mercredi 24 avril 2019

Lettre N°37, d'Avril 2019


Chères amies, chers amis,
Nous sommes dans l’octave pascale et je souhaite une bonne fête de Pâques à ceux et celles parmi vous qui sont chrétiens. Oui, malgré tout ce qui pourrait nous donner des raisons de nous décourager et de désespérer nous continuons à croire envers et contre tout que le mal et la mort n’auront pas le dernier mot. Que le Christ est vivant et que la puissance de sa résurrection est toujours à l’œuvre dans les personnes et les sociétés. C’est l’impression que j’ai eue également alors que je suivais en direct, avec tristesse, l’incendie de Notre-Dame. L’émotion que cela a provoqué a montré qu’il ne faut pas trop vite parler d’un monde occidental totalement indifférent, même si pour certains c’est plutôt culturel (ce qui n’est pas loin du religieux…). La photo aérienne du toit béant m’a fait évoquer tous ceux et celles qui, dans l’Eglise n’ont pas trouvé abri et protection lors d’abus de la part du clergé. Alors, tant qu’à reconstruite un toit de béton, de bois ou d’acier, osons y associer la prévention et l’accueil des sans-abris de ces abus dont beaucoup ne sont pas encore connus.
La veillée pascale est traditionnellement un moment privilégié pour recevoir le baptême, la confirmation et la première communion. Je ne suis pas un obsédé des statistiques, mais quand j’entends que mes confrères du diocèse voisin ont baptisé dans leur paroisse environ 600 adultes (après trois ans de catéchuménat), je me dis que la soif de dévotion et de vie communautaire reste profonde dans nos régions. Cela a impliqué évidemment la mobilisation de dizaines de catéchistes pour préparer et accompagner ces catéchumènes aux sacrements.
C’est ce succès populaire de l’Eglise catholique, qui s’appuie sur un énorme réseau d’écoles, d’universités, de centres de santé, d’hôpitaux, qui en fait une sérieuse épine dans le pied de ceux qui ont organisé une série d’élections présidentielle, parlementaire et provinciale en proclamant les résultats avant que le décompte ne soit fait et que les comptes-rendus des votes ne soient publiés (ils ne le sont toujours pas). L’archevêque de Kinshasa déclarait le jour de Pâques : « Il y a quelques temps, les espoirs de tout un peuple ont été brisés et sacrifiés sur l’autel des intérêts et calculs égoïstes de quelques personnes, créant ainsi frustration et découragement » « Pire encore, nous constatons que les conditions d’une société de paix et de justice traînent encore à advenir », a-t-il ajouté. « Et les événements socio-politiques de ces derniers jours ne font qu’entretenir un climat d’incertitude pour un lendemain meilleur en RD Congo ».

Une jeunesse assoiffée de formation et de spiritualité
Ces dernières semaines, j’ai eu l’occasion d’intervenir dans la formation de nombreux jeunes dans notre diocèse et le diocèse voisin. Une partie se situait dans un parcours en vue de la vie consacrée. D’autres étaient des étudiants universitaires. Tout d’abord, ce furent deux formations pour chaque fois une quarantaine de postulants et de postulantes de diverses congrégations qui ont été initiés à une façon positive de vivre les différences culturelles (et l’interculturalité) dans des communautés composées de membres provenant de différentes régions. Les populations des Grands Lacs ont été traumatisées par des massacres interethniques depuis des décennies et il existe encore beaucoup de préjugés et de tribalisme. Découvrir que les différences sont des richesses plutôt que des menaces fut une bonne nouvelle pour nombre d’entre eux.
Ensuite, ils étaient une vingtaine de novices femmes de plusieurs instituts sur le thème de la communication fraternelle. J’y prends également en compte les questions culturelles mais j’ajoute un travail sur l’intelligence émotionnelle (Daniel Golman) et la communication bienveillante (Marshall Rosenberg). J’emploie toujours une méthodologie interactive avec des exercices pratiques, ce que les jeunes aiment beaucoup. Les formatrices et formateurs disent que ces formations modifient progressivement l’atmosphère et l’esprit de la communauté.
Le troisième groupe, quarante étudiants universitaires, s’est réuni pour une retraite durant le triduum pascal. Comme l’exhortation apostolique du Pape François après le Synode des jeunes venait de sortir (Il vit, le Christ !), je leur ai proposé certains sujets abordés de façon simple et directe par le Pape qui s’adresse directement aux jeunes. Il y avait : qu’est-ce que la jeunesse attend aujourd’hui, ses rêves et espoirs, et ses désillusions surtout dans les pays sans avenir pour eux. J’ai aussi abordé la façon dont il présente la bonne nouvelle du Père et du Fils de manière très vivante, comme une invitation à une amitié personnelle. Le dernier jour, nous avons parlé de la vocation, du discernement et des règles ignatiennes du discernement. Là aussi j’ai été frappé par leur soif d’apprendre et de comprendre à travers des questions qui n’en finissaient pas et des demandes de rendez-vous personnels. J’ai reçu plus de la moitié d’entre eux.
J’avais une appréhension en préparant le thème du rêve de la jeunesse et de la vocation, m’adressant à des jeunes certes privilégiés parce qu’étudiants universitaires, mais qui galèrent pour arriver à payer les frais académiques ou s’acheter de quoi manger et s’habiller. Plus grave est l’absence de création d’emplois dans un pays immensément riche dont toutes les ressources sont pillées par un petit nombre. Comment rêver à un avenir professionnel quand on n’a pas un sou pour préparer son mariage, louer un logement, prendre en charge une famille, surtout quand des enfants apparaîtront. Et comment gérer sa sexualité quand on arrive à l’âge de trente sans aucune perspective de mariage ou professionnelle. Survie, petit boulot, entassement dans la « maison » des parents, attente… et puis on s’étonne que certains décident de rejoindre des bandes armées…
C’est une situation qui me touche beaucoup et qui provoque parfois de la colère en moi. De si grandes ressources dans ce pays et un peuple dans une telle pauvreté… J’admire beaucoup ces jeunes, j’en soutiens certains qui sont dans une situation trop critique, grâce à Germes d’Espérance.
Radio Galilée
Cette radio catholique québécoise est très écoutée dans tout le Québec. Depuis de nombreuses années, j’y produis des émissions et donne des conférences aux auditeurs. Ayant été invité du 19 au 30 mars pour enregistrer 16 émissions et donner 2 conférences, j’ai eu le « plaisir » de découvrir cette fois-ci le Québec avec 3 mètres et demi de neige, une température de moins 15 la nuit et gel et bise dans la journée. J’ai eu un petit choc thermique de 40° de différence… Heureusement des amis m’attendaient à l’aéroport avec des vêtements chauds. J’ai été intéressé par cette proposition d’émissions car il s’agissait de deux séries d’une demi-heure, l’une sur l’art de vieillir, l’autre sur la transition du milieu de la vie. Il se fait que je donne des sessions là-dessus pour des consacrés à Rome et ailleurs. Mais en préparant, j’ai dû m’accrocher, d’une part, parce que que je devais tout revisiter pour un large public, d’autre part, il fallait découper ces sessions de plusieurs jours ou plusieurs semaines en émissions de ce format. Peut-être pourrai-je en sortir plus tard une publication. Ce fut une expérience enrichissante.
Au retour vers l’Afrique, en escale en Belgique, j’ai fait un aller-retour en Alsace pour intervenir à un colloque interdisciplinaire organisé par le groupe de recherche de la théologie pratique de la Faculté de théologie de Strasbourg sur les thèmes : Violence dans l’Eglise, violence par l’Eglise, violence sous les yeux de l’Eglise : quelles perspectives en particulier pour l’Afrique francophone ? J’en parle dans mon blog que vous êtes invités à visiter une fois de plus. J’y ai abordé l’accueil des victimes de violence et le travail de guérison de la mémoire, afin de ne pas répéter les cycles de massacres dans les Grands Lacs. La moitié des intervenants étaient des Africains et les échanges furent stimulants.

Enfin, avec cette lettre vous recevez un communiqué de presse à propos du livre dont je vous ai parlé dans la lettre précédente, à l’occasion de nos 150 ans de fondation. « Prier Quinze jours avec le Cardinal Lavigerie » éd. Nouvelles Cités. Une amie m’a dit : « ce livre m’a aidé à mieux comprendre ta vocation ». Cette collection présente la vie spirituelle de certaines personnalités. Le Cardinal Lavigerie (1825-1892), homme d’action aux intuitions fulgurantes, a très peu produit de document spirituel. J’ai donc dû parcourir ses écrits, et particulièrement les instructions à ses missionnaires pour y découvrir une spiritualité riche et étonnamment actuelle. C’est lui qui s’était engagé à réveiller les capitales européennes pour éradiquer l’esclavage en Afrique noire. Ils y sont parvenus et il y a presque laissé sa santé. Je vous invite à découvrir notre fondateur, c’est un petit livre de 110 pages.
Je vous remercie encore de tout cœur pour votre soutien aux projets du centre pour jeunes filles de Nyota (Bukavu) et de l’école de menuiserie pour garçons esclaves dans les mines (Kamituga). Nous avançons grâce votre aide précieuse et fidèle.

Chers amies et amis, je vous souhaite bonne continuation, vous restez dans ma prière et dans mon cœur, merci de nous permettre de semer des Germes d’Espérance. Bernard

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