sensible d’atteintes aux libertés
publiques. Ceci est démenti par les autorités, mais la tension est
palpable. L’année 2016 est une année à multiples élections et
la Conférence épiscopale du Congo s’est engagée dans un travail
de concertation en vue, entre autres, d’éviter des affrontements
sanglants. L’avenir
nous le dira, mais il est parfois difficile d’être optimiste quand
on voit ce qui se passe chez nos voisins.
Quant
aux actions que mène Germes
d’espérance à Bukavu, elles se poursuivent grâce à votre
fidélité,
et c’est un des aspects de la générosité discrète que je
soulignais plus haut. Cette année 2015 a été exceptionnelle car il
a fallu doubler le montant des aides pour construir une maison
d’accueil pour une quarantaine d’enfants abandonnés. La maison
est terminée et solide (elle a bien encaissé la dernière secousse
sismique) et est opérationnelle. Quant au Centre Nyota, il accueille
actuellement 272 jeunes filles en rupture (pour cause de pauvreté,
violences sexuelles ou prostitution, certaines sont mamans
célibataires) et l’esprit y est excellent. Je continue à
accompagner et à former le personnel qui est d’un dévouement
admirable. Vous pouvez obtenir le bilan des activités de Germes
d’Espérance pour cette année auprès de Bruno Vaillant
b.vaillant@gmail.com
Merci
de tout cœur à toutes et à tous ! Je
voudrais terminer sur une note plus joyeuse : en 2016 je vais
fêter mes 70 ans et mes 40 ans d’ordination presbytérale
(sacerdotale). Ce sera donc l’occasion d’une joyeuse action de
grâce en cette année jubilaire pour l’Eglise. Je vous souhaite
enfin une année
nouvelle plus paisible
parce que plus engagée, là vous êtes, dans une humanisation de
notre monde. Croyez
en ma profonde amitié. Bernard.
Fête
de la Femme 2015 au
Centre Nyota-Maison du partage de Bukavu, financé par Germes
d’espérance. Les jeunes filles accueillies au Centre se sont fait
une beauté.