Chères
amies, chers amis,
Bonjour
de Bukavu de la part de tous les bénéficiaires de l’aide de
Germes d’Espérance. Un immense merci pour votre
fidélité à nous soutenir
dans nos efforts pour rendre le sourire à ces victimes dont le
nombre ne diminue pas avec la multiplication des attaques de groupes
armés sur les villages dans tout l’Est de la RD Congo. Merci aussi
pour les clins d’œil spontanés de votre part qui nous aident à
nous sentir moins isolés dans un pays où la feuilleton politique
est toujours aussi ubuesque. Plus de cent jours après les
« élections » présidentielles, il n’y a toujours pas
de gouvernement, et le Parlement qui devrait l’avaliser est parti
en vacances…
Pour
la plupart d’entre vous – et moi-même qui arrive dans une
semaine en Europe – l’été
est à nos portes.
C’est l’occasion privilégiée pour beaucoup d’entre nous de
découvrir de horizons neufs ou de nouveaux visages, de nous
retrouver entre amis ou parents, de prendre des moments de
ressourcement et de calme, peut-être un temps de retraite, à la
suite d’une période jaune qui a secoué beaucoup de monde en
France. C’est
aussi le moment de se souvenir que les plus beaux voyages sont
intérieurs.
C’est dans nos profondeurs que nous rejoignons le mystère de
l’humanité, de la vie, du cosmos lui-même, comme le dit si bien
la tradition hindouiste. On lit dans les Chandogya
Upanishad :
« Dans
le centre du château de Brahman, qu'est notre corps, il y a un petit
sanctuaire en forme de fleur de lotus et dedans on peut trouver un
petit espace ; nous devrions chercher qui y demeure et désirer le
connaître. [On y trouvera le cosmos tout entier] ».
Alors je nous souhaite de joyeuses surprises, sans oublier celles et
ceux qui à cette époque passent par des moments d’isolement ou de
fragilité.
Je
vous écris du bateau qui me ramène de Goma,
au Nord du lac Kivu vers Bukavu, qui est tout au Sud. 6 heures de
traversée où nous louvoyons entre les îles où des habitations
souvent précaires se nichent dans les bananeraies et pâturent des
vaches aux cornes disproportionnées.
Je
rentre d’avoir donné une conférence sur mon dernier livre « Prier
quinze jours avec le Cardinal Lavigerie » (recommandé comme
lecture de vacances par Germes d’Espérance 😊 !).
Il y avait environ 250-300 auditeurs avec une chorale d’une
cinquantaine de jeunes très dynamiques. Les
populations de cette région sont très reconnaissantes aux Pères
Blancs et aux Sœurs Blancs de leur avoir apporté la Bonne nouvelle
depuis plus d’un siècle.
A l’occasion de notre jubilé de 150 ans de fondation, diverses
célébrations se multiplient dans les diocèses de Goma et de
Bukavu, fondés par nos confrères (ainsi que plusieurs autres en
RDC) à la suite de l’impulsion du Cardinal Lavigerie. Durant la
présentation d’hier après-midi, dans ce cadre jubilaire, il y a
eu plusieurs témoignages de chrétiens et de consacré.e.s qui ont
mis l’accent sur le fait que chaque fois que nous fondions une
paroisse et construisions une église, que nous lancions les 4 années
de catéchuménat préparatoires au baptême et apprenions la langue
locale, nous commencions l’alphabétisation, construisions des
écoles primaires puis secondaires, enseignions des métiers dans des
écoles professionnelles (maçonnerie, charpenterie, menuiserie,
mécanique, etc.). Les Sœurs éduquaient les femmes aux arts
ménagers et à la couture. Nous bâtissions des hôpitaux et
formions des infirmiers et ensuite des médecins, nous apportions de
nouvelles méthodes agricoles, des semences sélectionnées,
améliorions les cheptels… Il y tant d’enseignants et de
catéchistes de l’époque qui nous expriment leur reconnaissance
encore ces jours-ci. Le souvenir est d’autant plus prégnant qu’il
contraste avec la gabegie dans laquelle nous vivons aujourd’hui, où
tant d’enfants se voient refuser l’accès à l’école primaire
et tant de malades sont privés des soins parfois les plus urgents
faute d’argent dans une nation richissime mais clochardisée par
les pillages officiels.
Bref,
une
année jubilaire est un temps de profonde gratitude vis-à-vis du
Seigneur et de nos anciens… et aussi d’humilité face aux
erreurs, aux ambiguïtés, aux supériorités qui ont aussi laissé
leurs traces.
Ces
jours-ci, je me suis rendu compte que je vous ai déjà présenté
mes collaborateurs pour les divers projets de Germes d’Espérance,
mais pas ma
communauté actuelle.
Je dis actuelle car elle change presque chaque année.
C’est
une communauté particulière car elle ressemble plus à un colombier
qu’à une abbaye monastique. En effet, nous sommes sept résidents
dont quatre sont souvent absents. C’est le quartier-général des
Missionnaires d’Afrique pour une méga-province baignée de
multiples grands lacs et composée du Rwanda, du Burundi et de la RD
Congo (cinq fois et demie la France, traversée de part en part par
le fleuve Congo, le second le plus puissant du monde après
l’Amazone, par son débit. Il fait 4700 km de long et baigne 7
pays).
C’est
là qu’est basée l’équipe provinciale : Emmanuel, le
Provincial, congolais, Dennis, sont assistant, nigérian, Jérôme,
congolais, économe provincial (trois grands voyageurs), Pierre,
français, secrétaire provincial, Sébastien, congolais, procureur
et économe de la maison, Michel, burkina-be, responsable du
mouvement Xavéri et d’un centre d’animation étudiante. Enfin
votre serviteur, belge, responsable pour l’Afrique de la formation
permanente de notre Société, en déplacement la moitié de l’année
(le reste étant pris en partie par les projets de Germes Espérance
et l’accueil de survivantes). Le défi pour nous est évidemment de
bâtir une authentique communauté alors que 4 confrères sur 7 sont
souvent absents. Je trouve qu’il y a la volonté chez la plupart
d’entre nous de donner la priorité à la vie de communauté quand
nous sommes là et de rester en lien avec la communauté quand nous
sommes en déplacement. En plus, il y a du progrès dans l’ouverture
réciproque concernant nos divers engagements. Nous ne sommes pas
seulement appelés à être une communauté de témoins, qui sont
chacun bien engagés de leur côté mais plutôt invisibles en
communauté, mais surtout à être
une « communauté témoin » qui, par la qualité de la
proximité et de la joie fraternelles témoigne de la présence du
Christ en son sein, au-delà
de ce que « font » les membres. Personnellement, c’est
là que je me sens « à la maison » (depuis près de 10
ans) et me refais humainement et spirituellement quand je rentre de
voyage. C’est pour cela j’aime partager avec mes confrères sur
ce qu’ils vivent et sur ce j’ai moi-même découvert durant mes
absences, même si, certaines années, certains exprimaient peu
d’intérêt pour le confrères de retour parfois après une longue
absence. Rien n’est parfait. C’est le cher Jean Vanier qui vient
de nous quitter qui disait que la communauté est un lieu de pardon
et de fête. Oui, nous le vivons ainsi.
Quelques
nouvelles de l’année scolaire qui se termine. Au
centre professionnel de Kamituga
où 37 jeunes apprennent la menuiserie plutôt que d’être
exploités dans la mine d’or, nous allons sortir une seconde
promotion. L’augmentation de leur nombre nous a contraints à
ajouter un hangar, des établis et des outils. De même il faudra
fournir 37 kits de réinsertion pour chacun d’entre eux, afin
qu’ils deviennent autonomes. Il y a encore du progrès à faire
dans la gestion, mais c’est plein de promesses.
Au
Centre Nyota,
avec ses 250 jeunes, surtout des filles, victimes de toutes sortes
d’abus, la réunion d’évaluation que je viens de tenir avec les
14 membres du personnel a montré qu’il y a un bon esprit de
collaboration, un vrai souci des enfants qui sont maltraités dans
certaines familles d’accueil, que les enseignants visitent, et
cette année une religieuse assure une journée d’écoute
personnelle et de catéchèse. Je leur donne quelques récollections
et à l’occasion de notre jubilé, les enseignants sont allés en
pèlerinage au lieu où est arrivé le premier Père Blanc près du
lac Kivu. Ce fut un beau moment fraternel et spirituel.
MERCI A VOUS
et passez un bel été!
Bernard et ses collaborateurs.