Cher(es)
ami(e)s,
Je vous
souhaite une année 2024 …. qu’ajouter ? …où vous trouverez la paix du cœur
et l’espérance à travers tout… et que sera ce tout…. ? choisissons la
confiance. Le pire n’est pas le plus sûr, et cela dépend aussi de nous.
J’ai attendu
le début de cette année et la publication des résultats des élections en RDC le
31 décembre pour vous écrire. Germes d’Espérance n’a jamais autant
mérité ce nom dans un monde où l’espoir de paix semble s’amenuiser sans cesse. Que
ce soit l’invasion de l’Ukraine, le massacre injustifiable du peuple
palestinien à la suite des attaques tout aussi injustifiables du Hamas contre
Israël, (les deux communautés ont droit à la sécurité), la destruction du
Soudan par deux chefs de guerre en compétition dont la soif de pouvoir a
entraîné le déplacement de neuf millions de réfugiés, ou la situation de guerre
en RDC qui a provoqué ces dernières années le déplacement de sept millions de
personnes entassées dans des camps ou des villages dans des conditions indescriptibles…,
etc. Regarder les informations télévisées devient une épreuve affective et
psychologique. Pourtant, si nous arrivons à dépasser la partialité de la
plupart des médias, nous savons qu’il y a sur notre planète – et
particulièrement là où il y a de grandes souffrances – beaucoup plus de gestes
d’amour et de solidarité que de haine et de rejet. Et cela je le vis au
quotidien au milieu des populations démunies que je croise chaque jour. Avec
l’inflation galopante actuelle, qui précarise nos projets, des familles
entières ne mangent qu’une fois tous les deux, trois jours. La solidarité fait
des merveilles
Quelques bonnes nouvelles de cette
année
La libération de notre confrère allemand Ha-Jo Lohr enlevé par les djihadistes au Mal, il y a plus d’un an, et qui a pu rejoindre sa famille sain et sauf. Deux autres confrères avaient été enlevés au Nigéria et libérés après quelques semaines. Avec la percée des islamistes en Afrique Noire l’enlèvement de religieux est de plus en plus fréquent.
La construction d’un atelier de 6 m
sur 10 pour l’école de menuiserie de
Kamituga grâce à l’aide
de l’association toulousaine Garonne Animation et d’autres personnes, que nous
remercions de tout cœur. Nous commençons ce mois-ci. Y sont formés chaque année trente jeunes issus
des mines d’or où ils étaient exploités. Cet atelier sera équipé de machines à
bois électriques. Celles-ci amélioreront le niveau de compétence de nos élèves et
donc leurs chances d’être embauchés dans les menuiseries locales. Il nous faut
encore trouver l’argent pour les machines à bois.
Remise du brevet et du kit de réinsertion à un finaliste de l’école de Kamituga. |
Le centre
Nyota accueille cette année deux cents soixante filles vulnérables (pour
une durée de trois à cinq ans) dont un certain nombre ont été victimes de
traumatismes sérieux. La rentrée s’est
bien passée et la proclamation des résultats trimestriels a été agrémentée de
différentes productions culturelles présentées par chaque classe : danses, mise
en scène de l’annonciation, de la visitation et de la nativité, chants,
récitations, etc. L’esprit reste très bon. A la demande des formateurs et des
jeunes, nous avons acheté 5 PC pour commencer une initiation à l’informatique
en vue de former à l’e-commerce. A l’occasion de fêtes comme
celle de Noël, elles sont nombreuses à présenter des danses rythmées sur des
musiques contemporaines.
Les voir se
trémousser ainsi dans la joie et la détente est pour nous un signe émouvant de
leur résilience et de la réappropriation de leur féminité après tout ce
qu’elles ont souvent subi. Nous continuons à fournir de la
bouillie protéinée à une soixantaine de filles les plus sous-alimentées. Cependant,
nous recevons cette année des victimes de la guerre qui sévit dans la
province d’à côté qui est en état de siège (Nord-Kivu) et est en partie occupée
par des groupes rebelles soutenus par l’étranger. Les formateurs ont constaté qu’une
cinquantaine de nos filles sont particulièrement fragiles. Certaines passent
par des moments de décompensation avec évanouissement en classe en lien avec
les souvenirs traumatiques qui les habitent. Elles demandent un suivi
particulier avec un thérapeute professionnel que nous devons financer en plus
de l’équipe actuelle.
Le rejet de la
déclaration récente du pape François à propos de la bénédiction des couples en
situation irrégulière.
L’épiscopat de Zambie, parmi de nombreux autres, rejette le décret du pape François |
Le décret Fiducia
supplicans qui concerne les couples en situation irrégulière a provoqué une
levée de boucliers généralisée dans l’ensemble des Eglises d’Afrique. Pour des
raisons en grande partie culturelles, les homosexuels sont perçus comme des
êtres pervers qui ont choisi librement le vice pour s’y vautrer de façon
honteuse. De nombreux Etats africains criminalisent l’homosexualité. Du coup,
l’idée de bénir des couples de ce genre devient insupportable même à des
prélats et des professeurs de théologie et de philosophie, parfois formés en
Europe. Le rejet est continental. Sur les médias sociaux, ce fut une véritable
curée. Je soupçonne certains hauts responsables de ne pas avoir lu sérieusement
ou compris ce document de 10 pages, nuancé, mais bradé à partir de
comptes-rendus médiatiques tendancieux. La réaction a été tellement
émotionnelle et rapide qu’il n’y avait pas la place suffisante pour l’étude et
le discernement à mon avis. Et les prises de position musclées se sont envolées…
Il faut cependant reconnaître le manque de pédagogie du Vatican qui n’a pas
préparé le terrain pour l’accueil d’un document qui risquait d’être controversé
et l’absence de prise en compte des différences culturelles selon les
continents. La culture vaticane ne représente pas la grande variété
culturelle de notre planète, tant s’en faut.
Des efforts de
pédagogie
Nous essayons
d’expliquer à nos étudiants et à nos paroissiens le sens profond de ce
document : il n’est pas question de mariage, et une bénédiction n’est pas
une approbation d’un état quelconque mais un soutien spirituel à des couples en
situation difficile. Cela m’a rappelé le scandale provoqué par la publication en
1968 d’Humanae Vitae chez beaucoup de catholiques convaincus. À cette
occasion de nombreuses conférences épiscopales ont dû expliquer la position du
pape Paul VI concernant l’interdiction de la contraception et fournir un « mode
d’emploi » qui faisait appel à la conscience personnelle et au discernement. Il
faut savoir qu’en Afrique la contraception est toujours interdite dans l’Eglise
catholique.
Après seulement
100 à 150 années passées depuis le début de la première évangélisation, il faut
comprendre que l’inculturation du christianisme n’est qu’à ses débuts sur ce
continent et qu’il faut longuement patienter.
Les élections en RDC
Un engouement louable malgré une logistique déficiente et peu d’illusion sur l’issue des votes
Nous venons de
vivre une période électorale agitée. Ces élections étaient attendues depuis
longtemps et concernaient la présidence de la république, les chambres et les
municipalités. Beaucoup sont allés voter mais un certain nombre n’ont pas
réussi. L’élection du Président se faisant à un seul tour alors qu’il y
avait plus de 20 opposants qui n’ont pas été capables de se mettre
d’accord entre eux pour un candidat commun, on ne doit pas s’étonner des
résultats. C’est le Président sortant qui est réélu. Cependant, la crédibilité
des résultats reste questionnée à cause de témoignages de désordres et
d’irrégularités qui circulent. Les grandes Eglises, la société civile, des organismes
étrangers ont observé le déroulement des élections et ont reconnu des limites
dans l’organisation. Un système de dépouillement parallèle à celui de la
Commission Nationale électorale (CENI) rendra compte des éventuelles
divergences qui seront signalées et de la validité de recours.
Notre communauté
de formation Missionnaires d’Afrique.
Nous sommes organisés en 4 équipes de formation : voici les joyeux lurons de la mienne.
Cette année nous battons
les records d’affluence dans notre maison de formation où quatre formateurs se
consacrent à la formation de 38 jeunes de 10 nationalités différentes dont une
demi-douzaine d’une autre congrégation. Ils suivent les cours de philosophie
dans un consortium intercongrégationnel missionnaire, où j’enseigne également.
En revenant il y a 2 ans dans ce centre de formation dont j’ai été cofondateur
en 1981, je suis contraint de me replonger dans l’enseignement de la philosophie
ce qui me demande d’abord de me recycler moi-même, après 40 ans. À mon âge et
avec les engagements caritatifs et humanitaires que j’assume aujourd’hui, ce
genre de cours me demande un certain détachement tant l’abstraction me paraît
loin du combat des gens qui sont autour de nous. Pourtant, il est bien nécessaire
de former sérieusement les séminaristes à l’esprit critique. La preuve en est
le dérapage émotionnel d’une grande partie du clergé africain face à la
proposition d’une petite bénédiction privée pour des couples en situation
irrégulière… Beaucoup de bruit pour peu
de choses.
La formation
permanente continue pour moi
J’ai beaucoup
réduit mon engagement dans ce domaine mais cela ne m’empêche pas de répondre à
certaines demandes de formation principalement dans la région des Grands Lacs.
Par exemple, 3 jours d’initiation à l’interculturalité - comment vivre les
différences culturelles comme une richesse et non comme une menace – pour les
jeunes confrères en première année de formation à Goma, provenant du Rwanda, du
Burundi et de RDC.
Je participe aussi à la formation des formateurs au centre Amani des jésuites. J’aime beaucoup donner les quatre jours d’initiation à « vivre en communauté fraternelle » à l’internoviciat qui regroupe un certain nombre de novices provenant des 25 congrégations féminines de Bukavu. S’y ajoutent des week-ends pour les jeunes religieuses qui viennent de faire profession et pour celles de profession solennelle.
Cette année je me
suis aussi lancé dans la formation des choristes liturgiques avec plaisir. Je
chante dans une chorale depuis l’âge de 8 ans. J’ai enfin initié nos jeunes
confrères philosophes à l’importance de leur engagement dans la protection des
mineurs et des personnes vulnérables dans leur engagement pastoral.
Oui, la vie continue. Merci encore pour votre soutien !
Chapelle de la maison de formation des Missionnaires d’Afrique à Bukavu. Avec Gabriel Ducroquet en visite chez nous.