Chères
amies, chers amis,
Nous
sommes dans l’octave pascale et je souhaite une bonne
fête de Pâques
à ceux et celles parmi vous qui sont chrétiens. Oui, malgré tout
ce qui pourrait nous donner des raisons de nous décourager et de
désespérer nous continuons à croire envers et contre tout que le
mal et la mort n’auront pas le dernier mot. Que le Christ est
vivant et que la puissance de sa résurrection est toujours à
l’œuvre dans les personnes et les sociétés. C’est l’impression
que j’ai eue également alors que je suivais en direct, avec
tristesse, l’incendie de Notre-Dame. L’émotion que cela a
provoqué a montré qu’il ne faut pas trop vite parler d’un monde
occidental totalement indifférent, même si pour certains c’est
plutôt culturel (ce qui n’est pas loin du religieux…). La photo
aérienne du toit béant m’a fait évoquer tous ceux et celles qui,
dans l’Eglise n’ont pas trouvé abri et protection lors d’abus
de la part du clergé. Alors, tant qu’à reconstruite un toit de
béton, de bois ou d’acier, osons
y associer la prévention et l’accueil des sans-abris de ces abus
dont beaucoup ne sont pas encore connus.
La
veillée pascale est traditionnellement un moment privilégié pour
recevoir le baptême, la confirmation et la première communion. Je
ne suis pas un obsédé des statistiques, mais quand j’entends que
mes confrères du diocèse voisin ont baptisé dans leur paroisse
environ 600 adultes (après trois ans de catéchuménat),
je me dis que la soif de dévotion et de vie communautaire reste
profonde dans nos régions.
Cela a impliqué évidemment la mobilisation de dizaines de
catéchistes pour préparer et accompagner ces catéchumènes aux
sacrements.
C’est
ce succès populaire de l’Eglise catholique, qui s’appuie sur un
énorme réseau d’écoles, d’universités, de centres de santé,
d’hôpitaux, qui en fait une sérieuse épine dans le pied de ceux
qui ont organisé une série d’élections présidentielle,
parlementaire et provinciale en proclamant les résultats avant que
le décompte ne soit fait et que les comptes-rendus des votes ne
soient publiés (ils ne le sont toujours pas). L’archevêque de
Kinshasa déclarait le jour de Pâques : « Il
y a quelques temps, les espoirs de tout un peuple ont été brisés
et sacrifiés sur l’autel des intérêts et calculs égoïstes de
quelques personnes, créant ainsi frustration et découragement »
« Pire encore, nous constatons que les conditions d’une
société de paix et de justice traînent encore à advenir »,
a-t-il ajouté. « Et les événements socio-politiques de ces
derniers jours ne font qu’entretenir un climat d’incertitude pour
un lendemain meilleur en RD Congo ».
Une
jeunesse assoiffée de formation et de spiritualité
Ces
dernières semaines, j’ai eu l’occasion d’intervenir dans la
formation de nombreux jeunes dans notre diocèse et le diocèse
voisin. Une partie se situait dans un parcours en vue de la vie
consacrée. D’autres étaient des étudiants universitaires. Tout
d’abord, ce furent deux formations pour chaque fois une quarantaine
de postulants et de postulantes de diverses congrégations qui ont
été initiés à une façon
positive de vivre les différences culturelles (et
l’interculturalité) dans
des communautés composées de membres provenant de différentes
régions. Les populations des Grands Lacs ont été traumatisées par
des massacres interethniques depuis des décennies et il existe
encore beaucoup de préjugés et de tribalisme. Découvrir que les
différences sont des richesses plutôt que des menaces fut une bonne
nouvelle pour nombre d’entre eux.
Ensuite,
ils étaient une vingtaine de novices femmes de plusieurs instituts
sur le thème de la
communication fraternelle.
J’y prends également en compte les questions culturelles mais
j’ajoute un travail sur l’intelligence émotionnelle (Daniel
Golman) et la communication bienveillante (Marshall Rosenberg).
J’emploie toujours une méthodologie interactive avec des exercices
pratiques, ce que les jeunes aiment beaucoup. Les formatrices et
formateurs disent que ces formations modifient progressivement
l’atmosphère et l’esprit de la communauté.
Le
troisième groupe, quarante étudiants universitaires, s’est réuni
pour une retraite durant le triduum pascal. Comme l’exhortation
apostolique du Pape François après le Synode des jeunes venait de
sortir (Il
vit, le Christ !), je
leur ai proposé certains sujets abordés de façon simple et directe
par le Pape qui s’adresse directement aux jeunes. Il y avait :
qu’est-ce que la jeunesse attend aujourd’hui, ses rêves et
espoirs, et ses désillusions surtout dans les pays sans avenir pour
eux. J’ai aussi abordé la façon dont il présente la bonne
nouvelle du Père et du Fils de manière très vivante, comme une
invitation à une amitié personnelle. Le dernier jour, nous
avons parlé de la vocation, du discernement et des règles
ignatiennes du discernement.
Là aussi j’ai été frappé par leur soif d’apprendre et de
comprendre à travers des questions qui n’en finissaient pas et des
demandes de rendez-vous personnels. J’ai reçu plus de la moitié
d’entre eux.
J’avais
une appréhension en préparant le thème du rêve de la jeunesse et
de la vocation, m’adressant à des jeunes certes privilégiés
parce qu’étudiants universitaires, mais qui galèrent pour arriver
à payer les frais académiques ou s’acheter de quoi manger et
s’habiller. Plus grave est l’absence de création d’emplois
dans un pays immensément riche dont toutes les ressources sont
pillées par un petit nombre. Comment
rêver à un avenir professionnel quand on n’a pas un sou pour
préparer son mariage, louer un logement, prendre en charge une
famille, surtout quand des enfants apparaîtront.
Et comment gérer sa sexualité quand on arrive à l’âge de trente
sans aucune perspective de mariage ou professionnelle. Survie, petit
boulot, entassement dans la « maison » des parents,
attente… et puis on s’étonne que certains décident de rejoindre
des bandes armées…
C’est
une situation qui me touche beaucoup et qui provoque parfois de la
colère en moi. De si grandes ressources dans ce pays et un peuple
dans une telle pauvreté… J’admire beaucoup ces jeunes, j’en
soutiens certains qui sont dans une situation trop critique, grâce à
Germes d’Espérance.
Radio
Galilée
Cette
radio catholique québécoise est très écoutée dans tout le
Québec. Depuis de nombreuses années, j’y produis des émissions
et donne des conférences aux auditeurs. Ayant été invité du 19 au
30 mars pour enregistrer 16 émissions et donner 2 conférences, j’ai
eu le « plaisir » de découvrir cette fois-ci le Québec
avec 3 mètres et demi de neige, une température de moins 15 la nuit
et gel et bise dans la journée. J’ai eu un petit choc thermique de
40° de différence… Heureusement des amis m’attendaient à
l’aéroport avec des vêtements chauds. J’ai été intéressé
par cette proposition d’émissions car
il s’agissait de deux séries d’une demi-heure, l’une sur l’art
de vieillir, l’autre sur la transition du milieu de la vie.
Il se fait que je donne des sessions là-dessus pour des consacrés à
Rome et ailleurs. Mais en préparant, j’ai dû m’accrocher, d’une
part, parce que que je devais tout revisiter pour un large public,
d’autre part, il fallait découper ces sessions de plusieurs jours
ou plusieurs semaines en émissions de ce format. Peut-être
pourrai-je en sortir plus tard une publication. Ce fut une expérience
enrichissante.
Au
retour vers l’Afrique, en escale en Belgique, j’ai fait un
aller-retour en Alsace pour intervenir à un colloque
interdisciplinaire
organisé
par le
groupe de recherche de la théologie pratique de la Faculté de
théologie de Strasbourg sur les thèmes : Violence
dans l’Eglise, violence par l’Eglise, violence sous les yeux de
l’Eglise : quelles perspectives en particulier pour l’Afrique
francophone ? J’en
parle dans mon blog que vous êtes invités à visiter une fois de
plus. J’y ai abordé l’accueil des victimes de violence et le
travail de guérison de la mémoire, afin de ne pas répéter les
cycles de massacres dans les Grands Lacs. La moitié des intervenants
étaient des Africains et les échanges furent stimulants.
Enfin,
avec cette lettre vous recevez un communiqué de presse à propos du
livre dont je vous ai parlé dans la lettre précédente, à
l’occasion de nos 150 ans de fondation. « Prier
Quinze jours avec le Cardinal Lavigerie »
éd. Nouvelles Cités. Une amie m’a dit : « ce livre m’a
aidé à mieux comprendre ta vocation ». Cette collection
présente la vie spirituelle de certaines personnalités. Le Cardinal
Lavigerie (1825-1892), homme d’action aux intuitions fulgurantes, a
très peu produit de document spirituel. J’ai donc dû parcourir
ses écrits, et particulièrement les instructions à ses
missionnaires pour y découvrir une spiritualité riche et
étonnamment actuelle. C’est lui qui s’était engagé à
réveiller les capitales européennes pour éradiquer l’esclavage
en Afrique noire. Ils y sont parvenus et il y a presque laissé sa
santé. Je vous invite à découvrir notre fondateur, c’est un
petit livre de 110 pages.
Je
vous remercie encore de tout cœur pour votre soutien aux projets du
centre pour jeunes filles de Nyota (Bukavu) et de l’école de
menuiserie pour garçons esclaves dans les mines (Kamituga). Nous
avançons grâce votre aide précieuse et fidèle.
Chers
amies et amis, je vous souhaite bonne continuation, vous restez dans
ma prière et dans mon cœur, merci de nous permettre de semer des
Germes d’Espérance. Bernard