Chères amies, Chers amis,
Je viens vous dire toute ma
proximité en cette fin d’année que nous avions espérée plus prometteuse que
l’an dernier concernant la pandémie qui parcoure rapidement notre planète au
gré des variants. J’entendais hier les nouvelles mesures annoncées pour la
France à la veille des fêtes de fin d’année. On perçoit une grande lassitude
dans la population. Si chez nous la pandémie fait beaucoup moins de dégât, aujourd’hui,
le 28 décembre, à Bukavu, c’est le calme d’une ville morte déclarée par la
société civile pour s’opposer à la poussée de l’insécurité et des violences
armées alors qu’une demi-douzaine d’armées étrangères sont installées dans
nos frontières, censées contrôler les 130 groupes armés qui font des ravages
dans l’Est de notre pays. Ici aussi c’est la lassitude.
Pourtant, dans un contexte économique
de survie, les populations ont célébré Noël avec une grande ferveur, enracinées
dans la confiance que si Dieu s’est fait enfant et a vécu une vie humaine dans
le contexte de la dramatique occupation romaine de la Palestine à son époque,
il est aussi présent ici aujourd’hui, alors que plusieurs provinces sont en
état de siège. Elles ont choisi l’espérance.
Et c’est bien le vœu que je désire
formuler en cette saison pour chacune et chacun d’entre vous :
choisissiez l’espérance. Car c’est un choix : l’alternative est :
désespérer ou espérer envers et contre tout. L’espérance n’est pas un
sentiment, elle est une décision, et une grâce pour les
chrétiens.
Le logo de Germes d’Espérance (par mon ami Max Lassort).
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Non, ce n’est pas la fin du monde. Oui, cette pandémie va se terminer dans quelque temps. Patience ! Non, les Occidentaux particulièrement atteints par le virus ne sont pas les plus malheureux du monde. Les limitations que vous devez accepter dans votre mobilité et vos célébrations ces jours-ci sont celles que la majorité de la population mondiale a toujours connue depuis des siècles dans des conditions que vous ne pouvez imaginer. C’est évidemment plus difficile à vivre quand on a connu depuis longtemps, pour la plupart, les moyens de se faire largement plaisir, à l’occasion des fêtes… Mais chez vous cela reviendra bientôt. Ici, on ne sait quand cela sera imaginable un jour. Alors, oui, choisissez l’espérance, tout à une fin, y compris les malheurs. Et goûter les petits bonheurs qui vous sont donnés au quotidien, car il y en a toujours. Comme disait le Renard au Petit Prince : « tâche d’être heureux… »
Des familles accueillantes
Commençons donc par un beau signe
d’espérance. Je vous ai déjà parlé du foyer Ek’Abana de Bukavu qui a été créé
pour accueillir des petites filles accusées de sorcellerie, qui se sont
retrouvées à la rue. Il y en a actuellement une vingtaine qui sont en internat
dans cette structure où elles reçoivent beaucoup d’amour. Hier, le foyer a
organisé un échange entre des familles afin de permettre à des enfants de
connaître l’affection d’un vrai foyer. Certaines familles, à cause de la
maladie physique ou mentale des parents ou d’une grande misère, ont demandé de
l’aide pour l’accueil de l’un ou l’autre de leurs enfants. À l’occasion de la
fête de la Sainte famille, j’ai présidé une célébration où les familles
biologiques ont confié à une des familles d’accueil l’un ou l’autre de leurs
enfants afin que ceux-ci reçoivent l’affection, la sécurité, et l’éducation
dont ils ont besoin à leur âge, pendant le temps nécessaire.
L. vient d’être accueillie dans une famille. |
Cet échange fut très émouvant, avec
d’un côté la souffrance de cette séparation vécue par les familles qui
remettaient un enfant à une autre famille et de l’autre la grande bonté des
familles d’accueil, qui ont déjà plusieurs enfants, et veulent partager leur
foyer avec les plus vulnérables.
Cette solidarité entre les familles nous montre que quelques soient les épreuves que nous traversons, si nous choisissons la relation et la solidarité plutôt que de nous appesantir sur ce que nous n’avons pas nous pouvons apporter du bonheur et de l’espérance à d’autres.
L’archevêque Desmond Tutu
Vous avez dû entendre parler de ce
personnage haut en couleur, prix Nobel de la Paix, qui a été, aux côtés de
Nelson Mandela, un grand acteur de la reconstruction de l’Afrique du Sud après
l’apartheid et promoteur de la philosophie de l’Ubuntu : « je suis ce
que je suis grâce à ce que nous sommes tous ».
L’hommage mondial unanime pour cet archevêque anglican, marié et père de quatre enfants, est aussi un beau signe d’espérance dans un monde où la crispation identitaire refait surface au sein des nations et même des Eglises.
Le rapport de la CIASE
Tout le monde le craignait en France,
ce rapport concernant les violences sexuelles par des clercs et des personnels de
l’Eglise catholique, vient de sortir et a dépassé les pires pronostics. Les
évêques, commanditaires du rapport ont été eux-mêmes désarçonnés et, pour
finir, contraints à aller beaucoup plus loin qu’ils le prévoyaient dans la
reconnaissance de leur responsabilité de pasteurs et de leaders (aux yeux de la
société civile). Ils l’ont reconnu conjointement aux responsables de
congrégations religieuses (CORREF) et ont pris des engagements sérieux quant au
dédommagement (pas seulement financier) des victimes mineures ou adultes
vulnérables (dont des religieuses).
Ce que souhaitaient les victimes et les associations qui les défendaient était la reconnaissance d’un problème systémique grave dans le fonctionnement de l’Eglise catholique. Les évêques l’ont reconnu. Est-ce le début d’une réforme des fonctionnements du pouvoir dans l’Eglise catholique concernant ces scandales qui ont une dimension planétaire ? L’Eglise de France jouera-t-elle un rôle exemplaire pour enclencher les réformes nécessaires ? Sera-t-elle suivie par l’ensemble de l’Eglise universelle ? Je me demande si en dehors de certains pays européens qui lui ont emboité le pas, l’Eglise aura le même courage sur d’autres continents.
Mon changement d’activité
Cette année nouvelle est pour moi
l’occasion d’un changement dans mes engagements pastoraux. Tout en restant à
Bukavu, je vais travailler désormais dans une structure de formation
initiale qui prépare nos jeunes confrères à la vie missionnaire. D’une
part, il y a un besoin de personnel à la suite du départ d’un confrère âgé,
d’autre part, arrivé à 75 ans, je ressens le besoin de limiter mes déplacements
et de me stabiliser dans un service de formation de mes jeunes confrères, tout
en poursuivant un travail de formation permanente limité et localisé, selon la
demande et ma disponibilité. Je poursuivrai mes engagements caritatifs et
d’accueil dans les limites de mon temps disponible. Cela me demande quelque
sacrifice à propos de mon autonomie actuelle et dans le fait de m’inscrire dans
un rythme d’internat où les horaires et l’alimentation, entre autres, me
demanderont des efforts d’adaptation. Mais je l’accepte volontiers et je suis
reconnaissant à mes responsables d’avoir accepté ma proposition de
disponibilité pour ce ministère. Je l’ai déjà vécu durant 5 ans, il y a …plus
de 40 ans.
La
ville de Bukavu, sur le lac Kivu. |
Je ne puis vous quitter en cette fin
d’année sans remercier de tout cœur tous ceux et celles qui continuent à
exprimer leur solidarité avec Germes d’Espérance. Grâce à votre fidélité, et
malgré la pandémie, les grèves et l’insécurité croissante, le Centre Nyota et
l’école de menuiserie de Kamituga ont bien terminé ce premier trimestre.
Belle année 2022 à toutes et à tous !
Un élève de l’école de menuiserie de Kamituga
(ancien creuseur d’or artisanal) en stage de
perfectionnement.
Un grand
merci à ceux et celles qui nous aident, au nom de ceux et celles qui en
bénéficient ! Notre objectif
est de les rendre autonomes demain.
Cette année, l’association Garonne
Animation (Toulouse) et la Fondation Roi Baudouin (Belgique) ont fait
un don à Germes d’Espérance. Nous les en remercions vivement.