Chères
amies, chers amis,
A
tous et à toutes, je vous souhaite de commencer cette nouvelle année
en tirant les leçons des déceptions de l’année 2016, sans
oublier pour autant les nombreux acquis par tant de mouvements
alternatifs qui préparent une société plus humaine car plus
responsable et fraternelle, en choisissant la solidarité plutôt que
le rejet et l’exclusion. Que cette année 2017 soit marquée par le
discernement et l’ouverture à ce qui donne vie pour tous, sans
exclusion.
Je
voudrais consacrer une partie de cette lettre à des réflexions
personnelles sur la situation que nous vivons actuellement dans le
monde.
2016…
la fin des illusions…
L’année
2016 a apporté beaucoup de violences, de terrorisme, d’inquiétudes
et ce n’est sans doute pas fini. Elle a aussi apporté des
surprises, le Brexit, Trump, la montée des populismes en réponses à
l’accueil des migrants, le rejet du Président Kabila par une
partie de la jeunesse de la RDC.
Si
ces événements sont arrivés par surprise pour un grand nombre, ils
étaient cependant préparés depuis longtemps.
A
propos des migrants,
j’écrivais sur mon blog (http://www.lavie.fr/blog/bernard-ugeux/)
le 10 novembre 2011 : « Un
projet de société qui veut offrir un horizon de sens et un espoir
de progrès dans l’humanisation des personnes et de la planète
peut-il se limiter au maintien égoïste d’un acquis, à une
crispation sur ses avantages?
Peut-on se contenter d’un projet de vie où on se protège de tout
(et surtout du partage) en lorgnant vers le nationalisme, le
protectionnisme et le populisme? L’Europe est tentée par le
syndrome de la forteresse. Tant qu’on en restera au quantitatif,
tant que l’horizon pour l’avenir sera la sécurisation des acquis
du passés, il n’y a plus ni avenir ni horizon. Il y a ici un réel
risque de déshumanisation. Car l’être humain n’existe pas
d’abord pour avoir, mais pour être et être avec et pour les
autres. Bergson parlait de supplément d’âme… C’est pourquoi,
il est très important aujourd’hui d’être à l’écoute de
certains groupes alternatifs qui sont moqués par les majorités
comme de pures utopistes. (…) se protéger des migrants qui
pourraient abuser de certains avantages, contrôler les lieux de la
planète où il y a encore des réserves d’hydrocarbures, dont la
pénurie est régulièrement annoncée au détriment des nations peu
développées, pose déjà beaucoup plus de questions. Car
derrière cette préoccupation de maintenir les « avantages acquis
», on semble continuer à considérer comme normal que 20% de la
population mondiale jouissent de 80% des ressources de la planète
». C’est souvent parce qu’ils sont pillés de leur richesses
naturelles et humaines que tant de migrants économiques se ruent
vers nos pays, en plus de la mauvaise gouvernance de leur pays
(parfois complice)! Quant aux réfugiés politiques, qui a
déstabilisé la plupart des états du Proche Orient au nom de la
démocratie… et au profit du contrôle des hydrocarbures et
d’autres richesses naturelles?
Quant
au Brexit et à D. Trump,
j’écrivais le 9 novembre 2016 sur Facebook : « Le succès du
populisme aux Etats-Unis, comme lors du Brexit, m'interpelle sur le
décalage entre les "élites" (qui ne vivent pas toujours
les grandes valeurs au nom desquelles elles se considèrent comme des
élites, et je peux me mettre moi-même en question) et une majorité
silencieuse et laissée pour compte. Celle-ci a perdu espoir face à
la succession des crises qui ont marqué cette dernière décennie et
elle se laisse sans doute trop facilement piéger par la démagogie.
Mais a-t-on entendu leur cri depuis des années? Qu'ont répercuté
les médias de ces partisans de la base qui ont afflué aux meetings
de Trump? Juste du mépris...»
La
révolte de tout un peuple britannique ou américain, qui ne forme
pas la classe la plus défavorisée, contre
un modèle politique dominé par une certaine vision de la
mondialisation démontre le manque d’intérêt de la part des
décideurs pour les véritables aspirations de l’humanité.
Il n’y a pas que le profit maximum et immédiat qui compte. On a
cru que le consumérisme remplacerait l’aspiration profonde de
l’humanité à une responsabilité dans les décisions concernant
son avenir par un gavage au niveau de l’avoir… Il ne suffit pas
de calculer le PIB pour évaluer la croissance réelle d’un peuple,
surtout quand il ne rend compte que des avantages d’une minorité
comme en Afrique. En RDC, le PIB a augmenté de façon remarquable
ces dernières années, mais je n’ai vu la création que de
quelques emplois privés dans mon entourage, alors que l’opulence
du niveau de vie des gens au pouvoir est un objet de scandale pour le
peuple. Les
peuples ont autant besoin d’un sens à leur vie que de biens à
posséder.
La
révolte des jeunes africains
:
J’écrivais aussi sur mon blog, le 30/9/2016 : « (…) dans
certains pays, le plus grand nombre de jeunes diplômés sont au
chômage alors qu’ils voient leurs responsables politiques jouir
d’un train de vie provoquant. Leur détermination s’exprime dans
les grands risques que prennent ces manifestants lorsqu’ils
s’engagent sur une avenue avec leurs calicots en sachant qu’il
est probable qu’on leur tirera dessus avec des balles réelles,
parfois à la hauteur de la tête ou de la poitrine. Ou bien que
s’ils se font prendre, même s’ils manifestent pacifiquement, il
feront l’objet de procédures expéditives et de conditions
inhumaines d’emprisonnement. Or, de pays en pays, et de
manifestations en manifestations, il y en a de plus en plus qui se
présentent et prennent de tels risques ». C’est ce que viennent
de faire les jeunes Congolais des mouvements Filimbi et Lucia ces
derniers temps en RDC, en réaction au maintien au pouvoir du
Président en fin de mandat. Heureusement qu’il semble qu’on ait
trouvé un compromis satisfaisant aujourd’hui à Kinshasa, qui a
permis à ces jeunes de décider de rester fidèles à leur option
non-violente et d’œuvrer pour la paix. Mais
ils restent mobilisés, car ces jeunes diplômés n’ont
pratiquement aucun avenir et ils ne veulent plus se laisser manipuler
par de fausses promesses.
L’espérance
n’est pas morte…
La
préparation de Noël a été difficile en RDC car tout le monde
était aux aguets concernant l’issue de la concertation entre
majorité et opposition que tentaient de gérer les évêques du
Congo et qui était censée durer trois jours. Elle a duré près de
3 semaines et rien n’était clair la veille de Noël. Elle faisait
suite aux manifestations parfois violentes des 19 et 20 décembre,
date de la fin de mandat – non renouvelable – du Président de la
République, décidé à rester au pouvoir jusqu’à l’arrivée de
son successeur. Il y a eu de nombreux morts. Depuis lors, la plupart
des institutions de l’Etat sont devenues illégitimes. L’urgence
était d’organiser des élections présidentielles et
parlementaires qui avaient été retardées officiellement ( !)
par manque de moyens.
Il fallait aussi gérer la transition, s’assurer que le président
ne tenterait pas de se représenter, et bien d’autres enjeux dont
certains ne sont pas encore convenablement pris en compte. Nous avons
cependant célébré Noël avec l’enthousiasme habituel dans les
églises (puisqu’il n’y a pas de quoi réveillonner à la
maison). Quant au Nouvel an, c’est en pleine nuit qu’un accord a
été signé par la plupart des participants des parties prenantes de
la majorité et de l’opposition sur une grande partie des points
litigieux, grâce à la médiation ferme et patiente des évêques
confrontés à un public qui recherchait souvent ses avantages
personnels plutôt que le bien commun. Nous espérons donc qu’il
n’y aura plus de violences politiques dans l’immédiat, même si
les massacres se poursuivent ici dans l’Est, surtout dans la
Nord-Kivu (35 morts durant la nuit de Noël).
Quelques
mots de nos projets caritatifs.
La
dévalorisation de la monnaie nationale entraîne une perte de
pouvoir d’achat pour des ménages dont certains ne mangeaient déjà
qu’un jour sur deux. La crise économique concernant les mines et
les matières premières a aussi entraîné des conséquences (entre
autre sur les salaires de la fonction publique). Par ailleurs, à
Bukavu, c’est la saison des pluies, qui sont parfois diluviennes.
Elles inondent et renversent les maisons en planche de populations
accrochées à flanc de colline. Mais les gens essaient d’être
solidaires à travers tout, particulièrement vis-à-vis des
prisonniers dont le nombre est parfois dix fois plus important que la
capacité d’accueil. L’équipe d’aumônerie est soudée et
dynamique, elle est soutenue par les communautés de base qui
apportent de la nourriture, mais elles ne peuvent se substituer à
l’Etat.
Concernant
nos projets, cette année 2016 a pu se clôturer avec des résultats
positifs, grâce entre autres à des dons exceptionnels. Nous
allons envoyer un rapport détaillé à certains d’entre vous qui
ont montré de l’intérêt pour nos engagements.
Ceux qui ne l’auraient pas reçu peuvent le demander à Bruno
Vaillant dont l’adresse est ci-dessous.
Et
MERCI à vous qui nous soutenez fidèlement ! Ne
vous lassez pas, pour que nous tenions le coup !
Oserais-je vous confier qu’il y a des jours où la lassitude nous
pèse devant tant de précarité difficile à gérer, tant sur le
plan psychologique que financier ? Nous comptons sur votre
prière, vos messages de solidarité et votre partage… qui rend
possible l’impossible… Belle année 2017 !